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Préval a fait du Préval

A l'entrée du palais de Justice, un policier administratif dévore la une du Nouvelliste. Recouvert du drapeau vénézuélien, le cercueil en bois clair de Hugo Chavez écrasé par des fleurs au milieu d'une foule immense dans les rues de Caracas vaut définitivement plus qu'un simple coup d'oeil. Un cireur de chaussures fait son beurre. Les averses de la veille ont sali quelques souliers. Sur la cour, des agents de la BIM et de la CIMO sont en faction. Ils sont tranquilles, en mode rien à signaler (RAS).

A une dizaine de mètres d'eux, un peu plus au sud de ce bâtiment occupé jadis par l'USAID, au Bicentenaire, deux garde du corps de l'escorte de l'ex-président René Préval discutent. Il est 8 heures passées. Préval est là. « Il est venu presque aux aurores, avant le juge Dabrésil », lâche l'air enjoué un homme dans la quarantaine, commis à l'administration d'une des cours ayant élu domicile ici après goudougoudou.

L'heure tourne. Justiciables, avocats, prévenus arpentent les bureaux de ce complexe en quête de justice, et le juge d'instruction Ivikel Dabrésil d'informations auprès de l'ex-président sur l'assassinat le 3 avril 2000 de Jean Léopold Dominique, l'un des plus célèbres journalistes haïtiens des dernières décennies.

En treize ans, ce dossier, comme une patate chaude, a été refourgué à presque une dizaine de juges d'instruction, incapables jusqu'ici de rendre une quelconque ordonnance. Des suspects, certains sous contrôle de la police ou à l'hôpital, ont passé l'arme à gauche, comme les hommes de main ou témoins gênants dans Le Parrain, la célèbre trilogie du réalisateur américain Francis Ford Coppola.

L'heure tourne. La meute de journalistes grossit et quelques militants Lavalas se pointent. Ils observent. Pas de manif en vue. Ce n'est pas le style de Ti René, indique l'un d'eux. Il soutient l'ex-président par devoir, explique-t-il, encore remonté par « la faute politique de Préval ». Celle, selon lui, d'avoir « remis le pouvoir à la droite ».

Gauche, droite, droite et gauche ou gauche et droite, allez le savoir, mais l'ex-sénateur Joseph Lambert, ex-coordonnateur de Inite et actuel conseiller politique du président Martelly, est repéré. Il est là, dit-il, pour soutenir le président René Préval, « un ami », « un mentor ». Joseph Lambert, courtois, souligne qu'il ne voit aucun inconvénient à ce que l'ex-président René Préval réponde aux questions du juge d'instruction sur un dossier initié pendant son administration. « En Haïti on dit n'importe quoi, et on entend n'importe quoi », rétorque Joseph Lambert à ceux qui voient une manoeuvre politique du président Martelly dans l'invitation de Préval. Le conseiller politique du président Michel Joseph Martelly souhaite que l'on « n'instrumentalise pas ce dossier ». Ce n'est pas bon de tout politiser, soutient l'homme politique, accompagné de Mario Dupuy, ex-ministre de la Culture de Martelly.

L'heure tourne. Et autour de 11 heures, le président René Préval et sa femme, Elizabeth D. Préval, montent une jeep noire blindée qui les attendait. Quelques secondes filent. Préval redescend. Des journalistes se bousculent. Le Marmeladais indique qu'il a été entendu « à titre de témoin dans le cadre du dossier Jean Dominique ». « Le Dabrésil m'a posé des questions auxquelles j'ai répondu », confie René Préval. « Vous savez que l'instruction est secrète, je m'arrête là », enchaîne-t-il, le ton décontracté. ''Certains assimilent votre présence à de la persécution politique...'' Une demi-seconde passe, et en guise de réponse à la question, Préval annonce qu'il se rend à l'ambassade du Venezuela pour présenter ses condoléances...

« Je savais qu'il n'allait rien piper. Il est resté fidèle à sa légende d'homme discret et taciturne », lance Astrel Jean Brice, un journaliste de Tropic FM qui était prêt à parier 500 gourdes contre un centime que Ti René n'allait pas dire plus. En clair, Préval a fait du Préval...

Roberson Alphonse
Source: Le Nouvelliste
Photo courtoisie: Le Nouvelliste

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