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Le reflet d’une dette historique et d’une révolte diplomatique

venezuela-mapLa coopération haïtiano-vénézuélienne a pris une tournure importante sous la présidence du défunt Hugo Chavez Frias. Embrassant divers domaines, cette relation se situe à trois différents niveaux : économique, historique et diplomatique. Mais, le concept de coopération est-il approprié dans une relation qui ne se réalise qu'à sens unique ?

De nos jours, la coopération Sud-Sud revêt une importance capitale pour les pays en développement qui en profitent pour trouver un équilibre entre croissance et équité. Un constat que, d'ailleurs, le secrétaire général de l'ONU a fait en déclarant que « Ces dernières années, la coopération Sud-Sud a continué d'être le moteur d'échanges et de flux financiers soutenus, même dans des situations marquées par une forte instabilité économique, sociale et politique. » Toutefois, cette forme de coopération peut prendre des tournures inédites comme c'est le cas de l'accord liant Haïti et le Venezuela, une formule qui n'arrête pas d'attirer l'attention de divers observateurs.

Cette relation englobe divers domaines, notamment l'éducation, la construction des infrastructures aéroportuaires, agricoles, sanitaires, des logements sociaux, de la reforestation et des hydrocarbures. Mais le volet de cette relation qui retient l'attention de plus d'un est l'aspect énergétique, le programme Petrocaribe instauré par Chavez. Ce programme couvre 43% des besoins en carburant de 18 pays membres dont Haïti. Ce qui constitue un gain majeur pour le pays qui ne devait payer que 60% du pétrole reçu, tandis que les 40% restants pourraient être versés sur une période de 25 ans à 1% d'intérêt.

Une Coopération à trois niveaux

La Coopération haïtiano-vénézuélienne peut être comprise sous des angles économique, historique et politique. Les projets issus de ce modèle de coopération économique que Chavez a lui-même qualifié de "socialisme du 21e siècle", seront financés à même les revenus tirés des formidables gisements pétroliers du pays,.L'approche retenue pour cette formule s'articule autour de la constitution d'un bloc régional susceptible de traiter d'égal à égal avec les géants de l'économie mondiale via le bloc des pays du Nord, détenteur du monopole économique.

Outre l'aspect économique de la question, les relations entre ces deux pays sont historiques selon M. Evans Paul. Elles sont basées sur une culture de la gratitude du peuple vénézuélien à l'endroit du peuple haïtien. Les différents gouvernements vénézuéliens, qu'ils soient de droite ou de gauche, ont toujours développé de la sympathie à l'égard d'Haïti. Ainsi, « le Venezuela estime, peut être, avoir une dette à l'égard des Haïtiens », a-t-il affirmé.

D'autre part, il faut situer l'intensification de la Coopération haïtiano-vénézuélienne dans la mouvance diplomatique de Chavez. Ce dernier en utilisant cette arme diplomatique a permis au Venezuela d'étendre son influence dans la région, et bien au-delà de celle-ci, aux moyens d'accords et d'alliances. Cuba, Honduras, Nicaragua, Uruguay, Haïti, la liste des pays de la région qui achètent du brut vénézuélien à des prix très avantageux est longue. Une manière de défier l'impérialisme américain.

Coopération ou assistance?

Parallèlement, étant donné la nature de ces relations, le terme coopération est-il approprié quand on sait que l'idée de coopérer fait référence à un échange entre deux parties ? Selon M. Paul, il faudrait mieux qualifier cette relation d'assistance du Venezuela à Haïti, puisqu'elle s'effectue à sens unique. Globalement, Haïti ne s'est jamais mise en situation d'offrir des biens et services dans le cadre des différentes relations qu'elle entretient avec des pays partenaires comme Cuba, la République dominicaine, le Japon et particulièrement le Venezuela.

Cependant, M. Paul pense qu'Haïti pouvait apporter quelque chose au Venezuela dans le cadre de cette collaboration. Il cite la vague d'enseignants haïtiens qui, dans les années 1960, furent recrutés en Afrique, même si cela ne s'était pas fait dans un cadre formel de coopération. De toute façon, souligne M. Paul, « c'était une contribution importante en termes de ressources humaines (..) Il y a beaucoup d'autres choses que le pays peut offrir sur le plan culturel, artisanal et agricole ».

En effet, les produits artisanaux haïtiens sont très prisés dans le monde entier et parallèlement le Venezuela possède un quota touristique considérable. Une coopération visant l'artisanat pourrait favoriser un transfert de compétences, dans ce secteur, des Haïtiens aux Vénézuéliens par exemple en leur fournissant des produits artisanaux à des prix préférentiels très avantageux qu'ils pourraient revendre aux touristes, comme ils l'ont fait dans le cadre du Petrocaribe. Pour sortir de cet état, selon M. Paul, il est impératif que le pays recouvre sa souveraineté nationale, renforce son système éducatif et augmente sa production agricole afin d'être autosuffisant sur le plan alimentaire.
Pierre Ricardo Placide

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Source: Le Matin

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