Analyses & Opinions

Nos salissures

Mesdames et messieurs, président de la République, Premier ministre, ministres, opposants de tous horizons, acteurs de la société civile, du secteur privé, Mesdames et messieurs les universitaires, les religieux, les laïcs, les citoyens, vous demandez-vous des fois bergers de quelle république vous souhaitez être ?

Comment des responsables comme vous peuvent-ils laisser le badigeonnage excrémentiel s'ériger en politique et tenir le haut des conversations et de l'actualité depuis des semaines ?
Au Cap-Haïtien, récemment, deux équipes de partisans du pouvoir en place s'en sont pris au lycée Philippe Guerrier de la ville et ont souillé les murs de la vénérable institution d'une détestable matière. L'affaire a fait grand bruit et s'en est suivie une lancée de gaz lacrymogène contre les élèves du même établissement. Les frères-ennemis se battent au Cap-Haïtien. Aujourd'hui, des plaintes sont déposées devant les tribunaux.

A Port-au-Prince, c'est le parquet de la juridiction qui a reçu, la fin de semaine écoulée, son jet d'une répugnante mixture. La découverte a été faite par des avocats en grève contre le commissaire du gouvernement dont ils réclament la tête. Dans l'enceinte sécurisée où la justice a son petit palais, les vidangeurs ont eu la part belle. Les accusations, venues des deux camps, pleuvent depuis.
Cette affaire pestilentielle qui affaiblit et avilit la justice aurait pu ne pas passer la barrière du week-end, mais voilà que le commissaire du gouvernement, pour faire durer le plaisir, lance mandat sur mandat contre le bâtonnier de l'ordre des avocats et des membres de la basoche dans le cadre de cette affaire.

Pour que la justice passe, au Cap comme à Port-au-Prince, il va falloir qu'entre deux coulées de matières et les effluves de gaz, on prélève des empreintes ou retrouve l'ADN des coupables. Bref, la justice va s'abaisser à tâtonner dans d'abjectes décoctions au lieu de recouvrir le corps du délit et de passer son chemin.

Non pas qu'il faille laisser ces crimes impunis ou ne pas cherche à trouver leur instigateur et les auteurs intellectuels de ces plans nauséabonds. Non. On aurait dû simplement le faire avec le plus de tact possible pour ne pas salir l'image de la République que l'on prétend servir en la barbouillant encore plus de salissures.

Nous enfoncer dans des latrines comme dans des tranchées honorables, est-ce pour cacher notre impuissance à réaliser les élections ? Notre incapacité à entamer le dialogue interhaïtien ?
Derrière un rempart d'étron, est-ce le meilleur abri pour ne pas voir nos insuffisances à faire passer des lois au Parlement ou à les voter ? Cela nous épargne-t-il de vivre avec nos handicaps à convertir les colossaux budgets en espérance sereine ? Espérons-nous que cela nous épargnera de défendre nos frères de l'autre côté de la frontière ?

Messieurs nos responsables politiques, bergers de quelle république souhaitez-vous être ?

Frantz Duval
Source: Le Nouvelliste

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