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9e jour de la neuvaine: Les plus ardents réactionnaires sont les fils du peuple qui tournent casaque - Ce que le sigle PSP représente (9 de 9)
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- Publié le vendredi 11 octobre 2013 03:32
Par Leslie Péan, 10 octobre 2013 --- La rentrée tardive qui frappe le système scolaire haïtien pour une troisième année consécutive est une malédiction qui demande un exorcisme, une calamité qui exige une neuvaine. C’est ce que Leslie Péan nous propose avec la série de neuf articles dont la publication a commencé le 2 octobre.
9e et dernier jour de la neuvaine
Du 19 janvier 1946 au 30 décembre 1950, le PSP est harcelé par le courant noiriste qui s’en prend à Max Hudicourt et aux mulâtres démocrates du quotidien La Nation. Pourtant Max L. Hudicourt, que les noiristes s’acharnent à présenter comme le symbole de la mulatraille, a connu un parcours exemplaire dans les luttes pour la démocratie qui lui ont valu la prison et la torture dès 1932. Comme Jacques Roumain le rappelle, « Hudicourt n’est pas communiste. Cependant, chaque fois que je suis en prison, il y est également. Assez curieux ! Si dans la nuit, vous cherchez un homme et que vous tombez sur Hudicourt, sachez que vous êtes tombé sur quelqu’un»[i].
Quand Max Hudicourt lance La Nation le 5 avril 1943, en compagnie de Regnor Bernard, Georges J. Petit et Max D. Sam, il écrit : « Contemplant le double spectacle de la souffrance infinie, de la mort lente et innombrable faite de détresses et d’abdication des écrasés, et la facilité de vie des parasites fainéants, notre cœur se serre et nous croyons que cet organe se doit de paraître et de durer pour préconiser une plus juste répartition du patrimoine national et mener une campagne en faveur d’une appréciation légitime des valeurs. Tout est faussé dans la nation. Une régénération totale s’impose. Elle sera un jour. Elle sera la conséquence d’un processus inéluctable, mais sa consécration sera proche ou lointaine suivant que l’on s’intéressera en fait, au relèvement de ce qui constitue la nation : les trois millions de serfs dont nous tirons depuis la traite des noirs notre substance vitale[ii].»
La position de classe de Max Hudicourt n’a aucune ambigüité. Il écrivait d’ailleurs en février 1944 « Ces trente mille individus dans la houle desquels je me trouve pris, qui depuis 140 ans détiennent le pouvoir et accaparent tout le profit national n’ont même pas le sentiment de s’indigner quand des contempteurs nous jettent une bave fétide et blessante parce qu’elle est la douloureuse expression de vérités centenaires[iii]. » Le journal La Nation est fermé en juin 1944 par la dictature de Lescot et Hudicourt est contraint à l’exil d’où il continuera sans relâche le combat. Hudicourt retourne en Haïti après les événements de janvier 1946 et il participe à la création du PSP le 19 janvier 1946.
Les plus ardents réactionnaires sont les fils du peuple qui tournent casaque
Le PSP a accompli un travail d’équipe qui lui a permis de faire face à la haine farouche des milieux conservateurs. Francis Vulcain[iv] a retracé l’action des détracteurs du PSP qui ont tenté avec la calomnie, l’insulte, la répression de le faire disparaître. Accusations grossières et fantaisistes, procès d’intention et autres ont fait partie du travail de sape. Les militants du PSP n’étaient pas épargnés des outrances le plus cavalières du genre « Charogne ambulante » et « latrine ». Cette atmosphère d’hostilités constantes aura des effets tragiques, dont le plus médiatisé sera le suicide-assassinat de Max Hudicourt le 4 mai 1947. Puis en décembre 1947, Jules Blanchet démissionne du PSP pour accepter le poste de Sous-secrétaire d’Etat à l’économie, avant de diriger la Régie du Tabac.
Regnor C. Bernard et Fritz Basquiat démissionnent respectivement le 29 avril 1950 et le 2 août 1950. Enfin, deux vieux membres du Parti, Lélio Faublas junior et Séjour Laurent sont expulsés le 9 août 1950 et le 17 août 1950 pour leur participation aux élections de cette année. Tout comme des fils de la bourgeoisie épousent parfois des causes populaires, des éléments qui viennent du peuple peuvent décider d’appuyer la bourgeoisie. Et dans ce cas, comme l’écrit Georges J. Petit, « Il n’y a pas de plus ardents réactionnaires que les fils du peuple qui tournent casaque et changent de classe … même superficiellement[v]. »
Toutefois, la politique d’indépendance du PSP lui vaut du respect. Au moment où La Nation refait surface en juillet 1950, il reçoit 130 demandes d’abonnement en un seul mois. De nombreux jeunes, dont Alberto Joseph, Daniel Aristide de la JPP, Gérard Mecklembourg, Franck Pierre Pierre, etc. rejoignent le parti. La férocité de la répression du gouvernement d’Estimé n’a pas épuisé la résistance du PSP. Sans ambigüités, les interventions du PSP reprennent après le coup d’état du 10 mai 1950. Le PSP intervient en faveur des ouvriers de l’usine Brandt, du garage Powell, de la forêt des Pins, des chauffeurs, des étudiants de la Faculté de médecine, etc.
Des voix s’élèvent pour que le PSP aille plus loin dans l’organisation du parti. Pour que le savoir minimal offert au plus grand nombre serve non pas à comprendre le monde mais à le transformer. Nécessité donc de passer à une autre étape qui sera vite supprimée par les hommes aux uniformes d’enfer. Les militants regroupés au sein du Parti Populaire de Libération Nationale (PPLN) seront par la suite obligés de se retrancher dans la clandestinité. Un sacerdoce qui laisse la place publique libre à l’élitisme et au populisme. Adieu synthèse, récapitulation et réflexion. On ne distingue plus entre le vrai et le faux, entre le fantasme et la réalité.
Sérieux stratégique versus contrebande
Les services d’intelligence de l’ambassade américaine suivent de près les activités politiques. Que vous soyez ou non les admirateurs du capitalisme américain, ces services secrets sont adroits pour identifier particulièrement les personnalités politiques atteintes de désorientation cognitive et qui animent les tendances régressives de génération en génération. Ils font la différence entre démagogues, utopistes et militants sérieux intéressés à changer l’ordre sociopolitique et économique. Ils scrutent l’horizon pour comprendre ceux qui ont le sérieux stratégique capable de produire les transformations profondes. Mais aussi, ils sont experts dans l’identification des gens en difficulté psychologique qui s’introduisent en contrebande sur le terrain politique. Et ils s’en servent pour le maintien du statu quo. Tout en les qualifiant de salauds et crapules dans leur correspondance diplomatique. Les salauds et crapules d’aujourd’hui n’échapperont pas à leur verdict.
En juin 1948, alors qu’existent sur le terrain le Mouvement Ouvrier Paysan (MOP), le Parti Ouvrier Progressiste Haïtien (POPH), le Parti Populaire Social Chrétien (PPSC) et d’autres entités, le PSP est considéré par les services d’intelligence de l’ambassade américaine comme le seul parti de la gauche démocratique. C’est le constat que fait l’ambassade américaine qui exprime ses craintes devant la résilience des militants du PSP. Dans la note en date du 11 juin 1948 que l’ambassadeur américain Harold Tittmann fait parvenir au Secrétaire d’État du Département d’État, il a le souci d’adjoindre en annexe l’analyse de son expert Jack West qui dit ceci :
« Le PSP est le seul groupe politique organisé en Haïti et en tant que tel inspire autant le respect que la crainte. Le danger que ce parti arrive à conquérir les rênes du Gouvernement d’Haïti n’est pas imminent, mais il existe et ira en augmentant à moins qu’il soit réduit par la répression du Gouvernement[vi]. »
Les activités du PSP sont suivies par les services d’intelligence de l’ambassade américaine[vii]. Elles sont enregistrées et analysées sur une base mensuelle. Par exemple, du 13 juillet au 13 août 1946, la cohérence politique du PSP est ainsi analysée par les services secrets américains. Le 13 juillet 1946, Etienne Charlier présente une conférence sur l’économie politique marxiste en présence de 30 personnes. La même conférence est reprise le 20 juillet, cette fois en présence de 50 personnes parmi lesquelles Jacques Stephen Alexis, Edriss Saint-Amand et Roger Mercier, tous trois membres du PCH. À cette seconde réunion, Anthony Lespès prend la parole pour expliquer l’objectif de la rencontre. Il s’agit d’éduquer et d’instruire les militants afin qu’ils puissent contrecarrer la propagande des milieux bourgeois réactionnaires dans la politique haïtienne.
Une autre réunion du même genre a lieu le 24 juillet au cours de laquelle Jules Blanchet présente à une assistance de 45 personnes les philosophes marxistes et leurs points de vue sur la société. Sa présentation est suivie de celle d’Etienne Charlier sur le rôle de la formation chez les militants. Au cours de la rencontre du 27 juillet 1946 devant une assistance de 50 personnes, Etienne Charlier explique comment les matières premières et la force de travail sont les éléments fondamentaux de la production. Il insiste sur ce point pour expliquer comment le capital financier est secondaire. Pour Charlier, Haïti devrait s’engager dans une politique de « démocratisation du travail » afin de régénérer la production agricole sans avoir recours à un emprunt extérieur.
Faire marche arrière
Le 29 juillet 1946, en présence de 40 personnes, Philippe Thoby Marcelin parle de la littérature haïtienne et fait une critique littéraire des travaux de Mauriac, de Maurois et d’autres écrivains français. Le 3 août 1946, Etienne Charlier continue sa discussion de l’économie politique en mettant l’accent sur l’aspect international. Devant un auditoire de 40 personnes, Charlier explique comment les produits haïtiens sont achetés par les agents de l’import-export qui sont les vrais bénéficiaires des profits générés par les paysans. Le 7 août 1946, Jules Blanchet fait une autre présentation sur le matérialisme dialectique devant une trentaine de membres. Le 10 août 1946, Michel Roumain souligne la nécessité d’une étude de la Caraïbe. Il émet ses craintes sur la situation alarmante du pays et les mesures antidémocratiques que le nouveau gouvernement d’Estimé risque de prendre. Anthony Lespès annonce l’élaboration d’une série d’études sur les classes sociales d’Haïti, les masses rurales, les masses urbaines et les intellectuels.
Les militants du PSP ouvrent des perspectives malgré leur crainte de restriction des libertés démocratiques. Selon Michel Roumain, la situation est même alarmante et le nouveau pouvoir issu des élections du 16 août 1946 risque de faire marche arrière sur les conquêtes réalisées. Max D. Sam explique que le prochain gouvernement sera majoritairement composé de Noirs, mais continuera avec la même politique de patronage de ses deux prédécesseurs mulâtres. Le groupe d’Estimé veut simplement s’approprier d’une partie des privilèges détenus par les gouvernements mulâtres antérieurs. Max D. Sam explique que le PSP n’adhère pas à un tel discours et appuie la candidature d’Edgar Nérée Numa à la présidence. Du même coup, il critique la politique d’abstention prônée par le PCH.
La critique du PSP de la position fantômatique du PCH n’a rien de dogmatique. En filigrane est posée la question des alliances politiques à conclure pour assurer le triomphe des idées politiques du changement. Tandis que le PSP propose une alliance des ouvriers avec les cadres de l’administration, la bourgeoisie nationale et les jeunes intellectuels, le PCH privilégie les classes moyennes, les masses populaires des quartiers défavorisés et le lumpen-prolétariat. Bien des occasions de changement ont été perdues à cause d’une mauvaise articulation de ces alliances pourtant nécessaires autant pour gagner des élections que pour gouverner.
Le PSP, loin de tout dogmatisme, donnera le « la » après l’élection du 16 août 1946. Convoqué au palais national par le président élu Dumarsais Estimé pour des discussions en tête-à -tête, Etienne Charlier décline l’invitation à moins que soit aussi invité un dirigeant du PCH. Une attitude exemplaire. Tout comme celle consistant à appuyer le Dr. Georges Rigaud comme Secrétaire d’État de l’Agriculture et du Commerce dans le premier cabinet ministériel du gouvernement d’Estimé., Autant de comportements qui font que l’expérience du PSP mérite réflexion, pour en finir avec les rendez-vous ratés jalonnant l’histoire des luttes populaires en Haïti. Particulièrement en ce qui concerne l’impact du noirisme sur le socialisme, ou encore du socialisme noiriste pour employer l’expression d’André Charlier[viii], ce qui explique entre autres la censure tenace sur l’apport du PSP à la cause de l’avancement des masses populaires. Le PSP ne pensait pas que ces dernières pouvaient être mobilisées sur un programme contraire à leurs intérêts. Cela va aussi bien pour les jeunes de La Ruche appuyant le CEM en janvier 1946 que pour l’élection d’Estimé le 16 août 1946.
Le souvenir des meilleurs
Notre intention première était d’expliquer ce que le PSP représentait, ce, en pensant aux jeunes qui se lancent en politique aujourd’hui. Nous n’avons pas pu résister à la tentation de leur offrir ces repères d’une mémoire torturée. Nous l’avons fait, conscient que la destruction d’Haïti passe par l’effacement du souvenir des meilleurs. Une tâche hautement accomplie par le duvaliérisme sanguinaire qui a assassiné nombre d’anciens dirigeants du PSP et qui a eu pour priorité d’abêtir les Haïtiens en contraignant à l’exil 85% des cadres qualifiés et des professeurs. La machine de néantification s’est renouvelée en s’assurant que les Haïtiens ne s’intéressent à rien, sinon qu’aux carnavals et vivent « comme des végétaux ». Politique poursuivie par le populisme kokorat culminant dans le racket organisé des bandits légaux d’aujourd’hui. S’ensauvager dans le règne aveugle de la sottise arrogante devient la règle.
La discrétion que les militants issus du PSP gardent vis-à -vis de la formation politique reçue dans ce parti donne une idée de la formation idéologique haïtienne. À quoi cela est-il dû ? On peut répondre par de l’humour ou dire que c’est pathétique. Dans tous les cas, les multiples signes du PSP ne peuvent pas être effacés. Ils constituent un discours vivant. Une écriture qui explose même dans le silence dans lequel on croit pouvoir l’enfermer. Des signes pour combattre le décervelage dans notre inconscient de peuple.
Quelques mois avant son interdiction le 30 décembre 1950, le PSP a fait sa propre évaluation en ces termes : « Aucun Parti n’a signalé, comme l’a fait le Parti Socialiste Populaire, le fait que les grosses entreprises industrielles et agricoles sont entre les mains du capital étranger. Pourquoi ? Parce qu’aucun Gouvernement n’a pu mettre sur pied jusqu’ici un programme de revalorisation du capital national, parce que nos Administrations passées, étant viciées par la corruption, l’ignorance et les compromissions de toute nature, n’ont su inspirer confiance aux capitaux haïtiens ; parce que la Banque dite Nationale n’a pas de politique économique, qu’elle ne fait rien pour sortir le capital national de la stagnation, le laissant plutôt croupir dans la mare de l’entreprise des bâtiments et de production des biens de consommation ou simplement d’échanges ; parce que la Banque a peut-être des raisons pour ne pas encourager l’investissement du capital national dans l’agriculture et l’industrie, pour ne pas l’orienter vers des secteurs où sa productivité, le turn-over, triplerait rapidement la richesse nationale entre les mains haïtiennes[ix]. »
Le PSP a indéniablement contribué à la mobilisation de la pensée et de l’action. Il a permis d’orienter la conscience haïtienne loin de la futilité. Une semaine avant l’interdiction du PSP et de La Nation, Francis Vulcain écrivait : « il ne pourrait s’agir, en aucun cas, pour nous de transiger avec les principes démocratiques pour "plaire" ou par amitié. Dans ces conditions nous préférerions jouer notre existence légale. C’est une de ces grandes femmes politiques contemporaines qui disait qu’il valait mieux "mourir debout que vivre à genoux".[x]» En reprenant le mot de Dolores Ibarruri (la Pasionaria), Francis Vulcain indiquait la voie à suivre. Un chemin d’espoirs et de solidarités qu’il faut maintenir en lui donnant toute la cohérence que demande l’actualité aujourd’hui.
Le 22 février 1946, Michel Roumain dans La Nation écrivait : « La révolution de Janvier a été sabotée. Elle a commencé de l’être dès les premières heures de sa victoire. Le travail de sape a été d’abord mené par quelques politiciens retors et voraces, parmi lesquels des transfuges de l’ancien régime. Singulièrement aidé dans leur action par l’impulsivité d’une jeunesse valeureuse et honnête, mais trop prompte à prendre des vessies pour des lanternes, c’est à leurs manœuvres que l’on doit le torpillage immédiat des premiers essais de constitution d’un gouvernement civil ou civilo-militaire, reflétant la Révolution[xi]. » L’essentiel est dans ces quelques lignes. L’histoire et l’expérience ont démontré que le PSP avait raison.
La rébellion comme apothéose
Le PSP a érigé des valeurs et des principes face au vaste corpus de destruction des éléments obscurs et hermétiques qui bloquent le développement de la société haïtienne. Il s’est opposé à l’escroquerie dominante, sans illusions sur les possibilités de transformer cette donnée de base de notre délire politique récurrent en lucidité. L’essence de la force du PSP est ainsi résumée par Francis Vulcain en octobre 1949 :
« Nous sommes à l’aise pour lutter parce que nous n’avons partie liée qu’avec le peuple. Nous ne nous embarrassons d’aucun calcul politicien, d’aucune finasserie, d’aucune jonglerie. Nous n’avons pas les yeux tournés comme les autres vers le pouvoir, qui revient (nous ne le dirons jamais assez) au peuple, et que le peuple prendra, quand il sera prêt pour le prendre, quand cela lui apparaitra une nécessité et qu’il aura acquis suffisamment de maturité, suffisamment de combativité politique.
Nous sommes à l’aise pour engager l’action politique, parce que nous ne faisons pas de la prise du pouvoir un but, une obsession ; parce que nous ne subordonnons pas nos positions de lutte aux " exigences " de la prise du pouvoir – ce qui aboutit classiquement à la complicité vis-à -vis des forces établies, vis-à -vis des forces du conservatisme social, et en particulier vis-à -vis de l’impérialisme, complicité que l’on essaie de faire passer pour de la " souplesse " politique, pour de la ruse[xii]. »
Dommage qu’un cerveau si indépendant ait disparu à la fleur de l’âge, à 26 ans, le 13 décembre 1952. Ayant rejoint le PSP comme Gérard Chenet, Rodolphe Moise, etc. après l’autodissolution du PCH en 1947, Francis Vulcain connaît une ascension fulgurante. Une montée observable autant dans La Nation que dans son journal « Le Progrès ». En 1949, Anthony Lespès disait de ce jeune « militant modèle » de Léogane : « à l’encontre de tant d’autres qui auront vécu leur existence sans avoir rien compris aux grandioses débats de notre temps, vous y participez avec le maximum de conscience possible[xiii]. »
Le PSP a proposé des balises devant empêcher que la politique ne soit pas qu’une lutte pour les postes dans l’administration publique. Le développement harmonieux interdit justement de perdre le sens de la limite. Pour que la richesse, le pouvoir et l’éducation ne soient pas seulement accaparés par de nouveaux groupes au détriment des anciens sans changement fondamental dans l’organisation de la société. Dans cette optique, le PSP reste ancré dans la défense des intérêts des travailleurs. C’est ce qu’explique l’ouvrier forgeron René Jean-Michel le 24 décembre 1947 quand il écrit : « La petite bourgeoisie n’a jamais été une classe révolutionnaire, elle a toujours été opportuniste. Il n’est nullement exagéré de dire qu’elle n’a pas de position nette et catégorique, une couleur politique avouée. Elle se prononce suivant les circonstances pour ou contre les mêmes forces. Aujourd’hui elle crie : "Vive le roi", demain elle crie "Vive la Ligue". En définitive, dans une société comme la nôtre, elle a plutôt des tendances bourgeoises tout en se réclamant du peuple[xiv]. »
On ne peut qu’inviter les jeunes à faire un détour chez le PSP. Ils peuvent commencer chez l’effervescent Max L. Hudicourt, puis faire une halte chez Lespès, l’homme du « voyage hors de saison » livrant sa passion clairvoyante dans Les Clés de la lumière[xv], avant de partir chez Charlier, une figure légendaire dont l’immense œuvre fait office de colonne vertébrale. Sans faire l’économie de la réflexion et de l’esprit de synthèse des Max Sam, Michel Roumain, Pierre L. Hudicourt, Fernand Sterlin, Roger Frérel Léonard, Philippe Thybulle, Hubert Legros, Francis Vulcain, qui affirment, à défaut de convaincre, que la rébellion comme apothéose demeure la matière première chez l’être humain. Le PSP est une ambitieuse parenthèse dans l’histoire d’Haïti, une tentative gigantesque de sauvetage national qui ne doit pas rester sans lendemain. (FIN)
Leslie Péan
Hisotorien - Economiste
[i] Etienne Charlier, « Notes pour une biographie », La Nation, no. 700, 14 mai 1947.
[ii] Reproduit dans le journal La Nation, no. 936, 5 avril 1948, p. 4.
[iii] Max L. Hudicourt, « Il n’y a de vérité que dans la liberté », La Nation, 14 février 1944.
[iv] Francis Vulcain « Sur notre lutte », La Nation, numéro 1336, 14 octobre 1949, et numéro 1337, 15 octobre 1949.
[v] Georges J. Petit, « Dans le landerneau », Indépendance, no. 171, 9 juillet 1956.
[vi] « The PSP is the only organized political group in Haiti and as such inspires certain respect as well as fear. The danger that this party will take over the reins of Government in Haiti is not imminent, but it exists and will tend to increase unless checked by Governmental repression. » Jack West, “Study of Contemporary Leftists Group in Haiti, Attachment to Ambassador Harold Tittmann to Secretary of State, 11 June 1948, P-au-P, USNA, RG, 59, 838.00B/6-1148.
[vii] Jack West, Civil Attaché, « Memo for the Ambassador », Enclosure no. 1 to despatch 1655, August 26, 1946 from Embassy Port-au-Prince, Haiti, P-au-P, November 12, 1946; Declassified by Executive Order 12356, Section 3.3, 857573, Nara, Washington, October 7, 1986.
[viii] André Charlier, « Socialisme et noirisme », Haïti en marche, 20-26 décembre 1989, Vol III, no. 44, p. 15-17.
[ix] « Le Parti par excellence », La Nation, numéro 1394, 30 août 1950.
[x] Francis Vulcain, « On parle de fermer Le Journal du Peuple », La Nation, no. 1467, 23 décembre 1950.
[xi] Michel Roumain, « L’heure des vérités », La Nation, 22 février 1946, p. 1.
[xii] Francis Vulcain « Sur notre lutte », La Nation, numéro 1336, 14 octobre 1949, p. 4.
[xiii] Anthony Lespès, « Lettre à Francis Vulcain », La Nation, numéro 1327, 1er octobre 1949, p. 1.
[xiv] René Jean-Michel, « Le Parti de la Classe Ouvrière », La Nation, 24 décembre 1947.
[xv] Anthony Lespès, Les Clés de la lumière, P-au-P, Presses nationales d’Haïti, 2005.
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