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Leslie Péan: 4e jour de la neuvaine Le PSP devient la plaque tournante de l’organisation progressiste - après le 26 avril 1947- Ce que le sigle PSP représente (4 de 9)

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Par Leslie Péan, 5 octobre 2013 ---  La rentrée tardive qui frappe le système scolaire haïtien pour une troisième année consécutive est une malédiction qui demande un exorcisme, une calamité qui exige une neuvaine. C’est ce que Leslie Péan nous propose avec la série de neuf articles dont la publication a commencé le 2 octobre.

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 La presse est divisée. Les journaux La Matin, La Phalange et Le Soir appuient les positions du CEM, tandis que Le Nouvelliste est critique à l’endroit de ce gouvernement qui, à son avis, ne respecte pas les libertés démocratiques. Quand aux journaux de gauche tels que La Nation, La Ruche, Le Réveil, ils condamnent le CEM sans hésiter. Dans cette conjoncture, la propagande noiriste a beau jeu. La campagne publicitaire est faite avec les cosmétiques classiques que sont les stéréotypes identitaires bien connus. Comme Michel Foucault[1] nous l’apprend, l’exercice du pouvoir n’est jamais seul et s’accompagne toujours d’un mode de production du savoir. Les noiristes du Front Révolutionnaire Haïtien (FRH) font circuler le tract suivant dont l’ambassadeur américain Orme Wilson[2] s’empresse d’envoyer un exemplaire au Département d’État et à la Central Intelligence Agency (CIA) afin que ses supérieurs hiérarchiques puissent bien mesurer l’état des lieux:

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Le lendemain 28 mai 1946, La Nation publie le message suivant de Max L. Hudicourt adressé au CEM.

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                                                                                                               Max L. Hudicourt[3]

Anthony Lespès étant en prison, c’est Max Sam, en tant que secrétaire général du PSP par intérim, qui présente la position officielle du parti. Condamnant les arrestations et les révocations des citoyens, réprouvant le fait que depuis cinq jours un couvre-feu établi de 8 heures p.m. à 5 heures a.m. représente un obstacle aux activités légitimes commerciales et autres, Max Sam écrit :

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D’autres membres et personnalités démocratiques liés au PSP signent des requêtes similaires adressées au CEM. C’est le cas avec Georges E. Rigaud, Alphonse Henriquez, Georges J. Petit, Fernand Sterlin, etc. Le dispositif de répressions des militaires aura toutefois pour effet de rallier la gauche d’Anthony Lespès à celle de Jacques Stephen Alexis, les deux se retrouvant dans les cachots du Fort Dimanche, prisonniers des militaires du CEM appuyés par les noiristes du FRH.

La défaite électorale ouvre de nouvelles perspectives, et le PSP est loin d’abandonner le combat. Au contraire, il reste sur le terrain pour combattre la droite réactionnaire en dénonçant les exactions et pour contribuer à changer le paysage politique par des analyses, des idées nouvelles et d’autres initiatives. Le PSP comprend que le plus important est d’isoler l’extrême-droite en faisant alliance avec tous ceux qui sont conscients de la nécessité de changer les choses en Haïti. C’est dans ce contexte que La Nation reproduit en première page, sur trois colonnes, l’article publié dans son journal Le Justicier par le sénateur Alphonse Henriquez sous le titre « Plus d’élections Présidentielles par 58 macaques Â».

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La maturité du PSP et la pondération de ses militants contrastent autant avec les positions extrémistes exprimées par les jeunes du mouvement La Ruche que par le Parti Communiste d’Haïti (PCH) qui appuient le CEM. Toutefois, il importe de souligner que les jeunes de la faction radicale de La Ruche, animée par Théodore Baker et Gérard Martelly, respectivement directeur et rédacteur de La Ruche, ne mâchent pas leurs mots dans cette manchette du 27 juillet 1946 : « Ecrasons Dumarsais Estimé Â»[6]. Contrairement à ceux de La Nouvelle Ruche, et en voulant garder l’avancée sociale réalisée par la jeunesse qui a fait partir Lescot en recourant à la grève, Théodore Baker écrit une lettre ouverte à Dumarsais Estimé. Le verbe est lié à l’acte avec la compétence qui descend dans la rue.

Refusant de laisser les noiristes vider le mouvement de 1946 de sa substance, Baker écrit Ã  Dumarsais Estimé : Â« Vous avez soutenu Vincent. Vous avez soutenu Lescot. Vous ne pouvez pas soutenir la révolution qui a été faite contre Vincent et Lescot ……. Vous avez fait quelque chose de pire encore. Avec votre argent et avec celui que vous prêteront les bourgeois mulâtres et les bourgeois noirs, vous avez déjà Dumarsais Estimé, acheté bien des consciences. Vous avez corrompu bien de jeunes hommes. J’ai bien peur que vous ne corrompiez tout le pays. … …. Je vous combats Dumarsais Estimé, bourgeois noir comme je combats Fombrun et Duvigneaud, bourgeois mulâtres [7].» Dans la campagne présidentielle pour les élections du 16 août 1946, Gérard Martelly explique pourquoi la population cherchant le changement ne saurait voter pour Dumarsais Estimé qui a pactisé avec les gouvernements de Vincent et Lescot[8]. Expliquant qu’ils n’ont aucun candidat, car refusant toute compromission, Martelly et Baker écrivent : « Notre mot d’ordre est celui-ci : "Il faut combattre les hommes de l’ancien régime." C’est pour cette raison que nous combattons Estimé, la doublure la plus authentique du régime Vincent-Lescot. Il faut combattre Dumarsais Estimé pour défendre la Révolution et sauver Haïti[9]. Â»

Le PSP devient la plaque tournante de l’organisation progressiste après le 26 avril 1947, suite à la décision du Parti Communiste d’Haïti (PCH) de se dissoudre, soit disant pour ne pas embarrasser le gouvernement du président Estimé. Cette décision de se faire hara-kiri est d’autant plus surprenante qu’un mois auparavant, c’est-à-dire le 11 mars 1947, le PCH a publié le tract suivant :

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Alors, le PSP va contribuer à l’éclosion d’une seconde génération de militants qui prêteront main forte aux fondateurs pour imprimer un nouveau cours à la pensée et à la pratique politiques en Haïti. Les plus importants de cette nouvelle génération sont Ernest Coulanges, Roger Frérel Léonard, Hubert Legros, Francis Vulcain, René Jean-Michel, Philippe D. Thybulle, Victor Vabre, Arnold Duplessis, Jean Eugène,  Andrée Roumer, Gérard Nau, Jean L. Dominique, Gérard Pierre-Charles, Hammerton Killick, J. Maurice Oriol ; Jacques Élie, etc. Nombre de ces militant appartiennent aussi, à Port-au-Prince, Pétionville, Jérémie, Jacmel, etc., aux sections de l’organisation Jeunesse Progressiste Populaire (JPP), autre sigle qui sera dévoyé 60 ans plus tard avec le Jan’l Pase’l Pase. Également le PSP a contribué à la formation de militants ouvriers tels que René Jean-Michel, Marc Pierre, Marcel Léonard, Eric M. Lemaire, Saint Justin Charleston, etc.

 

Le PSP et la question de couleur

 

L’exercice du pouvoir en Haïti a toujours été associé à une forme de biopolitique depuis l’indépendance. Les images stéréotypées découlant du racisme colonial esclavagiste présentent les Noirs comme des objets à qui tous les droits sont niés. Les sujets étaient les Blancs, et tous les non-Blancs étaient des choses. La subjectivité des non-Blancs a été affectée par une idéologie qui, en perpétuant l’hystérie raciste avec un classement des couleurs de peau, a continué à irriguer le corps social et l’imaginaire. Tout compte fait, cela a eu pour effet de rationaliser l’exclusion de la majorité de la population en prétendant que les Noirs n’ont ni culture ni civilisation. Thèse raciste réfutée par Anthony Lespès, secrétaire général du PSP, qui explique comment tous les peuples, en commençant par les Egyptiens, Sumériens, Babyloniens, Hittites, Assyriens, Chaldéens, Perses, Arabes, Grecs, etc., ont contribué à la civilisation universelle[10].

Le dispositif biopolitique haïtien (mulâtrisme et noirisme) est avant tout un dispositif de pouvoir servant à manipuler la population pour arriver à une gestion du corps social favorable aux intérêts des puissants. En dépit de la décennie (1793-1806) de pouvoir noir de Toussaint Louverture et de Dessalines, le mulâtrisme a pu s â€˜imposer grâce au quasi-monopole de la richesse matérielle et de l’instruction acquis sous le régime français. Une situation qui provoque une subjectivité noiriste aussi maladive que le mulâtrisme. Là où cette dernière idéologie voyait dans les Noirs le péril social, c’est le raisonnement contraire qui s’applique avec le noirisme pour les mulâtres à partir de 1946. Exit santé mentale. Haïti se retrouve aux prises avec la même médaille raciste aux deux faces exprimant chacune un élément de ce mode de subjectivation que Jacky Dahomay[11] nomme des « formes d’irresponsabilité Â» et qui font tourbillonner les sujets sur eux-mêmes en allant vers le bas.

Les succédanés du racisme blanc en Haïti nés des rapports sociaux et économiques hérités de Saint-Domingue ont propulsé des rapports juridiques masquant plus ou moins les rapports de pouvoir qui se dont développés entre les catégories, groupes et classes sociales. Anthony Lespès, a analysé la mécanique du dispositif biopolitique haïtien (mulâtrisme et noirisme) qui a pour objectif de bloquer le changement. Dans les premiers jours qui suivent le succès de la grève et la fuite de Lescot, Lespès écrit :

« La Révolution démocratique est en train d’être sabotée, sabotée au dedans, sabotée au dehors, sabotée par ses amis, sabotée par ses ennemis. Elle dévore ses enfants, mange ses propres entrailles. Encore un coup et nous aurons la contre-révolution et la réaction fasciste la plus violente qui soit[12]. Â»

          La même réaction est observée chez Max Sam, qui combat la psychologie de la peur engendrée dans les milieux mulâtres peu après la chute de Lescot par la rumeur prétendant que « quatre mille machettes ont été distribuées aux gens du Bel-Air, de La Saline, de Morne-à-Tuf et de la Croix-des-Bouquets qui allaient organiser le massacre des mulâtres[13]. Â» L’hystérie règne dans la subjectivité des mulâtres qui se sentent livrés à l’insécurité. La hantise de la destruction est dans les consciences avec une palette d’exigences et de KOURI (des mouvements de foule) frisant la paranoïa. Max Sam écrit :

« J’ai rencontré une jeune dame, cheveux aux vent, les bras au ciel qui m’annonça que son mari commerçant était en danger parce que les Cacos étaient aux portes de la ville. Plus loin, une jeune fille, les larmes aux yeux, me demanda de la protéger contre une attaque éventuelle des noirs. J’eus toutes les peines du monde à calmer les appréhensions de ces dames[14]. Â»

L’agitation de la question de couleur par les noiristes n’a pas pour objectifs de distiller la peur et l’effroi dans le camp des mulâtres. Il s’agit surtout de dire que le pouvoir politique doit revenir aux Noirs. Le PSP critique cette vision coloriste de la réalité en rejetant les formes classiques de la pensée raciste haïtienne. Vision catastrophiste critiquée en ces termes  par Regnor C. Bernard, du PSP:

« Aujourd’hui, nous nous croyons le droit de parler, de crier, de protester contre tous ces opportunistes indécents, contre tous ces défenseurs improvisés du peuple qui se targuent de leur seule pigmentation pour essayer d’escamoter la confiance haïtienne. Nous avons toujours eu le courage de dénoncer tous les exploiteurs, toutes les crapules à quelque classe qu’ils appartiennent et quelle que soit la couleur de leur peau. Tous ces chacals qui n’ont aujourd’hui à la bouche que les mots de " défense des intérêts du peuple ", où étaient-ils quand les pouvoirs trahissaient les intérêts de ce peuple, quand le gouvernement d’oppression et de contrebande de Messieurs Lescot-Rouzier assassinaient la masse ? Où étaient-ils quand la SHADA ravageait les campagnes haïtiennes et jetait aux abois les paysans dépossédés et maltraités ? Où étaient-ils quand une Chambre asservie, un Parlement domestiqué et soudoyé, prolongeait indécemment en faveur d’un dictateur arrogant et cynique, un mandat illégal ? Qu’ont-ils jamais fait, qu’ont-ils jamais dit ces "Haïtiens authentiques" qui aujourd’hui hurlent sut tous les tons comme des chiens à la curée ? Où étaient-ils tous ces défenseurs intéressés du peuple et qu’avaient-ils fait à ces minutes où il y avait quelque chose à exposer et des injustices contre lesquelles il y avait à protester ? Ils se taisaient tout simplement alors lâchement, criminellement. Et même dans l’ombre acceptaient les reliefs que leur jetait un gouvernement qui avait le pied solidement posé sur la poitrine de leurs frères maltraités ou méprisés [15]. Â»

Loin de toute incohérence, l’attelage du PSP a toujours su défaire les actions négatives du major Antoine Levelt (Mulâtre) contre le démocrate Georges Rigaud (Mulâtre), de même que les complots ourdis contre le peuple par le même major Antoine Levelt avec son compère le major Paul Magloire (Noir). Le PSP est resté saint d’esprit à un moment où la folie des luttes de couleurs avait envahi la classe politique. Face à l’irrationalité galopante, le PSP jettera une lumière différente sur la réalité en proposant une grille d’analyse indépassable pour interpréter le moment présent.

 Â« Les classes privilégiées utilisent l’héritage culturel européen comme technique de domination pour rationaliser leur position sociale vis-à-vis des classes opprimées, exactement de la même façon que les nations privilégiées s’en servent pour dominer et subjuguer les peuples faibles. La domination culturelle sur le plan national, et l’utilisation de tous les biais imaginables pour justifier cette domination, doivent être fondamentalement expliquées par le caractère immoral des rapports économiques entre les classes avancées et les groupes arriérés. Cette domination ne peut en aucune manière être la conséquence d’une prétendue supériorité de l’épiderme ou même ethnique (?), supériorité qui n’est en somme qu’un instrument pour rationaliser le caractère agressif de la jugulation économique.[16] Â»  
(à suivre)

Leslie Péan
Economiste
Historien

Référence
[1]Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, 1975; Michel Foucault, La volonté de savoir, (Histoire de la sexualité I), Gallimard, 1976.

[2] Orme Wilson, « Haitian Political Situation », Confidential, State Department File, USNA, Doc. 838.00/5-3046, May 30, 1946

[3] La Nation, 28 mai 1946, p. 1

[4] « Pour la défense de la Démocratie – Appel du PSP Â», La Nation, 3 juin 1946, p. 2.

[5] Sénateur Alphonse Henriquez, « Plus d’élections Présidentielles par 58 macaques Â», La Nation, numéro 466, 14 juin 1946, p. 1 et 4.

[6] « Ecrasons Dumarsais Estimé Â», La Ruche, numéro 28, 27 juillet 1946, p. 1.
[7] Théodore Baker, « Lettre ouverte à Dumarsais Estimé Â», La Ruche, no. 27, 16 juillet 1946, p. 3.

[8] Gérard Martelly, « Billet de la semaine Â», La Ruche, 1ère année, numéro 26, 6 juillet 1946.

[9] « Ecrasons Dumarsais Estimé Â», La Ruche, numéro 28, op. cit., p. 4.

[10] Anthony Lespès, « Enquête sur la culture », La Nation, 9 juillet 1948, p. 2.

[11] Jacky Dahomay, « Nos responsabilités face à ces monstres chimiques de nos pays devenus Â», Creoleways, 6 mai 2013.

[12] Anthony Lespès, « La révolution est en danger ! Â», La Nation, 26 janvier 1946, p. 1.

[13] Max Sam, « Hystérie Â», La Nation, 26 janvier 1946, p. 1.

[14] Ibid.

[15] Regnor C. Bernard, Projection, La Nation, 8 février 1946, p. 1

[16] Anthony Lespès, « Enquête sur la culture Â», La Nation, 21 et 22 juillet 1948, p. 4.

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