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Marvel Dandin: La République des coquins, des mystificateurs et des besogneux !
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- Catégorie : Opinions
- Publié le lundi 10 décembre 2012 17:37
L'impunité a encore de beaux jours devant elle en Haïti !
La singularité du petit pays d'Haïti est devenue telle que ce pays est en passe de représenter une véritable curiosité pour les chercheurs du monde entier.
L'envers et le décor s'associent, se mélangent ; la nuit et le jour se ressemblent ; mensonges et vérités se confondent ; « douvan pòt tounen dèyè kay » ; ici, pas question de pile ou face, ce sont les deux à la fois ; paradoxe rime avec normalité. Voilà donc un pays qui refuse d'en être un au sens complet du terme.
Notre singularité repose fondamentalement sur l'inexistence des normes dans tous les domaines. Quand il en existe par hasard, c'est seulement si et seulement si elles servent des intérêts particuliers. Prenons l'exemple des Lois : elles n'ont jamais la même signification pour tous, en dépit du fait qu'on ne cesse de pérorer que nul n'est censé ignorer la Loi. C'est dire donc qu'il existe des Lois dont les prescrits ont un caractère général qui transcende les particularités et concerne les justiciables généralement quelconques. Or, à quoi assiste-t-on, dans la réalité ? Selon les intérêts particuliers, en fonction des accointances, des « alyansay », des « zanmitay » ou des inimitiés, les Lois revêtent des significations particulières. Elles sont aussi diverses que sont leurs interprètes. Et, le Droit haïtien est devenu le lieu par excellence des querelles byzantines, où les plaideurs rivalisent d'audace et de ruse. Chacun invente le Droit qui convient à sa cause. Et, à travers la presse, l'opinion publique naïve est ballotée dans les méandres des contradictions malsaines et malhonnêtes. Tel parlementaire, tel ministre, tel dirigeant politique, tel responsable d'organisation de la société civile, tel avocat interprète les lois en fonction de ses objectifs, de ses intérêts, de ses accointances politiques ou, simplement, de ses liens avec la personne concernée dans un dossier ou de son hostilité envers elle. Ainsi va la république des coquins, des mystificateurs et des besogneux !
Les uns et les autres refusent résolument la règle de Droit tout en appelant hypocritement de leurs vœux à son instauration. Or, pour que celle-ci puisse véritablement s'incruster dans nos mœurs, faut-il bien que tous, nous puissions transcender les relations particulières, les liens d'amitié, de parti, de clan, de famille afin que la Loi, mais véritablement la Loi, puisse s'imposer. Nos « mannigans » consistent en tout temps à vouloir tordre la lettre et l'esprit des Lois pour assurer le triomphe de nos ambitions particulières et mesquines.
Tel voleur présumé n'a rien volé, puisqu'il est des nôtres ! Il faut donc, soi-même et pas la Justice, tout entreprendre pour démontrer qu'il n'a absolument rien volé.
Tel présumé violeur n'a point violé, parce que c'est notre violeur ! Il faut donc, soi-même et pas la justice, tout entreprendre pour démontrer qu'il n'a absolument violé personne.
Tel présumé meurtrier mérite d'être libéré par un juge d'instruction mafieux, parce qu'il est de notre clan ! Il faut donc, soi-même et pas la justice, tout entreprendre afin de démontrer qu'il n'a jamais tué personne, même quand le crime était public.
Tel président, ministre, directeur général, parlementaire, conseiller électoral, juge est au-dessus de tout soupçon parce que c'est quelqu'un de notre connaissance, sur qui nous pouvons compter, à qui nous pouvons accéder pour un service, une magouille, un bienfait, une faveur. Qu'importe ce qu'il aurait pu commettre comme acte répréhensible ! Ne faut-il pas, coûte que coûte trouver des tares à ses accusateurs ? Ce sont plutôt eux les malfrats, les indésirables, les corrupteurs, les violeurs, les voleurs, les assassins. Qu'a-t-il donc fait de si grave notre gentil petit homme d'Etat si utile et dévoué à sa cause, à celle de ses patrons et à la nôtre ?
Une telle logique provoque des situations vraiment étranges dans notre singulier petit pays. Les exemples sont légion des cas où celui qui, hier, défendait l'indéfendable se retrouve demain dans la situation qu'il justifiait et ne trouve personne à pouvoir l'en sortir. C'est que nous n'avons pas œuvré en faveur du principe sacro-saint de l'universalité et de l'intemporalité relative des Lois. Elles doivent s'appliquer envers et contre tous ! Elles ne doivent pas dépendre des humeurs, des caprices, de la météo politique, des intérêts momentanés des uns et des autres. « Dura lex, sed Lex ». La Loi doit parler et agir d'elle-même dès que les motifs de son application sont méthodiquement établis par des procédures légales et judiciaires en usage, dont la cohérence et la rigueur plus que proverbiales sont connues de tous. Suivre les procédures et appliquer les Lois ! Ce devrait être la tâche de tous ceux qui prétendent aujourd'hui être favorables à l'Etat de droit et à l'ordre démocratique.
L'Etat de droit et l'ordre démocratique ne pourront jamais s'instaurer tant que nous continuerons à jouer à ce jeu malsain de toujours tirer le drap de notre côté. Le « Pam pi bon » équivalant à « Pam toujou bon » est suicidaire ! « Anpil nan nou, je nou chèch anpil ! ». « Nap maspinen lalwa pou defann tout sòt enterè ! » Si, à bon droit, on conteste à certains la prétention de se substituer à la justice et de juger ex cathedra, il faut tout aussi bien refuser à d'autres l'autorité d'innocenter un accusé en toute liberté afin que, pour une raison ou pour une autre, il soit protégé. Ceux qui prétendent être du côté du Droit, de la justice et de l'ordre démocratique, devraient conjuguer leurs efforts en vue de permettre à la justice de devenir véritablement souveraine et de pouvoir prononcer dans chaque cas, sur la base des Lois, les verdicts appropriés. Le véritable plaidoyer devrait donc être en faveur de la justice et, surtout, de l'indépendance et de la sérénité de celle-ci. Qui, de tous les ténors qui ont aujourd'hui droit de cité, plaident véritablement en faveur de la justice ? Ne cherchent-ils pas plutôt à induire les juges en erreur ou même à les corrompre ? La plupart d'ailleurs sont déjà assez corruptibles et ne veulent pas, autant que les autres, l'instauration d'une justice forte et indépendante.
Ne pas s'engager en faveur d'un système judiciaire indépendant, fort et efficace et passer de préférence le plus clair de son temps à réaliser soi-même les jugements au niveau des médias, à influencer autant l'opinion publique que les juges dans le sens de ses propres intérêts, c'est s'en prendre au pouvoir judiciaire en tant que tel et consacrer le principe de la subordination des Lois aux causes particulières, momentanées et conjoncturelles. Dans ces conditions, les crimes et délits ne sont jamais régulièrement sanctionnés. Du moins, selon les rapports de force et les intérêts, certains d'entre eux peuvent être punis à un moment ou à un autre. Mais, le jeu des intérêts et des manipulations fait qu'ils n'arrivent pas tous à être sanctionnés. Et c'est l'une des sources majeures de l'impunité ! Nous évoluons dans un système d'impunité consacré, entre autres facteurs, par le jeu sordide des intérêts, des rapports de forces et de l'irrespect flagrant de la primauté de la Loi sur les contingences et les conjonctures politiques et sociales.
Si l'on veut persister dans cette voie, il y a fort à craindre que nous ne continuions à être un singulier petit pays où « tout voum ap toujou do e kote baton ki bat chen blan an ap toujou bat chen nwa a », parce que, la Loi n'étant pas une pour tous, il y aura toujours des retours de situation, des revers de la médaille. Il arrivera bien un temps où, les puissants d'aujourd'hui, et/ou leurs alliés seront victimes du pouvoir et de la force des autres. Car, de leur temps, ils n'auront pas su lutter en faveur de la primauté absolue de la Loi et de la souveraineté de la justice.
Marvel Dandin
Source: RadioKiskeya
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