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Martelly entre provocation et appel à l’unité

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« Sispann goumen an nou bay lanmen ». Le message du président de la République, lundi, à l'occasion de la célébration des 210 ans de la Bataille de Vertières est clair. Un appel solennel au dialogue et à l'unité. Cependant, fidèle à lui-même, Michel Martelly n'a pu s'empêcher de s'en prendre à l'opposition politique qui multiplie les manifestations contre son administration. Pour montrer ses muscles, il organise une manifestation improvisée au Cap-Haïtien.

Lundi 18 novembre. C'est la célébration du 210e anniversaire de la bataille de Vertières. Au Cap-Haïtien où les plus hautes autorités du pays séjournent depuis la veille, il y a beaucoup d'activités. La sécurité est renforcée. 7h15 du matin. Les plus dévots prennent déjà place à la cathédrale de la métropole du Nord en attendant l'arrivée des officiels pour le traditionnel Te Deum. De l'autre côté de la rue, jeunes et adultes s'attroupent sur la grande place publique. Eux, ils veulent surtout voir les officiels.

8h37. Des voitures rutilantes commencent à défiler. Dedans, des officiels : le Premier ministre, des ministres, des directeurs généraux, des parlementaires... En somme, le gratin de l'administration publique est là. Quelques minutes après, arrive le président de la République accosté de la première dame. Sous l'acclamation d'une foule en liesse, le couple présidentiel investit la cathédrale. « Il nous faut un saut et un sursaut de courage pour sortir de cette impasse et redonner à chaque Haïtien le goût de vivre, déclare, d'entrée de jeu, Mgr Louis Kébreau, au cours de son homélie de circonstance. Pou ce faire, il faut renoncer au marronnage, au mensonge qui donnent lieu au cynisme et à la haine en cessant de parler du haut et du bas qui conduit à la désunion et à la lutte des classes, poursuit le prélat. Il faut aussi renoncer à la violence pour promouvoir une culture de la vie. »

Michel Martelly, Laurent Lamothe et les grands commis de l'Etat sont accrochés aux lèvres de Mgr Louis Kébreau qui prend sa retraite bientôt. « Nous sommes un peuple marqué par la fragilité socio-économique, environnementale, politique... », souligne le prélat. Selon lui, le pays a un besoin urgent de retrouver l'imagination créatrice pour l'engager sur la voie du développement et de la promotion intégrale de l'homme. « Bon nombre d'Haïtiens expérimentent dans leur chairs quotidiennement ces fragilités qui mettent en péril leur vie », ajoute-il, dénonçant l'attitude antipatriotique de ceux qui veulent garder le pays dans l'ignorance, dans la misère et dans la corruption.

Mgr Kébreau, en outre, invite le chef de l'Etat à convoquer le peuple haïtien à des élections honnêtes, crédibles et démocratiques. « Pour bien gérer le pays, il faut de la cohérence dans ce qui est dit et ce qui est fait, lance-t-il sous le regard de Michel Martelly. Il faut savoir dire la vérité. Seule la vérité peut nous permettre de regarder autrement cette Haïti chérie que nous voulons belle et grande... »

En route pour Vertières

11h10. Mgr Kébreau a fini de prêcher. Fini aussi les prières et les chants. La grande délégation officielle se met en route pour Vertières où le chef de l'Etat est attendu. Les gens se bousculent pour l'entendre. Ils veulent voir le musicien-président. « Que décidons-nous de faire avec l'héritage de Vertières si nous refusons de nous unir pour avoir une société homogène où tous les enfants seront scolarisés, où des travaux d'infrastructures s'effectuent, où toute la population puisse avoir accès aux soins de santé, à la justice sociale », lance Michel Martelly.

Dans un discours en créole et en français, le chef de l'Etat indique que l'instabilité ne conduira le pays nulle part. « Sans l'unité nous n'aurions pas la victoire le 18 novembre 1803 sur l'armée de Napoléon, la plus grande armée de l'époque, rappelle-t-il. Nos haines et nos divisions doivent cesser. L'esprit revanchard doit disparaitre. Pourquoi nous sommes toujours divisés après 210 ans de la bataille de Vertières ? Pourquoi ne pas attendre des élections pour prendre le pouvoir ? Pourquoi on s'entête toujours à ne pas respecter le mandat des présidents élus démocratiquement par le peuple... ? »

« Trop d'énergies sont de nos jours galvaudées dans la promotion de la violence par des soi-disant démocrates, dénonce-t-il. Concentrons de préférence nos forces pour combattre les maux qui rongent le peuple. Je réclame un peu de recul, de la tolérance. Il faut changer la mentalité de kraze brize et prioriser le dialogue. Seule l'union de tous les Haïtiens peut changer Haïti », poursuit-il dans son discours.

Le chef de l'Etat n'a pas mâché ses mots pour critiquer l'opposition politique qui ne cesse de réclamer son départ. « La vraie bataille doit être menée pour l'éducation, la sécurité, la justice, la relance de la production nationale, contre la faim, pour la création d'emplois, contre la cherté de la vie », déclare-t-il.

« E si mwen ta mande nou poukisa e kont kisa nap goumen ? Eske nap goumen kont lekòl gratis la ? Ou byen se transpò gratis la ki pwoblèm nan ? Se wout anlè a kap fè moun pè ? Ou byen ti manman cheri a kap ateri ? Moun anba tant yo, yo te dwe rete an atant ? Relans pwodiksyon agrikòl la nou pa dakò'l ? Etidyan yo pat dwe jwenn yon asistans ? », les questions du chef de l'Etat à ses détracteurs.

« Que le dialogue, la tolérance, l'entente, l'harmonie, l'amour de la patrie soient nos guides pour que nous puissions être les dignes fils de nos ancêtres et pour que nous puissions un jour dire, avec fierté et satisfaction, qu'ils n'avaient pas combattu en vain, qu'ils n'étaient pas morts pour rien. Que la paix, l'ordre et la discipline règnent au pays ! Arrêtons de détruire, il est temps, il est grand temps de construire ! Nos ancêtres nous ont légué un Etat, faisons en une nation ! », martèle Michel Martelly après avoir fait l'éloge des réalisations de son administration.

La question de l'armée n'échappe à l'attention du chef de l'Etat. Il souligne que le démantèlement des Forces armées d'Haïti n'a rien changé dans le panorama politique. Il dit constater aujourd'hui que la déstabilisation continue alors qu'on l'imputait souvent aux FAD'H. Selon lui, la présence des forces militaires étrangères sur le territoire national ne fait pas honneur à l'esprit de la Bataille de Vertières.

Après son discours, de façon improvisée, le chef de l'Etat décide de quitter Vertières pour se rendre au centre-ville du Cap-Haitien à pied. Il teste sa popularité dans cette ville où l'opposition a annoncé la couleur. Des milliers de sympathisants, dans une ambiance festive, le suivent.

Les présidents des deux branches du Parlement, respectivement président et vice-président de l'Assemblée nationale ont brillé par leur absence.

Juno Jean Baptiste
et Robenson Geffrard
Source: Le Nouvelliste

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