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L’ambassade américaine au secours de Martelly!
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- Publié le jeudi 8 août 2013 00:31
Par Francklyn B. Geffrard --- Dans tous les pays du monde, les élections constituent un acte de souveraineté nationale. C'est aussi l'acte par lequel les citoyens désignent leurs représentants au niveau des postes électifs. Depuis bientôt deux (2) ans, des élections sénatoriales partielles, municipales et locales devaient être organisées en Haïti. Ces élections qui sont vitales pour le renouvellement du personnel politique et des institutions démocratiques du pays n'ont toujours pas eu lieu. Elles ne semblent pas figurer parmi les priorités de ceux qui détiennent les rênes du pouvoir politique.
Le Sénat de la République est amputé d'un tiers (1/3) de ses membres. Avec vingt (20) sénateurs sur trente (30), le Sénat Haïtien fonctionne difficilement avec un quorum fragile. Si deux ou trois sénateurs sont en voyage, le Grand Corps éprouvera toutes les peines du monde pour tenir séance. Mais cela ne semble préoccuper nullement ceux qui sont chargés de veiller sur la bonne marche des institutions du pays. L'article 136 de la Constitution de 1987 fait du président de la République, « Le garant du strict respect de la Constitution et de la stabilité des Institutions nationales en assurant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l'Etat.» Au regard de cet article, le chef de l'Etat remplit-il sa mission ?
Les élections sont à la fois une exigence de la Constitution et de la démocratie. C'est la Constitution qui établit les échéances électorales et la fréquence des élections. Ne pas respecter les échéances électorales constitue une violation grave de la Constitution et un accroc à la démocratie. Le régime «Kaletèt » qui prétend promouvoir un Etat de droit, ne fait pas de l'organisation des élections une priorité. Pourtant, le régime qui affiche son goût démesuré pour le plaisir, les bamboches et la jouissance se permet d'organiser au moins deux carnavals tous les six mois dans un pays en proie à la misère extrême. Selon la Coordination Nationale pour la Sécurité Alimentaire (CNSA) au moins deux haïtiens sur trois (2/3) souffrent de faim. En fait, ils n'ont pas de quoi manger.
Depuis plusieurs semaines, le Collège Transitoire du Conseil Electoral Permanent (CTCEP), l'organisme d'exception chargé d'organiser les élections, a remis le projet de loi électorale au pouvoir exécutif qui doit l'acheminer au parlement aux fins de ratification. Le président qui a le document en sa possession ne l'a toujours pas transmis au parlement. Quand l'opposition fait pression pour qu'il transmette au plus vite le document aux parlementaires pour ratification, il déclare ceci, « Que ceux qui sont pressés, utilisent la loi électorale de 2008 pour organiser les élections. » On dirait que le chef de l'Etat n'a aucune responsabilité dans l'organisation des élections. C'est une façon pour Michel Martelly de dire qu'il n'est pas pressé et qu'il prendra tout son temps avant de faciliter la tenue des élections. Certains secteurs de l'opposition le désignent déjà comme étant à la base du blocage du processus électoral. Sans une loi électorale, les conseillers électoraux ne pourront pas réaliser les élections. Le président le sait aussi.
Cependant, le chef de l'Etat est déjà averti sur ce qui l'attend si les élections ne se tiennent pas cette année. En réaction à ses propos que plus d'uns jugent légers, Sauveur Pierre Etienne, coordonnateur national de l'Organisation du Peuple en Lutte (OPL) a fait savoir « Qu'il viendra un jour où Michel Martelly sera pressé et à ce moment c'est l'opposition qui prendra son temps pour le regarder se débrouiller ». Même si M. Martelly jouit encore du soutien de l'ambassade des Etats-Unis qui prend toujours fait et cause pour lui, il doit prendre cet avertissement au sérieux. Déjà, un secteur de l'opposition presse Michel Martelly d'organiser au plus vite, les élections législatives partielles, municipales et locales à la fin de cette année. Le Mouvement Patriotique de l'Opposition Démocratique (MOPOD) qui regroupe plusieurs partis de l'opposition a, le 24 Juillet dernier, donné le choix au président Martelly entre la tenue des élections et la démission. Une clause de la déclaration de Léogane dit ceci, « Le droit du peuple haïtien d'exiger souverainement et pacifiquement la fin anticipée du mandat de cinq ans confié à tout président de la République, si celui-ci s'écarte des règles du jeu démocratique ».
Peut-être que l'on dira qu'on a déjà entendu ces genres de déclarations. Cette prise de position de l'opposition semble avoir semé la panique dans le camp du pouvoir. Elle a fait réagir Michel Martelly qui semble avoir perdu les pédales. A l'issue de son carnaval des fleurs, il a accusé la dirigeante du Rassemblement des Démocrates Nationaux Progressistes (RDNP), Myrlande Manigat de fomenter un complot pour le renverser. S'agit-il d'une tactique propre à détourner l'opinion publique sur un ensemble de scandales qui éclaboussent la présidence et le reste du gouvernement ? Peut-être que Michel Martelly veut déstabiliser l'opposition qui se lance dans un effort timide de concertation. A plusieurs reprises, Michel Martelly a déclaré qu'il était à l'abri de tout coup d'Etat en raison de la présence de la MINUSTAH sur le territoire national. Comment peut-il craindre un coup d'Etat alors que ses protecteurs sont toujours présents en Haïti ? De l'incohérence pure !
La position exprimée par l'opposition n'a pas fait réagir Martelly seulement. L'ambassadrice des Etats-Unis en Haïti, Pamela White est vite intervenue pour tenter de calmer le jeu. Elle qui, dans un passé récent, estimait irréaliste que des élections aient lieu à la fin de l'année, s'est ravisée. Aujourd'hui, elle tient un autre discours : « Je suis toujours optimiste. Je crois qu'on va trouver une solution, je crois toujours qu'il y a toujours la possibilité de tenir les élections en 2013, a-t-elle déclaré à des journalistes. » Toutefois, elle a admis que le temps fuit. Pamela White a renouvelé l'engagement des Etats-Unis à aider Haïti à garantir des élections transparentes, crédibles et pacifiques avec une contribution de 10 millions de dollars. En fait, la diplomate parle et déparle. Tantôt c'est possible, tantôt ce n'est pas possible! Que doit-on croire ? Qui doit déterminer quand les élections sont possibles ou non en Haïti ? Est-il déjà arrivé aux Etats-Unis que des élections n'aient pas lieu à la date prévue pour des raisons fantaisistes parce qu'un chef d'Etat voudrait s'accaparer du processus électoral ?
Ce qu'il faut voir dans l'intervention de Mme White, c'est une volonté de casser la mobilisation de l'opposition anti-Martelly. Elle veut s'assurer que rien n'arrive au régime qu'elle défend auprès de ses supérieurs hiérarchiques. Pris dans un étau à cause de son entêtement à diriger le pays en fonction de ses pulsions, Michel Martelly se trouve englué dans un ensemble de scandales les uns plus accablants que les autres. Pour en sortir, il a encore droit à l'intervention de l'ambassade américaine pour tenter de sauvegarder son quinquennat qu'il a lui-même fragilisé. En fait, Pamela White marche sur la trace de son prédécesseur, Kenneth Merten qui a dû intervenir pour tenter de faire croire à l'opinion publique nationale et internationale que Michel Martelly n'avait pas la nationalité américaine. Mme White vole donc au secours de M. Martelly, son protégé, à un moment où l'opposition semble déterminée à en découdre avec son régime que le directeur exécutif du RNDDH, Pierre Espérance a qualifié récemment de pouvoir délinquant.
Cependant, cette intervention de Pamela White n'est pas innocente. Elle préfère traiter avec un Martelly très affaibli que d'avoir affaire avec des éléments issus de l'opposition qui pourraient refuser de se soumettre aux injonctions du puissant voisin. La faiblesse de M. Martelly le place donc en position idéale pour la liquidation de ce qui reste encore des ressources minières du pays. Il faut remarquer qu'aucune pression internationale sérieuse ne s'est exercée jusqu'ici sur Michel Martelly pour l'organisation des élections. On le laisse faire comme bon lui semble. La communauté internationale ne s'est pas montrée préoccupée par l'absence de volonté du président d'organiser les élections pour renforcer les institutions. Cette communauté internationale se tait sur les dérives totalitaires du régime qui instrumentalise la justice pour persécuter ses adversaires politiques. Le pouvoir s'entête à arrêter un de ses adversaires, Me André Michel, juste parce que celui-ci est à la base des dénonciations et poursuites judiciaires enclenchées contre la famille présidentielle pour implication présumée dans le détournement des fonds publics. La Communauté internationale joue la carte de spectateur.
L'ambassade américaine qui intervient en faveur de Michel Martelly à chaque fois que l'étau se resserre sur lui, n'a toujours pas dénoncé les menées inquiétantes du pouvoir. Au contraire, les Etats-Unis envisagent de reprendre son aide directement au gouvernement en guise de la faire transiter par les ONG. Une façon de récompenser le régime pour services rendus. Personne n'est dupe. C'est un signal lancé à l'opposition qui veut déboulonner le régime Kaletèt. C'est pourquoi d'ailleurs, l'ambassade américaine ne s'embarrasserait pas de supporter les bandits « légaux » même si, au deuxième lundi de janvier 2014, le Sénat de la République était frappé de caducité. Cela pourrait certainement faciliter beaucoup de choses. Sans le parlement, l'exécutif pourrait diriger par décret. Il n'y aurait pas d'obstacle quand il s'agirait de concéder sans contrôle l'exploitation des mines d'or, de cuivre, de bauxite etc. dont disposent les sous-sols haïtiens.
L'enjeu majeur des prochaines élections ne consiste pas seulement à renouveler le personnel politique au niveau sénatorial, municipal et local. Les intérêts économiques de certains secteurs internationaux puissants en constituent la toile de fonds. Ceux qui gagneront les élections devront être souples et prêts à négocier l'exploitation des mines d'or dont regorgent les sous-sols du pays que l'on dit pauvre. Michel Martelly est celui sur qui, ces secteurs comptent le plus en raison de son passé et de la façon dont il est arrivé au pouvoir. Il leur doit beaucoup de choses. Déjà, de nombreux contrats bidon ont été passés entre le régime en place et certaines firmes pour la prospection, l'étude et l'exploitation de ces ressources précieuses pour le développement du pays. La résolution adoptée le 20 Février 2013 par le Sénat de la République demandant à l'exécutif de sursoir immédiatement à l'exécution de permis d'exploitation déjà signés avec la Somine S. A. le « VCS Mining », ou toute autre entité, a asséné un gros coup à ceux qui se préparaient à liquider les mines d'or du pays. Le Sénat devient donc embarrassant. Il dérange les intérêts des potentats nationaux et internationaux.
C'est dans ce contexte qu'il faut situer le soutien sans faille des puissances dites amies d'Haïti à Michel Martelly. Ce n'est pas étonnant si les donneurs de leçons démocratiques jouent le double jeu sur la question des sénatoriales partielles haïtiennes. C'est un jeu dangereux qui peut même coûter des vies si on le prend avec légèreté. Les récentes déclarations de Mme White, peuvent être interprétées même comme un blâme pour l'opposition. Aujourd'hui, les dés sont jetés. Les jeux sont clairs. Sans un éveil national, rien ne pourra arrêter le processus lent, mais certain de l'instauration d'une dictature en Haïti avec la complicité d'un secteur puissant de la communauté internationale en vue d'achever le pillage des ressources du pays.
Francklyn B. Geffrard
Centre International d'Etudes et de Réflexion (CIER)
Source: Haiti-Liberte
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