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Le Trait d'Union Entre Les Haitiens

Histoire

Notre patrimoine : une contribution intemporelle à l’universel

Francisco Javier MinaGeneral Francisco Javier MinaPar Alin Louis Hall  --- « Parce qu’un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir »[1]. Signe des temps ! C’est l’un des tous premiers défis que la modernité pose à notre société , impuissante, face à la disparition des matières de mémoire comme l’histoire, l’art, la philosophie et la culture générale au profit de l’indigence intellectuelle dont nous avons fait une véritable vocation. Un sacerdoce même.

Et dire que, lors d’une révolte au Brésil en 1806, noirs et mulâtres portent des amulettes à l’effigie de Dessalines. Quelques années plus tard, en 1815, le chant de guerre de l’armée indigène « grenadyé a laso, sa ki mouri zafè ya yo » sera repris par les gens de couleurs à la Bataille de la Nouvelle-Orléans contre les Anglais. Un chapitre méconnu du panamericanisme est le support d’Alexandre Pétion au général mexicain Francisco Javier Mina, peu de temps après Bolivar. En septembre 1816, Mina rejoignit le corsaire Louis Michel Aury à Port-au-Prince. Ce même Aury était à la tête de la rébellion contre Bolivar aux Cayes. Comme nous le verrons plus loin, Bolivar bénéficia grandement du support de la société cayenne et de la protection du général Marion qui mit Aury et ses partisans aux arrêts. Une fois encore, Pétion, toujours déférant, entoura Mina de toutes sortes d’égard et l’aida autant que les circonstances le lui permettaient. Mina allait tenter une révolution au Mexique. On y reviendra. Plus tard, ce fut au tour des gouvernements de Jean-Pierre Boyer et de Fabre Nicolas Geffrard d’apporter leur soutien en faveur de la migration afro-américaine vers Haïti. On retrouvera encore le Président Geffrard au côté des Dominicains pour la restauration de leur indépendance en 1865.

LA CAMPAGNE DE GEORGIE DE 1779 – LA BATAILLE DE SAVANNAH

A la fin du mois de décembre 1778, la ville de Savannah, capitale de la colonie britannique de Géorgie, est capturée par le corps expéditionnaire britannique du lieutenant-colonel Archibald Campbell. Une tentative franco-américaine de reprise de Savannah tente un siège allant du 16 septembre 1779 au 18 octobre 1779. Le 9 octobre 1779, un assaut majeur est lancé contre les Britanniques. Cette bataille est connue dans l'histoire d'Haïti car une légion de huit cents gens de couleur de Saint-Domingue combattit du côté français. En cette circonstance, un effectif de 800 fusiliers indigènes appartenant au corps des Chasseurs-Volontaires de Saint-Domingue fut constitué pour les besoins de cette campagne. Le contingent expéditionnaire partit du Cap-Français le 15 août 1779 pour la Géorgie.

BILAN DES PERTES DE L’ARMEE ALLIEE

Andre RigaudBenoit Joseph Andre Rigaud, Veteran de SavannahSelon l'ouvrage du Vicomte de Noailles: "Marins et Soldats français dans la Guerre de l'Indépendance Américaine" Paris, 1903, le corps expéditionnaire dans la Guerre de l'Indépendance Américaine enregistra les pertes que voici: Tués: 16 officiers et 168 soldats; blessés: 47 officiers et 411 soldats. .Parmi les blessés , on retrouva : Benoit-Joseph-André Rigaud, des Cayes, âgé de 26 ans - Jean-Pierre Faubert, des Cayes âgé de 27 ans - Laurent Férou, des Côteaux, âgé de 14 ans - Guillaume Bleck, de Saint-Louis-du-Sud, âgé de 34 ans - Gédéon Jourdan, du Petit-Trou de Nippes, âgé de 22 ans - Louis-Jacques Beauvais, de Port-au-Prince, âgé de 23 ans - Jean Piverger, d'Aquin, âgé de 31 ans - Pierre Cangé, du Grand-Goâve, âgé de 31 ans - Jean-Pierre Lambert de la Martinique, âgé de 51 ans, résidant à Port-au-Prince - Pierre Tessier, de Port-au-Prince, âgé de 23 ans; Césaire Savary, de Saint-Marc, âgé de 23 ans - Jérôme Thoby, de la Petite-Rivière de l'Artibonite, âgé de 26 ans - Barthélémy-Médor Icard, de la Petite-Rivière de l'Artibonite, âgé de 26 ans - Christophe Mornet des Lousi Jacques BeauvaisLouis-Jacques Beauvais, Veteran de SavannahGonaïves, âgé de 30 ans - Jean-Louis Froumentaine, de St-Louis du Nord, âgé de 27 ans - Jean-Baptiste Chavannes de Sainte-Rose du Nord, âgé de 24 ans - Martial Besse du Terrier-Rouge, âgé de 20 ans - Jean-Louis Vilatte, du Cap, âgé de 26 ans - Jean-Baptiste Léveillé, du Cap âgé de 28 ans - Luc-Vincent Olivier, de Sainte-Rose du Nord, âgé de 26 ans - Pierre Auba, de Quartier-Morin, âgé de 29 ans - Pierre Astrel, de Plaisance, âgé de 26 ans - Jean-Baptiste Mars Belley, du Sénégal, domicilié à Sainte-Rose du Nord, âgé de 33 ans - Henry Christophe, de la Grenade, domicilié au Cap, âgé de 22 ans.

LA CAMPAGNE DE FLORIDE DE 1781- LA BATAILLE DE PENSACOLA

Une fois encore, on fera appel aux unités indigènes de St-Domingue durant la Révolution Américaine pour la campagne de Floride de 1781 effectuée avec l'Espagne, entrée dans la guerre en juillet 1779 comme alliée de la France et des Etats-Unis. Le 9 mai 1781, une armée franco-espagnole affronte l'armée britannique à Pensacola pour le contrôle de la Floride .L’armée espagnole commandée par Bernardo de Galvez remporte une brillante victoire en attaquant par terre et par mer Pensacola, capitale de la Floride occidentale britannique.

FRANCISCO DE MIRANDA

francisco mirandaFrancisco de MirandaMiranda s'était intéressé à la guerre d'Indépendance américaine, en servant comme Capitaine du Régiment d’Aragon et aide de camp du général Juan Manuel de Cajigal y Monserrat. Sous Cajigal, il participa à cette bataille de Pensacola en 1781 qui verra la Floride occidentale britannique passée aux mains des Espagnols. Il sera promu au grade de lieutenant-colonel.

REPERCUSSIONS DE LA CAMPAGNE DE FLORIDE

C’est en faisant ses adieux aux paysages de St-Domingue, en rade du Cap, que le serment de travailler désormais à la délivrance de la Grande Colombie serait venu à Miranda. Au cours de l'été 1782, nommé Lieutenant-général des armées combinées de France et d'Espagne, le maréchal de Camp Don Bernardo de Calvez s'était transporté dans la ville du Cap pour planifier une expédition contre la Jamaïque et les autres possessions anglaises de la mer des Caraïbes. Un article de la Gazette Cap-Français du 24 juillet, relatant la conquête de Nassau et des autres Îles de l’archipel irrita le Maréchal qui soupçonna Francisco de Miranda. Gálvez était furieux que l’expédition se fût déroulée sans sa permission. Il emprisonna Cajigal et Miranda fut arrêté. Ces antagonismes rallumèrent la mésintelligence entre les officiers de la Métropole hispanique et ceux nés dans les colonies. Le 8 août, Miranda fut arrêté au Cap, d'ordre de son chef, et conduit à bord d'une frégate espagnole qui fit voile le lendemain pour La Havane où l'officier vénézuélien allait être déféré à une Cour Martiale. Il était accusé d'avoir livré les plans du Castillo del Principe de la capitale cubaine au général anglais John Campbell, ancien gouverneur de Pensacola.

Après tant d’humiliations, au mépris de tant de loyaux services, il fallait faire la guerre pour fonder la Grande Colombie. Il retourna aux États-Unis en 1783, où il rencontra, entre autres, George Washington, Thomas Paine, Alexander Hamilton, Henry Knox, et Thomas Jefferson. Il n'obtiendra pas les finances escomptées et ne pourra affréter qu'un seul navire, le “Léandre”, pour son entreprise. Cela semble bien peu, mais Miranda a confiance et se dirige vers le sanctuaire des révolutionnaires.

Sur ordre de Jacques 1er, il sera accueilli par le Général Magloire Ambroise à Jacmel où il arrive en février 1806. Le 12 Mars 1806 est un grand jour: il marque la première date de la grande Colombie, inventée par Miranda, fondée par Bolivar. Le drapeau bleu, jaune et rouge dessiné par Miranda flotte sur le grand mat du navire. Au Venezuela, cette journée est célébrée comme la “dia de la bandera”. Les drapeaux équatorien, vénézuélien et colombien en adoptant le rouge et bleu du bicolore haïtien symbolisent la reconnaissance de ces peuples.

Dans la rade, au bas des parchemins, il signe: "Don Francisco de Miranda, Commandant suprême de l'Armée Colombienne”. Mais à Jacmel, le vaisseau de guerre qu'on lui avait promis n'est pas au rendez-vous. Les renforts des Antilles britanniques ne sont pas non plus au rendez-vous. Mais Miranda est impatient.. Le 27 Mars, il quitte Jacmel à bord du “Léandre” escorté par deux petites goélettes, le “Bacchus ”et “ l’Abeille”, avec des munitions et des hommes en renforts fournis par le Général Magloire Ambroise pour combattre les Espagnols.

REVOLUTION HAITIENNE, JUMELLE REBELLE DE LA REVOLUTION FRANCAISE

Lorsque la Révolution française éclate, naissent les groupes de pression auprès des députés à Paris. Pour les colons blancs, c’est le Club Massiac. Pour les mulâtres, c’est la Société des Citoyens de couleur. L’Assemblée nationale, en juillet 1789, refusa aux colons blancs le droit de représenter à eux seuls l’ensemble de la colonie. Cependant, la législation coloniale de 1791 leur a finalement accordé tous les pouvoirs politiques en créant des Assemblées coloniales composées exclusivement de Blancs et dotées de grands pouvoirs sur les autres habitants des îles.

L’abbé Grégoire, député à la Convention - Assemblée nationale chargée de la nouvelle Constitution - et la Société des Citoyens de couleur, voyant qu’une chance s’offrait de voter l’abolition de l’esclavage, reprennent symboliquement l’idée d’une cérémonie qui s’était déroulée à l’Assemblée le 23 octobre 1789. Ce jour-là un vieux serf du Jura, âgé de 120 ans, était venu remercier les députés d’avoir, avec l’abolition des privilèges, totalement supprimé le servage, dans la nuit du 4 août 1789. À la demande de l’abbé Grégoire, les députés – parmi lesquels on comptait des nobles – s’étaient mis debout pour acclamer le vieillard par égard à son âge vénérable.

La nouvelle cérémonie, cette fois relative à l’esclavage, a lieu le 4 juin 1793 dans la salle de la Convention. Ce jour-là, l’Assemblée reçoit une délégation de la Société des Citoyens de couleur et de soldats de la Légion des Américains - régiment révolutionnaire formé de gens de couleur vivant en France - portant un drapeau tricolore très particulier, où sont peints trois personnages : un Noir sur la bande bleue, un Blanc sur la bande blanche et un métis sur la rouge. Les trois hommes sont debout et portent une pique surmontée du bonnet de la liberté. Une devise est inscrite sur le drapeau: « Notre union fera notre force ». Ce drapeau était celui de « l’égalité de l’épiderme »: il affirmait que le principe d’égalité énoncé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen était universel, c’est-à-dire qu’il s’appliquait à tous les hommes, quelle que soit la couleur de leur peau.

La Convention accepta de recevoir l’étendard qu’elle baptisa « signal de l’union »: union entre la Révolution française et la révolution de Saint-Domingue. Les députés se levèrent même pour rendre hommage à la vieille femme noire à la tête de la délégation. C’était Jeanne Odo, une ancienne esclave de Saint-Domingue âgée de 114 ans. Le président de séance, après lui avoir donné le baiser fraternel, l’installa à sa gauche. L’abbé Grégoire intervint alors, et, faisant un parallèle avec la cérémonie de 1789 en l’honneur de l’abolition du servage, demanda à la Convention de faire disparaître « l’aristocratie de la peau ». Ce sera chose faite lors d’une autre séance de la Convention. L’abolition de l’esclavage sera finalement proclamée en France le 4 février 1794. Le décret fut obtenu grâce à l’union entre des révolutionnaires abolitionnistes de France, comme l’abbé Grégoire, et des représentants de la révolution qui avait éclaté à Saint-Domingue en 1791.

THOMAS ALEXANDRE DE LA PAILLETERIE

Alexandre Dumas 1762-1806x350Thomas Alexandre Davy de la Pailleterie, dit le général Dumas, est un général de la Révolution française, né le 25 mars 1762 à Jérémie et mort le 26 février 1806 à Villers-Cotterêts. Il est le père de l’écrivain Alexandre Dumas, l’auteur de « Les Trois Mousquetaires », et le grand-père de l’écrivain Alexandre Dumas fils.

Mulâtre de Saint-Domingue, il est le premier général ayant des origines afro-antillaises de l'armée française. Il fit la campagne de Belgique, la guerre de Vendée, la guerre des Alpes, la campagne d'Italie, et la campagne d'Égypte. « À son retour en France, à l’époque du Consulat, en 1802, il est victime de l'épuration raciale de l'armée au moment de l'insurrection de Saint-Domingue (arrêté de Berthier du 29 mai 1802). Bonaparte le destitue de son grade de général de division le 23 juillet, le met à la retraite et lui refuse les 28 500 francs d’arriéré et les 5 000 francs d’indemnités de captivité qui lui seraient dus. Il devra se contenter avec sa retraite de général qui, à l'époque, était minime (environ 4000 francs par an) »[2]. Après son décès, sa veuve n'aura droit à aucun secours comme c'est habituellement le cas en la circonstance. Il ne sera pas cité dans Le Mémorial de Sainte-Hélène et restera ignoré de la plupart des historiens de l'Empire.

Il ne fut jamais décoré de la Légion d'honneur. Il meurt à l’hôtel de l’Epée à Villers-Cotterêts (Aisne), le 26 février 1806, des suites de ses campagnes et de son ulcère[3] aggravé par l'ingratitude de Napoléon[4].

A Jérémie, Place des Trois Dumas, le buste du général républicain rappelle à la postérité la brillante et fulgurante carrière militaire du général de division sous la Révolution. En sept ans, il passa de simple soldat à général. Fils d'un aristocrate français, Alexandre Davy de La Pailleterie, installé à Saint-Domingue, et d'une esclave noire Louise Marie-Césette Dumas, il se caractérisa par sa force exceptionnelle et son courage.

UNE HISTOIRE DE MIGRATIONS.

John James Audubon 1826 Jean-Jacques AudubonDe 1791 à 1809, l’intensité de la marche obligée vers l’indépendance entraînera plusieurs grandes vagues d'émigration vers Cuba, Porto-Rico et les Etats-Unis. La « Perle des Antilles » perdra près de la moitié de sa population noire et jaune ainsi que la quasi-totalité de sa population blanche; augurant du même coup les premiers transferts de cerveaux du Nouveau Monde et accélérant le processus de décapitalisation de son économie bien avant le braquage sans vergogne du Baron de Mackau[5].

Dans le contexte de ces 18 ans de violence, l’un des meilleurs exemples est celui de Jean Audubon, propriétaire d’esclaves et de plantations dans la Plaine-du-Fond des Cayes, qui ramènera en France son fils Jean-Jacques, né aux Cayes le 26 avril 1785. Pour échapper à la conscription en vigueur en pleine période de guerres napoléoniennes, il lui obtiendra un faux passeport qui lui permet de se rendre aux États-Unis. Considéré comme le premier ornithologue du Nouveau Monde et comme un pionnier de l’écologie, Jean-Jacques Audubon publiera de 1827 à 1839 "Les Oiseaux d’Amérique", cinq volumes constitués de planches peintes à la main et représentant en grandeur nature 80 % des espèces vivant au XIXe siècle. Après 1885, il deviendra une des gloires nationales aux États-Unis où les Américains le vénèrent comme le plus grand peintre naturaliste.

De Saint-Domingue à la Géorgie, les réfugiés introduisirent la révolution du coton. A Cuba, la révolution du café et de la canne-à-sucre. A Baracoa, toujours à Cuba, on recensera plus de 100 familles de l'Anse-à-Veau qui contribuèrent au plan d'eau de la ville, au développement du cacao et du café, et à la création d'une usine d'huile de noix de coco. Vers la même époque, en Louisiane, la population augmentait de 40 % pour dépasser 40 000 habitants entre 1806 et 1810. Les réfugiés, passés par Cuba, révolutionnent la culture du coton et du sucre. Dans son Voyage à la Louisiane et sur le continent de l’Amérique septentrionale, de 1794 à 1798 Louis-Narcisse Baudry Des Lozières, conseiller à Port-au-Prince en 1789, raconte, en parlant du coton, que « les malheurs de Saint-Domingue ont fait venir en Louisiane beaucoup de réfugiés », qui « ont apporté avec eux l'industrie qui manquait à la Louisiane pour ce genre de culture». Dans ce même ordre d’idées, reconnaissant l’origine saint-dominguoise du jazz en tant que genre musical, il est bon de rappeler que son niveau de complexité harmonique arrivera à égaler celui de la musique classique européenne. A “Congo Square”, où les esclaves s’adonnaient aux festivités hebdomadaires du dimanche, vinrent rejoindre les musiciens de Saint-Domingue fuyant les troubles dont la disponibilité dépassait la demande à la Nouvelle-Orléans.

SIMON BOLIVAR DANS LA VILLE DES CAYES

Simon Bolivar in HaitiSimon Bolivar, lors de son séjour dans la ville des CayesSimon Bolivar, isolé à la Jamaïque de Mai à Décembre 1815, faisait face à d’énormes difficultés financières. A l’époque, l’Angleterre observait une politique de neutralité face à l’ l’Espagne et toute aide lui était déniée. Il échappa de justesse à un attentat quand le Colonel Ducoudray Holstein dépêcha le corsaire “La Popa” à Kingston pour le ramener à Carthagène. A peine en mer, il rencontra Capitaine Joanny du corsaire ‘’Le Républicain” qui lui transmit la nouvelle que, entre-temps, les forces royalistes avaient repris Carthagène et que les principaux chefs accompagnés de quelques familles de patriotes, embarqués sur dix vaisseaux, faisaient voile vers les Cayes sous la conduite du Commodore Louis Michel Aurel. Bolivar décida donc de se diriger vers la Métropole du Sud.

L’histoire a donc retenu que Bolivar précéda l’escadre de dix jours et qu’il débarqua dans la ville des Cayes le 28 décembre 1815. Il s’empressa aussitôt de se rendre à Port-au-Prince où il arriva le 31 Décembre. Il fut reçu avec la plus grande distinction et avec cordialité par le Président Alexandre Pétion. Là, il déploya le grand jeu et le Président Pétion, qui connaissait déjà la réputation du Général Bolivar décida, sous l’influence du Général Jean-Pierre Boyer, de lui accorder toute l’assistance dont il avait besoin.

« L’escadron du commodore Aury mouilla aux Cayes le 6 Janvier 1816, après avoir horriblement souffert du temps et des privations de toutes les sortes, pendant la traversée.

 Il fallait avoir vu ces malheureux émigrants lors de leur débarquement, pour se faire une juste idée de leur position. Malades pour la plupart et dévorés par la faim et la soif, ils pouvaient à peine se tenir sur leurs jambes. Il fallait entendre les cris des enfants, les lamentations des femmes et des vieillards; ces gémissements que les tiraillements de la faim faisaient pousser: le désespoir enfin de ces gens de se trouver sur une terre étrangère sans moyens d’existences pour le plus grand nombre.

 Mais s’il fut triste s’il fut déchirant pour les âmes sensibles de contempler un pareil spectacle combien ne durent elles pas se sentir soulagées à voir cet empressement que les familles haïtiennes mirent à voler au secours de ces infortunés, à les recueillir dans leur sein,  à les soigner à les soulager !... C’est une justice à vous rendre, habitants des Cayes, que dans aucun lieu de la République et dans aucun temps on ne se montrât plus humain et plus généreux envers ses semblables que vous ne le fûtes en cette occasion. En effet, quelles plus délicates plus fructueuses consolations, quels soins plus généreux que ceux que vous prodiguâtes à l’ envi à ces malheureuses victimes du sort! L’enthousiasme avait gagné toutes les classes de la société; c’était un entraînement général, chacun se crut obligé de venir en aide à ces infortunés de leur porter son contingent de charité. Le gouvernement lui-même ne se montra pas moins empressé de prouver son humanité et sa bienfaisance car l’ordre fut de suite expédié au général Marion commandant de l’arrondissement des Cayes de faire rationner en pain et salaisons tous ces émigrants pendant trois mois. » [6]

INTRONISATION DU GENERAL SIMON BOLIVAR DANS LA VILLE DES CAYES

Sur fond de mutinerie, le Commodore Louis Michel Aury ouvertement planifiait une opération sur le Mexique au détriment de la cause vénézuélienne. L’influence de la société cayenne de l’époque était indispensable pour ramener l’union et la concorde dans le rang des patriotes vénézuéliens. Le Général Marion neutralisera la tentative de Louis Michel Aury en signifiant aux mutins qu’il ne reconnaitrait que l’autorité de Simon Bolivar. Dès lors, les Patriotes du Venezuela et de la Nouvelle Grenade se rallièrent à l’autorité suprême du Général Simón José Antonio de la Santísima Trinidad Bolívar y Ponte Palacios y Blanco. Pour la première fois, il obtiendra l’autorité suprême et l’unité de commandement.

Ainsi, par le jeu des circonstances historico-politiques, la ville des Cayes a fait naitre le Bolivarisme et l'a porté ensuite sur les fonts baptismaux. L'histoire a retenu que le Bolivarisme est parti d'une réunion entre le général Bolivar et les membres de l'état-major de l'armée expéditionnaire, tenue dans la maison de la citoyenne cayenne Jeanne Bouvil située, jusqu'à présent, au No 80 de la rue Simon Bolivar de cette ville. De cette rencontre est sortie, après un large consensus, l'intronisation du général Bolivar comme commandant en chef de l'armée des insurgés aux cris de « viva la patria ». Dès lors, l'unité de commandement attribué au général Bolivar lui permet d'avoir la marge de manœuvre suffisante pour asseoir son autorité, faire passer ses vues stratégiques, militaires et politiques, sa vision de la lutte, sa philosophie de la révolution et ses conceptions de la structure politico-institutionnelle des futurs États libérés. Donc la mise en forme définitive de la doctrine, en l'occurrence le Bolivarisme, qui porte son nom.

CONCLUSION

Ils sont divers les origines et fondements de la perte de notre statut de « Perle des Antilles ». Cependant, ces multiples éléments ne doivent pas pour autant nous conduire à occulter notre contribution au grand détriment de notre sentiment d’appartenance. Au nom de cette richesse patrimoniale qu’il nous faut absolument imposer à la relève bon gré mal gré, il nous faut commencer par nous réconcilier avec notre passé. Afin d’ouvrir un nouvel horizon à notre avenir, il nous faut comprendre que « la vitalité de la mémoire est l’une des conditions du progrès humain »[7].

Alin Louis Hall

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES :

  1. A.Abécédaire de l’esclavage des Noirs, Gilles GAUVIN, Paris, Editions Dapper, 2007.
  2. B.Les Nègres d'Haïti dans la guerre d'Indépendance américaine, Dr Clément Lanier

[1]
Maréchal Ferdinand Foch  

[2] Ernest d'Hauterive, "Un soldat de la révolution : le général Alexandre Dumas", éditions Paul Ollendorff, Paris, 1897, 257 pages. Cf. p. 248.

[3] Il rend visite le 20 juin 1805 au médecin de l’Empereur Jean-Nicolas Corvisart qui lui diagnostique un cancer de l’estomac.

[4] Franck Ferrand, Au cœur de l'histoire sur Europe 1, 5 avril 2011

[5] Le baron Ange René Armand de Mackau est un amiral et homme politique français. En 1825, il débarqua en Haïti pour y faire accepter l'ordonnance d'affranchissement du 17 avril 1825, qui reconnaissait l'indépendance de l'île tout en prévoyant, en contrepartie, certains avantages pour la France d’où le paiement de la dette. Après d'assez longs pourparlers, Jean-Pierre Boyer capitula et accepta l’ordonnance.

[6] Expédition de Bolivar, Par le Sénateur Marion Aine, De l’Imp. de J H Courtois, Décembre 1849

[7] Maréchal Ferdinand Foch  

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