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Contre un certain nationalisme de type réactionnaire à l’égard de l’aide dominicaine à Haïti

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New York, 16 Octobre 2016 --- Jocelerme Privert a exprimé son mécontentement, mais sa réponse était excessive et ne parait pas être digne d’un président de la république. Ce n’est pas à Privert de justifier la présence des soldats dominicains en évoquant la présence de soldats d’autres nations. Un citoyen lambda peut le faire, mais pas un président d’une « république libre et autonome ». Il y a une nuance.  Évidemment, c’est très hypocrite quand certains critiques décident de fermer les yeux sur la présence des soldats américains, français et autres pour jeter leurs dévolus sur les contingents dominicains.

Cette approche de deux poids et deux mesures s’est dite justifiée du fait des mésaventures historiques cicatrisantes entre la République Dominicaine et Haïti. Le massacre des braceros haïtiens en République Dominicaine en 1937 est un fait indéniable. Aucun haïtien ne peut feindre d’ignorer ce traumatisme historique. Cependant, on doit se rappeler que c’est au cours de l’occupation américaine que plus de 300,000 paysans haïtiens allaient immigrer à Cuba et République Dominicaine pour travailler comme des coupeurs de canne. Par conséquent, une approche de contrefactuelle s’impose : Le massacre du Persil aurait-il lieu si l’occupation américaine n’avait pas causé le départ forcé des paysans haïtiens en République dominicaine ? La question, et moins sa réponse, est d’une importance capitale. Il permet de réfléchir deux fois avant de parler de bons amis et de vrais amis d’Haiti. Mieux encore, il permet d’être prudent par rapport à tout nationalisme de type réactionnaire capable d’induire toute une population en erreur. On n’en veut à l’aide humanitaire dominicaine, mais on aime l’université de Limonade. Avec une tête pleine, on s’en fout du ventre vide. Mais quelle hypocrisie ?

Mais dis donc, l’hypocrisie de Jocelerme Privert aussi saute aux yeux.  C’est avec beaucoup de stupéfaction et surtout d’indignation que j’ai écouté Monsieur Privert complaindre, à l’instar de n’importe quel simple citoyen, de l’état de délabrement de nos institutions comme s’il y est pour rien. Après plus de 20 ans comme grand commis de l’administration de l’État, Jocelerme Privert n’est surtout pas en odeur de sainteté de jeter la première pierre contre les gloutons et les prédateurs de la république. Directeur de la DGI (1995-1999), secrétaire d’État aux finances (2001-2002), ministre de l’intérieur (2002-2004), sénateur de la République (2011-2016), Monsieur Privert ne peut pas un bon matin se soustraire de la liste des dirigeants qui par action ou par omission ont causé le mal haïtien. Ce serait trop facile.

Comme ancien ministre de l’intérieur, qu’a-t-il fait pour éviter que Haïti se place aujourd’hui au troisième rang des pays du monde les plus affectés par des évènements climatiques entre 1995 et 2014 ? On dira peut-être que la localisation géographique du pays est une variable exogène ; par conséquent, personne ne saurait être tenue pour responsable des dégâts associés aux évènements d’origines sismiques et climatiques. Rien pourtant ne serait plus loin de la vérité. Quoiqu’il est vrai qu’Haïti ne puisse s’affranchir du risque des désastres naturels, la vulnérabilité du pays, les pertes et dommages associés aux évènements hydrométéorologiques pouvaient bien être évités. Le fait, par exemple, que l’inondation correspondant aux pluies qui se sont abattues en mai 2004 a provoqué environ 3000 morts en Haïti et moins de 700 en République Dominicaine prouve que notre vulnérabilité n’est pas une fatalité. Leadership est le maitre mot. Celui de Privert est donc questionnable.

Claude Joseph