Analyses & Opinions
Du déni de la réalité
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- Catégorie : Opinions
- Publié le mercredi 9 septembre 2015 11:30
Parfois, la réalité nous donne une gifle. Violente. Un accident sur la route. Le besoin de soins médicaux en urgence. À ce moment, le riche sur les hauteurs et l'anonyme dans un bidonville du bord de mer se retrouvent à égalité sur le terrain de cet État failli, certains diront de cet État voyou, d'autres de cet État prétexte.
Par quel mécanisme de l'esprit, par quelle exécrable habitude ou par quelle fermeture des cœurs ou des âmes sommes-nous arrivés à pouvoir traverser cette réalité sans la voir, sans nous sentir concernés alors que la menace des dégradations pèse directement sur nous et hypothèque notre avenir et surtout celui de nos enfants que nous chérissons ?
Si par moment, un évènement nous rappelle cette précarité que nous construisons jour après jour par nos indifférences, nos ignorances, nos mépris et nos lâchetés, nous revenons rapidement à nos routines suicidaires, comme si nous étions des malades dont les affections auraient connu une rémission temporaire. L'observateur est alors étonné de constater comment nous retrouvons allégrement pensées et comportements qui alimentent notre chaos.
La question est de savoir si cette dégradation, cette pauvreté, cette détresse ne sont pas des éléments qui permettent à des esprits quand même malades de se différencier des autres. On s'identifie par rapport à la douleur de l'autre, par rapport aux insuffisances de l'autre qu'on enterre de son mépris. Tout notre univers de délabrement ne servirait alors qu'à satisfaire l'égo de ceux qui seraient placés pourtant à un niveau de responsabilité justement pour travailler à l'amélioration des conditions de vie de la majorité. On peut aussi ne pas vouloir changer, modifier cette réalité. On veut prendre sa revanche sur la vie tout simplement, dans un jeu purement individualiste, en se disant que seuls les plus forts gagnent et que ceux qui perdent sont condamnés à être des esclaves tout simplement.
La réalité du pouvoir en Haïti est le plaisir que prennent ses détenteurs à voir tous ces gens dans le besoin prêts à tout pour obtenir un emploi, quelques gourdes, le peu qu'il soit pour survivre au jour le jour. La jouissance du chef chez nous est avant tout indignité et inhumanité. Comment dans ces conditions arriver à cultiver la volonté d'améliorer les conditions de vie ? Car à ce moment tout le fonctionnement mental du pouvoir comme nous le connaissons n'aurait plus sa raison d'être. L'autre à ce moment existe. Il devient sujet. Et le détenteur du pouvoir a alors une autre fonction. Celle de travailler à l'avancement de la collectivité.
Ce refus ou cette impossibilité de voir la réalité sait susciter cette réflexion étonnée du citoyen qui se demande comment des gens ayant l'habitude de voyager, ayant vécu à l'étranger peuvent s'habituer ainsi à de telles conditions de vie dans leur pays. Il se peut tout simplement que ces gens n'aient que l'agenda habituel de la plupart des dirigeants en Haïti. Un sociologue aujourd'hui disparu aimait à dire que notre culture à des plumes de canard et que même après des décennies à l'étranger et les meilleurs diplômes, la modernité glisse sur le plumage sans aucune chance d'égratigner le kokoratisme.
L'avenir de notre pays réside dans les poches de modernité. Ces héros qui travaillent dans l'ombre dont nous avons parlé dans un récent éditorial. Dans nos jeunes qui sauront peut-être trouver une voie entre les funestes dérives de la modernité, et notre mentalité inscrite dans le petit.
Nous n'avons pas le choix.
Gary Victor
Source: LeNational
Caricature: Bousiko
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