Analyses & Opinions
Joseph Lambert a-t-il essayé de faire assassiner Jean Rony Philippe ?
- Détails
- Catégorie : Opinions
- Publié le vendredi 16 mai 2014 23:45
Dans l'édition du 9 au 15 avril 2014, vol 7 # 39, Haiti Liberté avait rapporté que le jeudi 3 avril écoulé, un commando de 13 individus dont 8 armés circulant à moto avait ouvert le feu sur l'homme d'affaires Jean Rony Philippe sur la Route des rails à Carrefour ; une banlieue sud de la capitale. La victime était en route pour se rendre chez lui, à Jacmel. Il était venu s'approvisionner à Port-au-Prince. Les bandits l'ont laissé pour mort, après lui avoir logé plusieurs balles dans le corps. Heureusement, il n'a pas rendu l'âme, il a été transporté à l'hôpital dans un état très grave.
Jean Rony Philippe qui a été attaqué par des bandits légaux est membre d'une organisation populaire à Jacmel dénommée OG-22, proche de l'Organisation politique Fanmi Lavalas et est également un ancien membre du Bureau Electoral Départemental (BED) du Sud-est.
Philippe récupère actuellement aux Etats-Unis. Ne voulant pas garder le silence à propos de la tentative d'assassinat sur sa personne, il a décidé de rencontrer Haiti Liberté pour faire le point.
Haiti Liberté : Pouvez-vous nous parler de vous ?
Jean Rony Philippe : Bien sûr, mon nom est Jean Rony Philippe. Je suis un paysan, né à la septième section communale de Belle-Anse, qui est Mapou.
Belle-Anse est le chef lieu du deuxième arrondissement du département du Sud- Est. J'ai quitté Mapou pour venir à Port-au-Prince pour mes études. Là , j'ai bouclé mes études universitaires, finissant par avoir une formation au niveau licence comme Ingénieur-agronome. J'ai donc, une formation de maîtrise comme Ingénieur de Projets. Mes deux formations d'études supérieures je les ai faits à l'Université Quisqueya à Port-au Prince.
Haiti Liberté : Comment vivez vous dans le pays ?
Jean Rony Philippe : Je suis un entrepreneur à Jacmel. Depuis 2004 je suis dans les affaires, grâce à un bureau de change que j'ai ouvert cette année là . En 2006, j'avais une épicerie que j'ai transformée en un supermarché en 2010 et, tout récemment, soit le 17 mars 2014, je viens d'ouvrir un autre magasin qui vend uniquement des matériels électroniques.
En 2008, j'étais vice-président du Bureau Electoral Départemental du Sud est. J'ai réalisé le sénatorial en 2009 et le premier tour des élections de 2010.
Je suis trésorier adjoint à la Chambre de commerce du Sud-Est. En fait, je suis un agronome et un activiste politique très connu du département.
Haiti Liberté : Quand donc a-t-on essayé de vous assassiner ?
Jean Rony Philippe : C'était le Jeudi 3 avril 2014, au moment où je sortais de Port-au-Prince.
Haiti Liberté : Pouvez-vous nous décrire la scène de cette tentative d'assassinat qui a eu lieu ce jour-là sur vous?
Jean Rony Philippe : Je revenais de Port-au-Prince, prenant la route pour me rendre à Jacmel. Comme d'habitude, je m'informais ; et de fait je suivais l'émission « Vision 2000 à l'écoute » qui venait à peine de terminer à 3 heures exactement. Arrivé sur la Route des rails, que je longeais en direction de Mariani, j'ai noté qu'une voiture, Rav4 de couleur grise me suivait, mais malheureusement, je n'avais pas eu la possibilité d'identifier ses plaques d'immatriculation.
Alors que j'étais préoccupé par cette voiture, je vis quelqu'un essayant de traverser la rue, à pas très lents. J'ai ralenti pour permettre à la personne de traverser. Et pendant que je ralentissais, immédiatement, la Rav4 m'a non seulement doublé mais elle a essayé de se mettre en travers de ma voiture pour me fermer. Quand j'ai vu ces manœuvres, dans un premier temps, j'ai pensé que c'était quelqu'un qui conduisait mal. Je virai à gauche pour m'écarter de lui et la voiture persistait à me barrer. C'est alors que j'ai réalisé, que c'était une attaque contre moi, et qu'il ne pouvait s'agir que d'une embuscade.
Comme je suis toujours armé, mon premier réflexe a été de tirer en direction de cette voiture. A ce moment là , une idée m'est venue à l'esprit de regarder à ma gauche pour m'assurer que j'étais sauf. Comme de fait, à gauche 3 hommes bien armés étaient déjà à ma porte. J'ai décidé de ne pas toucher à mon arme.
Ils ont stationné en barrant ma voiture. Alors, je n'avais qu'à stopper. Ainsi, 4 individus armés sont descendus de la Rav4, sauf le chauffeur. Deux parmi eux sont allés retrouver les 3 hommes qui étaient à ma gauche. Cela fait 2 hommes à ma porte droite et les autres à ma gauche. La personne qui traversait la rue lentement les a rejoints, portant à 6 le nombre d'individus à ma gauche et 2 à ma droite. En clair, un total de 8 hommes, tous armés avec le même type de calibre: des 9 millimètres tout neufs.
Les premières pressions étaient de me demander d'ouvrir la porte de la voiture. Pensant que ma voiture était blindée, ils me demandaient d'ouvrir la porte. Je n'ai pas résisté. Calmement, j'ai ouvert la porte de la voiture et c'est alors qu'ils ont commencé à tirer sur moi. Ils ont tous tiré ensemble pour ne pas me laisser aucune chance !
L'un d'entre eux m'a demandé : Vous n'avez pas d'argent dans la voiture ? Ah messieurs, j'ai quelques billets, leur ai-je répondu !
J'avais 40.000 gourdes en billets de 20 gourdes que je venais de tirer de la Banque Centrale, ils étaient dans différents petits sachets. Ils ont pris l'argent, mon téléphone, deux bagues, y compris celle de mon mariage et un bracelet.
Vous n'avez pas d'autres bijoux, m'a demandé un des leurs ? Et moi de répondre ne vous en faites pas. Il y d'autres choses que vous pouvez prendre avec vous dans la voiture. J'essayais d'être calme et très aimable envers eux. A ce moment je leur ai dit : mais pourquoi vous continuez à tirer ? Quand vous avez tout ce que vous me demandez !. Mais à chaque fois que je leur parlais, il semblait que je les irritais davantage.
A un certain moment, j'ai constaté qu'ils voulaient coûte que coûte me tuer. Toujours très calme, je leur ai dit, si vous avez besoin d'autres choses, n'hésitez pas à me demander. Mais, laissez moi la vie ! Voici la clef de ma voiture...prenez la avec tout ce qu'elle contient... mais laissez moi la vie. De quelle affaire de voiture parlez-vous, répondirent ils. Et ils tiraient davantage. J'ai reçu d'autres balles et finalement, je me suis courbé sur le coussin de la voiture, faisant semblant de mourir. Lorsqu'ils ont vu que je ne fais plus aucun mouvement, c'est alors qu'ils ont cessé de tirer pour se précipiter ver leur voiture, surtout ceux qui venaient de la Rav4. Mais avant de s'en aller, l'un d'entre eux a pris grand soin de se rapprocher de moi pour s'assurer que j'étais bien mort.
Messieurs, il avait une arme ! s'exclama t-il et il l'emporta. Je les ai entendus démarrer leur voiture et aussi bien 4 motocyclettes qui étaient à leur service. En partant, ils ont tiré en l'air comme signe de victoire, de contentement et puis ils sont partis.
Deux à trois minutes après, quand j'ai réalisé qu'ils étaient bien partis, je levai ma tête. Je n'ai alors vu aucune trace d'eux. Comme la voiture était déjà en position vers Port-au-Prince, j'ai accéléré en direction de la capitale. Et puisque je saignais énormément, j'ai enlevé ma chemise pour comprimer l'endroit où le sang coulait à flots. Je conduisais donc à toute vitesse ; mais comme j'étais toujours sur le coup de l'émotion, je n'avais pas senti de trop grandes douleurs. Cependant, de temps à autre je sentais mes forces diminuer.
Après 10 à 15 blocs, j'ai trouvé une patrouille de la Police Nationale d'Haiti, à mon Repos 38. Je leur ai dit que j'avais besoin d'aide, que je venais d'être blessé par des assassins. Les policiers m'ont dit qu'ils allaient me mettre dans leur voiture pour me conduire à l'hôpital. A ce moment une autre voiture de police est arrivée à ce point fixe de la PNH. Ils m'ont mis dans leur voiture et m'ont conduit à l'hôpital des Médecins Sans Frontières, où j'ai reçu les premiers soins. De là , je suis allé à Canapé Vert où j'ai été hospitalisé pendant 5 jours. Là , j'ai subi une intervention chirurgicale et après une réunion de famille, mes parents et ma famille ont décidé que je devais laisser le pays.
Etant donné que ma femme est un médecin, elle a exigé qu'on fît un scanner justement pour savoir s'il n'y avait pas d'autres dommages internes. C'est ainsi que j'ai été à Kings County Hospital, où j'ai été opéré à nouveau. Maintenant, je suis en train de me récupérer.
Haiti Liberté : Qui aurait profité de votre assassinat, ou qui pourrait avoir ses mains dans cet acte criminel, si ce n'est pas un cas de banditisme ?
Jean Rony Philippe : Pour moi, c'est une attaque politique. Ce n'est un secret pour personne, n'importe quel enfant de 10 à 12 ans à Jacmel n'hésitera à vous dire que c'était une attaque politique. Mes détracteurs ont profité de l'insécurité générale qui existe dans le pays. Ils ne m'ont pas frappé à Jacmel car il apparaîtrait clairement que ce sont eux, mes ennemis du Département, parce que je suis un activiste politique. Je n'avais jamais caché mes positions, ni cessé de dénoncer toute action malhonnête entreprise dans le département par certains hommes. Ainsi, je savais qu'à tout moment, ils pouvaient me frapper.
Ce n'était pas des voleurs, bien qu'ils aient pris les 40.000 gourdes, mon bracelet, mes bagues. Je leur avais offert la voiture avec toutes les marchandises qu'elle contenait. Ce n'était pas leur mission de me dépouiller de tous mes effets, mais bien de m'éliminer, prendre ma vie. Voilà pourquoi ils m'ont criblé de balles et m'ont laissé pour mort.
Haiti Liberté : Pouvez vous être plus explicite. De qui ou de quel secteur parlez-vous ?
Jean Rony Philippe : Si c'est une attaque politique, l'équipe qui m'a frappé, ce sont les gangs de Lambert. Je doute qu'il pourrait en être autrement, c'est-à -dire une agression liée au banditisme ou à l'insécurité.
Haiti Liberté : Vous parlez de quel Lambert ?
Jean Rony Philippe : Je parle de l'ancien sénateur Joseph Lambert qui est, actuellement, le premier conseiller politique du président Joseph Michel Martelly.
Haiti Liberté : Qu'est ce qui vous pousse à croire que Joseph Lambert peut être l'auteur intellectuel de cette tentative d'assassinat ?
Jean Rony Philippe : Parce que je suis l'ennemi farouche de l'équipe des Lambert dans le département. En plus, je suis un homme public. J'ai créé au moins 20 emplois actifs dont la population a bénéficié; c'est-à -dire que j'ai employé 20 personnes. En ce sens, je suis en train d'aider mon pays ; les autorités du département devraient être soucieuses de ma vie, de ma sécurité. Si la presse annonce que j'ai été agressé, que j'ai failli même mourir, cela devrait les alerter. Le département n'a pas de député, mais il y a des magistrats, un délégué départemental Pierre-Michel Lafontant et un vice-délégué de l'arrondissement, Elson ; ils étaient en devoir d'entreprendre quelque action. Mais à la vérité, ils n'ont rien dit de ce grave incident. N'en parlons pas pour les sénateurs Edo Zenny et Wencesclass Lambert. Ils sont restés muets à ce sujet. Ils n'ont pas contacté ma famille ni fait aucune déclaration pour condamner ce qui s'était passé ou pour m'envoyer leurs sympathies.
Alors que la nouvelle circulait à tous les niveaux, la population a même réagi en disant que ce sont les Lambert qui m'ont frappé. Avoir entendu une telle rumeur, au moins, même par fair-play, ils auraient fait une déclaration de principe pour condamner cette forfaiture ; mais cela n'a pas été le cas. Les autorités locales peuvent avoir un problème politique avec moi ; mais n'empêche quand c'est un entrepreneur connu de tout le département qui est frappé, ça devrait indigner tous les citoyens particulièrement les autorités. Qui pis est, ils font partie d'un gouvernement qui crie à tort et à travers que « le pays est ouvert aux affaires ».
Il est bien compréhensible que l'État ne puisse pas employer tout le monde. Il devrait toutefois créer des conditions pour que les gens puissent venir investir et à partir de ces investissements créer des emplois. Vous sollicitez des étrangers à venir investir ici ; alors qu'aux fils du pays qui investissent dans le département, vous n'accordez aucune importance. En fait, si vous n'êtes pas l'auteur du coup, et qu'il vous arrive d'entendre qu'un acte aussi crapuleux vient d'être commis sur un fils du département, le fait de garder le silence là -dessus est plus que révélateur.
Ils me connaissent tous. Ils auraient entendu que j'ai été attaqué à Port-au-Prince par des hommes armés, qu'on a tiré sur moi et qu'on pensait même que j'étais mort. Je m'attendrais à ce que ces autorités départementales qui sont les représentants de l'exécutif directement dans le Département, prennent leur responsabilité. Pas précisément en ma faveur mais plutôt contre l'agression. Mais rien de tout cela.
A ce que je sache, le seul officiel qui ait, non seulement opiné sur l'acte, mais qui l'a lui-même condamné, a été le président de la Chambre de commerce M. Fitho Marc. Lui seul a eu une position publique dans le département pour condamner cet acte de barbarie.
Haiti Liberté : Dans le concret qu'est-ce qui vous a poussé à conclure catégoriquement que Joseph Lambert serait l'auteur intellectuel de l'agression ?
Jean Rony Philippe : Parce que j'ai avec lui une histoire de rivalité politique. La septième section communale d'où je viens, c'est ma famille qui la contrôle. Lambert lui-même avait besoin de prendre le contrôle de la section. J'avais un de mes frères qui était juge de paix dans cette section. Joseph Lambert a décidé le transférer, pour prendre contrôle de la section communale. Nous avons résisté à ce transfert. Mon frère Luthès Philippe a préféré laisser le poste complètement au lieu de se soumettre aux ordres de transfert de Lambert. Pendant que Lambert cherche à me neutraliser sur la 7ème section communale de Belle-Anse (Mapou) ; moi, je me renforçais dans le département, parce que politiquement, je connais assez bien tous les rouages du département, du fait que j'étais vice-président du Bureau Electoral Départemental (BED), quand en fait, le vice-président du BED est responsable de toutes les opérations électorales du département. A ce compte, je travaillais avec 10 Bureaux Electoraux Communaux (BEC) dans les 10 communes du département. Ces jeunes du BEC, sont des femmes et des garçons dynamiques, des jeunes avec lesquels nous avons encore une histoire politique très active dans tout le département et je m'organisais ainsi.
En somme, ma famille et moi sommes devenus gênants pour Lambert. Nous l'empêchons de contrôler le département dans son entier et je m'organise définitivement en ce sens afin de l'empêcher de régner en maître et seigneur et c'est son problème avec moi.
Quelles que soient les conditions, Joseph Lambert est obligé de faire tout ce qui est possible pour devenir à nouveau Sénateur de la République, sinon à rester proche de n'importe quel pouvoir. S'il n'est pas sénateur ou quel que chose d'autre. Le jour où il lui arrivera de n'être proche d'aucun pouvoir, il sera bien mal pris ; les choses ne seront plus sous son contrôle et il aura des comptes à rendre.
Haiti Liberté : Est-ce que vous connaissez réellement Joseph Lambert. Avez-vous eu des rapports avec lui dans le passé ?
Jean Rony Philippe : C'est un homme que je connais très bien. Avant de devenir vice président de BED, dans les élections sénatoriales de 2006, je faisais partie d'une même équipe que lui dans une campagne électorale. J'avais un bon ami à moi qui s'appelait Ricard Pierre, originaire de Thiotte, une des communes de Belle-Anse et qui était candidat au Sénat. Au second tour, il y avait 6 candidats ; Joseph Lambert, Féquière Mathurin et Frantz Large pour Lespwa. En face d'eux, il y avait Ricard Pierre de l'OPL, Annibal Coffy de Fusion et une Indépendante qui n'était autre qu'une infirmière du nom de Méranie Charles. Il y avait une alliance non-formelle entre Ricard et Lambert, au second tour, afin qu'ils s'entraidèrent l'un l'autre dans le Département, vu qu'aucun candidat au sénatorial ne pouvait être élu sans gagner à Belle-Anse. A ce moment là , il avait besoin de nous autant que nous comptions sur lui également au bas du Département qu'il contrôlait. Ainsi nous travaillions ensemble et nous nous sommes rencontrés à différentes occasions pour discuter au cours de cette alliance conjoncturelle. C'est pour vous dire que je connais l'homme comme le fonds de ma poche.
Haiti Liberté : Y avait-t-il un conflit ouvert entre vous et lui ?
Jean Rony Philippe : Bien sûr, vu que l'arrondissement de Belle-Anse est la capitale politique du Département du Sud-est ; théoriquement, c'est Jacmel qui en est la capitale, considéré comme le chef lieu du Département ; mais en termes de résultat pour les élections, que ce soit pour les sénatoriales ou la présidence, Belle-Anse est un atout majeur.
Le conflit vient de la bataille qu'il menait pour contrôler Belle-Anse face à ma résistance active pour l'en empêcher de toute manière. Depuis, la fin du régime Duvaliériste, personne n'a jamais gagné une élection à Belle-Anse s'il ne gagne pas Mapou. C'est dans ce sens qu'il avait voulu isoler mon frère, le juge de paix du tribunal de la zone à dessein de contrôler politiquement la section communale.
Le jour qu'il avait fait venir un doyen pour transférer mon frère le juge Luthès Philippe, le doyen n'avait aucun papier légal entre ses mains, autre que la force. Il est venu juste parce que c'est Lambert qui l'avait envoyé. Certes, nous avions empêché le doyen de Lambert d'installer un autre juge à la place de mon frère. Ensuite, pour harasser la famille et nous montrer ses tentacules répressifs, il a fait arrêter mon petit frère, l'agronome John Fegens Philippe, par le doyen du tribunal Civil de Jacmel Robert Cadet. Un acte illégal parce que le doyen n'avait pas les qualités requises pour arrêter quelqu'un ; mais il a utilisé son chauffeur pour commettre la forfaiture. En conséquence, nous avions mobilisé tout le monde à ce sujet et nous avons fait beaucoup de bruit sur les ondes pour dénoncer cet acte.
Dans la soirée, Lambert m'a fait appeler par un ami commun pour me dire qu'il n'était pas impliqué et qu'il pourrait m'aider. J'ai refusé d'aller le voir. Il y avait un de ses disciples qui servait d'intermédiaire et qui négociait avec moi, afin de me porter à le visiter. J'ai encore refusé catégoriquement jusqu'à ce qu'un ami commun m'ait conseillé : votre frère ne peut pas dormir en prison. Il ne vous coûte rien d'aller voir Lambert pour lui parler ; surtout s'il insiste à vous montrer qu'il n'est pas impliqué dans son arrestation. Et l'ami de continuer « Vous savez déjà que c'est lui qui a ordonné l'arrestation. Puisqu'il aimerait vous rencontrer pour se dédouaner, rencontrez le, juste pour sortir votre frère de la prison. Après cela vous continuerez votre bataille avec lui comme à l'accoutumée »
Pour l'histoire, ce fut le chauffeur du doyen du tribunal civil qui était venu avec la voiture enlever mon frère. Ce fut un acte de terroriste, de kidnapping politique, vu que John Fegens ne portait pas d'armes, et qu'il ne participait à aucune action louche. L'enlever dans les rues comme ça, sans aucun mandat pour le bourrer dans la voiture du doyen est un acte de terroriste ; d'autant que au cours de route, à l'intérieur de la voiture, mon frère a entendu une conversation entre le doyen Me Robert Cadet et quelqu'un d'autre qu'il a identifié clairement comme Joseph Lambert.
Finalement vers les onze heures du soir, j'ai accepté de le rencontrer. Mais, j'avais bien dit que je n'avais pas de voiture, une façon pour ne pas y aller. Il envoya sa propre voiture me chercher. Ainsi je me rendis chez lui, je m'asseyai et lui parlai jusqu'à minuit. Et vers minuit 15, il a appelé le Doyen du tribunal Civil de Jacmel, Me Robert Cadet. Il l'a mis sur speaker de façon que je puisse entendre leur conversation.
Le doyen a montré sa platitude envers l'homme fort du Sud-est, en disant : tout ce que je peux faire, je le ferai pour vous remettre au sénat. Tout ce que je peux faire, mon chef, pour te faire sénateur à 10 h du matin, je le ferai. Et puis, il a dit à Robert Cadet « je crois qu'il serait mieux de libérer le prévenu, parce que vous savez que la langue et les dents sont toujours en conflit ; tout comme un chien ne peut pas mordre son enfant jusqu'aux os. Il nous faut créer une façon pour libérer l'agronome John Fegens Philippe »
A vos ordres, mon sénateur lui répondit le Doyen !
Lambert lui demanda comment il allait s'y prendre? Je vous appellerai dans 5 minutes lui répondit le Doyen !
Effectivement, il rappela Lambert pas plus que 5 minutes après pour lui dire : Sénateur «tout bagay korèk » ! J'ai appelé le juge de paix de Belle-Anse, il va relâcher le citoyen.
Ainsi à minuit 36, le juge de paix a ouvert la porte de la prison pour libérer une personne qu'il avait accusée « d'association de malfaiteurs ». A minuit 36, mon frère a été libéré.
Haiti Liberté : Etiez vous au courant des déclarations de Shelson Sanon contre Joseph Lambert et Edo Zenny ?
Jean Rony Philippe : Il y a toujours de gros dossiers concernant Joseph Lambert. C'est un individu très intelligent qui sait comment manoeuvrier pour sortir dans toute impasse. Il se faufile dans n'importe quel gouvernement pour se mettre à couvert, de sorte qu'il bénéficie des faveurs, au lieu de la disgrâce afin qu'il ait les pleins pouvoirs de faire tout ce que bon lui semble en tout temps.
J'ai entendu sur les ondes comme tout citoyen les accusations de Sanon à l'endroit de Lambert et de Zenny ; mais je n'ai aucun élément pour vérifier leur culpabilité dans un tel dossier. Mais la seule chose que je sache et qui soit importante pour moi, c'est qu'un jour il faudra que la justice haïtienne se libère des griffes de Joseph Lambert, et du gouvernement auquel il appartient afin que la lumière soit faite sur certains dossiers dans lesquels il est impliqué.
Il y a beaucoup de situations dans lesquelles Lambert est impliqué. Ainsi, à Jacmel par exemple, le commissaire de gouvernement c'est Lambert qui l'a nommé. Le juge de paix, le juge d'instruction, encore lui. Le Doyen est sous son contrôle. Si Lambert contrôle à ce point le système judiciaire, qui va l'arrêter, même quand il serait accusé ou trouvé coupable de quoi que ce soit ? Il sera blanchi, un point c'est tout.
On saura que Lambert aura raison ou tort, sauf quand nous aurons un autre pouvoir, une autre justice. Aujourd'hui, ce n'est pas la justice qui est faible, mais ce sont les composantes du système judiciaire qui sont pourries et corrompues. J'ai constaté que Lambert ne voulait pas être en panne de pouvoir. Hier, il encensait Préval, aujourd'hui c'est Martelly, demain qui sait. Mais moi, heureusement je ne suis pas mort. Si j'arrive à la Magistrature suprême de l'état, Lambert sera à mes pieds. En ce sens, le député Levaillant Louis-Jeune n'a pas tort lorsqu'il a dit : Joseph Lambert ne peut pas être en panne de pouvoir.
Haiti Liberté : Par ailleurs, est ce que vous avez un rapport de police sur le dossier de votre assassinat. Y a-t-il une enquête en cours sur ce dossier ?
Jean Rony Philippe : La police ne m'a promis aucune enquête sur le dossier. Ce sont des policiers de la PNH qui m'ont amené à l'hôpital Sans frontières. J'ai laissé Sans Frontières pour me rendre au Canapé vert et il n'y a jamais eu aucune instance de la PNH qui soit venue faire un suivi sur la personne que des policiers avaient déposée à l'hôpital des Médecins Sans Frontières. C'est pour vous dire qu'ils n'ont pas même reporté à leur bureau, un blessé qu'ils avaient emmené à l'hôpital. Personne de la PNH n'est venue me questionner sur mon cas, alors qu'elle est au courant au premier degré.
Par contre, quand j'ai été admis à Kings County Hospital, la police de New York m'a visité du fait que j'avais reçu des balles. Elle m'a posé des questions de toutes sortes pour savoir si réellement j'étais une victime ou un cambrioleur à la recherche de soins. Alors que chez moi, dans mon propre pays, j'ai passé tout ce temps à l'hôpital Sans Frontières et au Canapé vert sans que la police soit venue me demander quoi que ce soit: est ce que j'avais vu les visages des bandits, de quelle couleur était la voiture ?. En Haiti, j'ai l'impression que l'Etat ne se fait aucun souci pour les gens et alors, c'est dire que pour la police ce qui m'était arrivé faisait partie du train-train de la vie quotidienne.
J'ai appris que le mardi 15 avril, la police avait traqué un groupe de bandits dans une Rav4 grise. Il semblerait que au cours d'un échange de tirs avec la police un des bandits soit tombé. Trois ont pris la fuite et la police semble t-il a arrêté l'un d'entre-eux et il a été amené au Commissariat Omega à Carrefour. Depuis ce jour là , ce bandit n'a pas été envoyé au DCPJ pour les suites nécessaires, pour l'interroger à dessein de connaître ses connexions avec la Rav4 qui m'avait laissé pour mort.
Ne soyez pas étonné, qu'il soit sans doute libéré très prochainement et d'après des informations non confirmées que j'ai reçues, le commissariat est en train de faire des démarches pour l'envoyer au Parquet afin qu'il soit libéré.
Haiti Liberté : Pourquoi avez-vous choisi de parler ? Où avez-vous trouvé ce courage ?
Jean Rony Philippe : C'est un courage qui vient de loin. Si je suis encore vivant, après cette attaque criminelle, c'est grâce au Grand-Maître. En fait, j'ai une mission à remplir. Je dois parler aux jeunes pour le leur dire. Ce n'est pas seulement dans la corruption qu'une personne peut faire sa vie. Vous pouvez toujours choisir de faire votre vie dans l'honnêteté. Moi, Jean Rony est un exemple « Soyez disciplinés, devenez des techniciens, des professionnels et des rudes travailleurs » Que mes paroles aident les jeunes à prendre conscience, à se révolter contre tout ce que le pouvoir fait actuellement dans le pays.
Haiti Liberté : Un message au peuple haïtien ?
Jean Rony Philippe : Je n'ai qu'un seul message. Il faut que nous ayons une autre forme de gouvernement. Je souhaite qu'Haiti trouve des hommes et des femmes qui aiment le pays. Ce ne sont pas des hommes et des femmes qui aiment leurs poches, la gloire, mais des patriotes qui veulent se sacrifier afin que nous ayons un autre pays.
J'espère qu'un autre groupe prenne le gouvernail du pays en commençant par les sections communales. Il faut que nous ayons un autre type d'hommes au niveau des CASECs. Un voleur de cabri dans une section communale ne devrait pas être un CASEC. Un voleur de voitures ne doit pas être un magistrat. Dans une circonscription, un voleur de bœufs ne doit pas être un député. Dans les départements également le plus grand chef de bandit, le plus grand criminel, le plus grand trafiquant de drogues ne doit pas être sénateur de la République. Il faut que nous ayons un autre groupe de gens avec une mentalité différente qui prenne contrôle de ce pays. Cela nous permettra d'avoir un autre pays. Ainsi un haïtien peut étudier, travailler et même devenir un businessman dans son pays, et il pourra rester vivre dans son pays aisément. Donc, nous avons besoin d'une autre gouvernance, d'une autre Haiti. Nous avons besoin d'hommes et de femmes qui veulent aller aux universités pour apprendre. Des gens qui choisissent d'aller à l'école, pour créer des emplois dans ce pays ; mais qui ne choisissent pas d'être des zenglendos ou kidnappeurs, des trafiquants de drogues.
Aujourd'hui ce qui se fait en Haiti, n'est pas correct. Je souhaite que nos jeunes haïtiens prennent conscience, à n'avoir pas peur de lutter, d'entrer fermement dans la bataille pour le changement
Haiti Liberté vous remercie
Jean Rony Philippe : C'est à moi de remercier Haiti Liberté de m'avoir accordé cette interview que j'estime importante pour éclairer les lanternes. J'espère que le journal continuera à travailler justement dans la lutte pour une nouvelle Haiti. Une nouvelle Haiti qui naîtra qu'on le veuille ou non avec des jeunes hommes et femmes conséquents et vaillants qui n'ont pas peur de lutter.