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Les nouvelles entraves de Martelly

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Washington est une ville où ceux qui acceptent des responsabilités et prennent des engagements se mettent la corde au cou tout seuls.Michel Martelly l'a appris cette semaine.  (Frantz Duval)

Par Frantz Duval  --- La visite officielle de Michel Martelly aux Etats-Unis d'Amérique a pris fin vendredi soir. Les agents du Secret service l'ont accompagné jusqu'aux portes de l'avion pour son vol American Airlines vers Miami. De là, samedi, le président devrait rejoindre Haïti et les problèmes qui l'attendent après ses nouveaux engagements librement consentis dans la capitale américaine.

Pour un fin observateur de la politique américaine, Michel Martelly vient de se mettre au cou une série de colliers, des entraves dont il aura du mal à se défaire.
Le premier collier découle de ses engagements pris en face de Barack Obama. Faire d'Haïti un pays démocratiquement fort et réaliser des élections libres et transparentes constituent un contrat. S'asseoir au Bureau ovale et présenter ses projets, c'est comme acheter un billet d'avion sans retour vers la bonne conduite.

Martelly devra rester sur les rails de ses déclarations et marcher sur le fil ténu de la démocratie. Le jour où les Etats-Unis ne seront pas satisfaits, d'une phrase, l'édifice Martelly sera jeté en pâture à l'opposition.

Avec Washington, autant le support est important, autant le supporté devient faible et dépendant. D'autres présidents de par le monde l'ont un jour oublié et payé cher.

Martelly vient aussi de se réconcilier avec le Black Caucus. Cela fait des mois que rien n'allait plus entre le pouvoir Tèt Kale et ce groupe influent constitué d'élus américains qui, depuis les Duvalier, a son mot à dire sur le dossier Haïti.

Martelly l'avait irrité en supportant un candidat haïtien républicain en Floride. Avec la rencontre de Washington cette semaine, la paix est faite. Le Black Caucus a pesé de tout son poids pour que le tapis rouge soit déroulé sous les pieds du président haïtien.

Encore une fois, Martelly n'est pas le premier à bénéficier de l'entremise des élus noirs du Black Caucus. Aux USA, sans un congressman pour vous ouvrir les portes, vous n'irez nulle part.

L'appui du groupe aura un prix, pas une facture de lobbyiste, plus que cela. Chaque membre du Black Caucus veut avoir l'oreille et l'attention du président haïtien en retour de leur disponibilité.

Le Black Caucus, rassemblement de démocrates purs et durs, de vieux de la vieille en politique, qui connaît bien les présidents haïtiens, est le deuxième collier étrenné par Martelly réputé républicain à Washington, cette semaine.

Le troisième collier que le président Martelly s'est mis volontairement au cou est l'establishment noir américain. En plaçant la visite officielle du président haïtien sous l'égide de la célébration des 210 ans d'indépendance d'Haïti, le gouvernement s'est offert une belle porte d'entrée dans un monde où Haïti est absente.
Au dîner assis organisé en l'honneur du gratin de la société black, présidents d'université, professeurs, intellectuels, artistes, journalistes afro-américains et tutti quanti ont soupé avec le président haïtien, la première dame et ses ministres dans le cadre prestigieux d'un des musées du Smithsonian. Cela tombe bien, le mois de février c'est le mois de l'histoire des Noirs aux Etats-Unis d'Amérique. Mais attention, le beau monde ne souhaite pas associer son nom à un pays délinquant. L'Haïti de Martelly devra être à la hauteur de ses nouveaux amis.

Michel Martelly, en s'assurant de nouveaux appuis puissants de l'establishment américain, se place sous surveillance.

Haïti, avec ce voyage et les rencontres nombreuses du président Martelly, s'aligne sur les positions américaines et s'allie avec une partie de la classe politique américaine. Cela aura des conséquences.

Les nouvelles entraves du président vont aussi peser lourd quand la population haïtienne le croira dépositaire de nouveaux moyens après son périple américain. Ses fanatiques risquent même de vouloir profiter de son nouvel aura pour imposer points de vue et projets.
Le président haïtien Michel Martelly, de retour de Washington, a l'obligation de donner le ton, de s'améliorer en tout. La pression de son voyage doit le pousser à faire encore mieux.

Taux de croissance, inflation, sécurité, démocratisation, qualité de l'éducation, conflit avec l'opposition ou le Parlement, Martelly, ses conseillers, son gouvernement se doivent d'être meilleurs qu'avant. Leurs nouveaux amis n'en attendent pas moins d'eux. Haïti non plus.

Washington est une ville où ceux qui acceptent des responsabilités et prennent des engagements se mettent la corde au cou tout seuls.
Michel Martelly l'a appris cette semaine. Ses opposants le savent aussi.

Frantz Duval
Le Nouvelliste
Photo: El diario

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