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Haiti, Un paradis pour les assassins (Deuxième partie)
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- Publié le samedi 8 février 2014 14:59
Par Leslie Péan, 3 février 2014 --- Il importe de garder la tête froide en abordant les élections car, quand ce sont les bailleurs de fonds qui les financent, elles perdent leur sens. En 1995, le financement des élections présidentielles a lieu pour un montant de 8 millions US$ et celui des élections parlementaires pour un montant de 11.5 millions US$[1]. Les Etats-Unis ont contribué pour 9.3 millions US$, la France pour 1.6 million US$ et le Japon pour 600 mille dollars. Le gouvernement haïtien n’a pu verser que 4% du montant total. De plus, le Canada a financé l’éducation civique et l’impression des bulletins de votes à hauteur de 2.5 millions US$ tandis que les Etats-Unis ont payé 3.5 millions US$ pour le financement des observateurs des partis politiques et les travailleurs électoraux.
Enfin les Etats-Unis ont financé les observateurs de l’OEA et l’assistance électorale des organismes non-gouvernementaux (ONG) pour un montant de 9.7 millions US$. Les ingénieurs du jeu électoral n’ont pas empêché les magouilles qui ne leur convenaient pas. Les élections, au lieu d’être une manière légitime de désigner les gouvernants, deviennent plutôt une source de conflits et de crises politiques. Le même spectacle fera encore couler beaucoup d’encre aux élections de 1997 et de 2000. Léon Manus, président du Conseil Electoral Provisoire devait gagner l’exil et dénoncer les manœuvres du Président Préval dans une correspondance en date du 27 décembre 2000 adressée à Colin Powell, secrétaire d’État américain. La dimension tragique des limites du jeu électoral dans un contexte de pénurie n’a jamais autant rabaissé les grands idéaux du peuple haïtien.
Le mouvement démocratique perd beaucoup de son innocence avec les déviations de la gauche chrétienne. L’Aristide 2001 n’est plus la coqueluche qu’il était dans les milieux populaires surtout à causes des agissements scandaleux des « chimères » lavalassiens. Ces derniers agissant comme de nouveaux tontons macoutes font des exactions dans les quartiers populaires et s’attaquent à la presse indépendante, aux locaux des partis politiques (OPL, Konakom, KID, Mochrena) et aux résidences privées de leurs dirigeants. En effet, le 17 décembre 2001, les résidences de Victor Benoît, Luc Mésadieu, Gérard Pierre-Charles, Reynold Georges sont saccagées. Le bureau du Centre de Recherche et de Formation économique et sociale pour le Développement (CRESFED) est incendié.
Les agissements des « chimères » lavalassiens font perdre au président Aristide une grande partie du capital de sympathie qu’il avait dans la population. Il est bien obligé de dédommager les victimes des exactions commises par les chimères. Comble de l’indécence, il puise pour cela dans le Trésor public. Mais il n’arrive pas à calmer l’opposition intérieure, qui grandit plutôt. On en veut pour preuves la grande manifestation de 8 000 personnes au Cap-Haitien du 17 novembre 2002 appelant à la démission d’Aristide. Les erreurs du mouvement Lavalas vont être exploitées systématiquement par le statu quo pour déclencher une nouvelle fois une opération sans anesthésie contre le gouvernement. Le désenchantement s’installe. La dépréciation de la gourde s’accélère. Cette dernière perd 87% de sa valeur entre février 2001 et février 2004 passant de 23 à 44 gourdes pour un dollar, avec une pointe de 51 gourdes pour un dollar en février 2003.
Les exactions commises le 5 décembre 2003 à l’Université d’Haïti lors de l’attaque des étudiants de la faculté de Sciences Humaines par des chimères constituent la goutte d’eau qui fait déverser le vase. C’est le point de départ d’une contestation généralisée avec de nouveaux affrontements qui se terminent par le coup d’État du 29 février 2004, réalisé avec la complicité des services secrets dominicains et américains. Impossible pour un gouvernement quel qu’il soit de gagner des lettres de noblesse avec des pratiques pareilles ni de donner des raisons d’espérer à une population victime de tels crimes et malversations. Encore une fois, avec toutes sortes de caricatures et de cadavres qui sortent des tombeaux, un commando de 200 hommes entraînés en République Dominicaine et bénéficiant d’atouts majeurs est mobilisé pour mettre en déroute les « chimères » lavalassiens. « C’étaient sans exception des criminels expérimentés, et non des amateurs[2] », explique Randall Robinson. L’auteur retrace au jour le jour l’offensive menée à partir de la République Dominicaine pour appuyer les forces réactionnaires et conservatrices bénéficiant en Haïti de solides alliés au sein du Parti républicain à Washington.
La démesure des chimères
La chirurgie brutale du coup d’État de 2004 n’a pas pu diminuer la force des remous et des revendications populaires soulevés par le mouvement Lavalas. Les milieux populaires restent sur leur faim et ne se laissent pas séduire par le gouvernement de transition de Gérard Latortue. Entretemps les assassins ne diminuent pas leurs activités et tuent les journalistes Robenson Laraque et Jacques Roche en avril et juillet 2005. Élagué de tout esprit de confrontation qui pourrait l’assimiler aux chimères, le regroupement politique LESPWA (L’Espoir) se crée en 2005 et présente le candidat René Préval qui gagne au premier tour les élections présidentielles de 2006 grâce à un nouveau tour de passe-passe. L’histoire retiendra à ce sujet la mascarade de l’Hôtel Montana, la stratégie de bourrage des urnes avec des bulletins blancs et la manière dont les bulletins blancs ont été traités pour accorder arbitrairement le pouvoir à Préval. Mais la dégringolade continue et on passe du trop-plein de la période Aristide au vide de celui de Préval. Les crimes continuent avec les affrontements entre gangs des quartiers populaires tels que Martissant, Grand Ravine, Base Pilate, Sainte-Bernadette, Boston, un des 34 quartiers de Cité Soleil, etc.
Ces bandes rivales ont parfois des affiliations politiques et se pensent comme détentrices des pouvoirs de l’État dans leurs fiefs. Les plus célèbres chefs de ces bandes de Cité Soleil sont Amiot Métayer alias (Cubain), Wodson Lemaire (Colobri), Alain Cadet (Pinochet), Amaral Duclona et Junior Acdélhy (Yoyo Piman), Thomas Robinson (Labanyè) ou encore Evans Jeune (Evans Ti Kouto). Avec leur conscience malheureuse, ces chefs « chimères » imposent leur système de taxation pour nombre de services dont l’adduction d’eau, le stationnement des véhicules et surtout la sécurité. Selon Nancy Roc, « René Préval a opté pour le dialogue avec les groupes armés afin de résoudre l’épineux problème de l’insécurité. Des sommes ont même été évoquées : le gouvernement aurait conclu un accord en versant la rondelette somme de $US 230.000 à $US 300.000 aux chefs de gangs pour que ces derniers se tiennent tranquilles ! [3]»
La terreur des gangs fait la loi. Par exemple, le 7 juillet 2006, Lame Ti Manchèt (Armée de petites machettes) tue à Grand Ravine au moins 24 personnes, dont quatre femmes et quatre enfants. Deux mois plus tard, en septembre, le même groupe assassine Bruner Esterne, coordonnateur du Conseil communautaire des droits humains de Grand Ravine. La violence est aussi individuelle et affecte des centaines d’individus anonymes et des policiers. Puis, c’est l’assassinat, le 22 novembre de Fara Natacha Dessources, âgée de vingt ans. En 2007 c’est la disparition de Lovinsky Pierre-Antoine, responsable de la Fondation 30 septembre. Deux journalistes, Jean-Rémy Badio et Alix Joseph sont assassinés respectivement à Martissant et Gonaïves. L’acteur François Latour, qui a joué le rôle de Polydor dans la pièce de théâtre Pèlin Tèt, est victime d’un enlèvement contre rançon et assassiné. En 2008, Véronica Pierre, la compagne du commissaire Ernst Dorfeuille, est tuée de deux balles à la tête.
Robert Marcello, directeur de la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP), est enlevé et assassiné le 12 janvier 2009. Selon les déclarations du bandit Amaral Duclona, arrêté et emprisonné en France, il a kidnappé et assassiné personnellement Roberto Marcello parce que ce dernier refusait de donner sans appel d’offres au Centre National des Équipements (CNE) un contrat de 90 millions US$ à partir des fonds de PetroCaribe[4]. Quelques jours plus tard, le 25 janvier, c’est au tour du professeur, pharmacien et avocat Louis Eric Dubosse, 65 ans, d’être enlevé puis assassiné. Le 5 décembre 2009, le journaliste Francesco Fantoli est assassiné. Quelques jours plus tard, le 11 décembre 2009, le même sort est réservé à l’homme d’affaires Jean-Michel Ligondé et à sa compagne Maryse Lindor. Ronald Chéry, 56 ans, en vacances, est abattu en 2010 à Pèlerin, car il s’opposait à l’enlèvement de sa cousine de 16 ans Nadège Charlot. Yves Clément Jumelle, également haut cadre de la CNMP, et son épouse Michelle sont assassinés chez eux à Thomassin en septembre 2010. Rien ne semble capable de rompre le cercle de fer, de sang et de feu qui étreint Haïti.
L’intensification des contradictions émanant de cet étrange attelage dont certains chevaux se réclament de la nébuleuse Lavalas a miné de l’intérieur le gouvernement de Préval, malgré ses efforts pour s’en démarquer. Coureur de fond animé du seul désir de se rendre à la ligne d’arrivée, il n’a aucun objectif précis pour le pays et n’est donc pas déçu de constater qu’au terme de deux mandats entiers il aura tout simplement tourné en rond. Nihiliste, il avouera sans état d’âme au cinéaste Raoul Peck, durant le tournage d’Assistance mortelle, qu’il ne pouvait rien au lendemain du séisme contre l’arbitraire et l’arrogance des donateurs. Après avoir donné le coup de pied de l’âne à Jacques Edouard Alexis et s’être joué cyniquement d’Ericq Pierre et de Michèle Pierre-Louis, il assistera seul à sa débâcle quand l’étranger refusera d’avaliser la victoire de son Jude.
Et pourtant, la machine de la fraude électorale avait été bien rodée depuis les élections de 1997. Comme l’explique Rosny Smart, « la communauté internationale paraissait consentir aux manœuvres grossières du pouvoir. Elle ne s’interposait pas pour exiger la correction des abus et paraissait accepter la mainmise de l’Éxécutif sur l’appareil d’État et sur l’institution électorale aux fins de perpétuer le régime prévalien ou post- prévalien. Elle n’avait rien dit des élections truquées de juin 2009 pour le tiers du Sénat, elle ne se plaignait pas non plus des agissements calamiteux du Conseil électoral provisoire, alors que tous les secteurs de la société exigeaient pour le moins un replâtrage[5]. »
Quand le gangstérisme devient une stratégie politique
L’arrestation le 9 octobre 2009 du chef de gang Amaral Duclona en République Dominicaine montre les atouts qu’ont dans leurs manches les assassins qui font la pluie et le beau temps. D’abord Amaral a bénéficié de deux passeports avec deux noms différents qui lui ont été décernés par les autorités haïtiennes du Service d’Immigration du Ministère de l’Intérieur, le premier à son nom et le second au nom de Berton Jolicoeur. Comment un malfrat recherché par la police a pu obtenir deux passeports demeure pour le moins un paradoxe ?
Ensuite, Amaral Duclona a pu échapper à la police haïtienne pendant cinq ans surtout après les assassinats de deux citoyens français, Claude Bernard Lauture en 2004 et Paul-Henri Moural, consul honoraire, en 2005. Il en a rajouté en tuant des dizaines de citoyens haïtiens entre 2004 et 2009. Comment Amaral a pu circuler en toute impunité et prolonger les années de sang ? Il a déclaré à la police française qu’il bénéficiait de l’appui de nul autre que le président Préval. C’est ce que révèle Haïti-Observateur au fil de demi-confidences et d’indiscrétions plus ou moins autorisées. Nombre de points obscurs qui transforment Haïti en un paradis des assassins sont maintenant éclaircis.
Haïti-Observateur écrit : « Au cours des dernières séances d’interrogation, Amaral Duclona a fait d’autres révélations qui sont des perles, indiquant que parfois, quand il courait le risque de se faire appréhender, il prenait logement au Palais national. L’ancien homme fort de Cite Soleil a explique qu’il a passe la nuit au moins une trentaine de fois en la résidence officielle du chef de l’Etat. Il dit se rappeler une fois qu’il était vraiment sur le point d’être «happé » par les forces de l’ordre constamment a ses trousses. Il prétend avoir été sauve de justesse grâce à l’arrivée d’un véhicule blindé venu expressément le chercher[6]. » Le naufrage d’Haïti est consacré avec explosions, meurtres, attentats, massacres, et exécutions de tous ordres. Le gangstérisme devient une stratégie politique pour s’approprier le pouvoir et le confisquer. Haïti devient un grand cimetière où la décadence est inévitable. Le consortium des assassins est un vrai conglomérat car, à moins de croire que la politique est devenue une science occulte, quatre ans après l’incarcération d’Amaral Duclona en France, on ne s’explique pas que la patrie des droits de l’homme n’ait pas encore introduit une action en justice contre les complices de cet assassin qui gardent encore toute leur latitude en Haïti.
Ou encore s’agit-il de protéger des gens en haut lieu qui trouvent aussi leur compte dans les assassinats ? En effet, des milieux d’affaires ont compris la haute rentabilité des activités meurtrières et en s’en privent pas comme le démontrent les actions du gang de Clifford Brandt et de Marc-Arthur Phébé[7]. Après l’arrestation de Clifford Brandt le 16 octobre 2012 pour le kidnapping de Coralie et Nicolas Moscoso, deux enfants de Robert Moscoso, président de la Sogebank, c’est l’assassinat du frère de ce dernier Jules Edouard Moscoso âgé de 57 ans le 9 décembre 2012. On est encore plus consterné quand on sait que Marc-Arthur Phébé, le chef de la sécurité du président Martelly. Les réponses aux interrogations concrètes sur les assassins, dirigeant ce pays se précisent encore plus avec l’assassinat le 9 novembre 2012 de deux autres policiers faisant partie du gang.
Les Américains imposent l’acceptation de la fraude électorale
Avec le recul, la victoire électorale de Martelly en 2011 apparaît comme une reconquête du pouvoir perdu par les duvaliéristes depuis le retour d’Aristide et de la mouvance Lavalas en 1994. Cette victoire est aussi la réaction d’une population aux abois, déçue par le populisme mystificateur de René Préval qui a maintenu une harmonie en profondeur avec le statu quo. On ne s’étonnera donc pas que Jean-Claude Duvalier, un des artisans de notre désarmement éthique, revienne en Haïti sans le moindre qui-vive le 16 janvier 2011 dans les derniers jours du deuxième gouvernement de Préval. Un passeport diplomatique lui est même décerné en janvier 2013. Le statu quo insiste pour que les crimes duvaliéristes soient oubliés et effacés. Ce retour de Jean-Claude Duvalier sous le gouvernement de Préval et le fait qu’il ait échappé à tout procès sérieux sous le gouvernement de Martelly consacrent le triomphe de la culture de l’impunité. Et pour bien faire taire les justes revendications des 85% de la population qui vivent avec moins de deux dollars par jour, le président Préval parfait le tohu-bohu idéologique deux mois plus tard avec le retour de l’ex-président Aristide. Montage orchestré non sans mettre hors circuit les leviers lavalas qui lui ont assuré son deuxième mandat. Nouvelle trahison !
Au moment où René Préval se croyait tout permis, l’Internationale modifia unilatéralement les règles de la farce électorale et lui indiqua la sortie. Michel Martelly entrait en scène pour une relance peu cocasse du jeu de la chaise musicale. Le dépeçage de l’État connaît de nouveaux sommets à partir de 2007 grâce aux fonds de PetroCaribe que le président Préval avait pu négocier avec le Venezuela contre l’avis de Janet Sanderson, ambassadrice des Etats-Unis d’Amérique, et des compagnies pétrolières opérant en Haïti. Préval faisait ainsi la part belle au gouvernement Martelly et réalisait du même coup son obsession de n’être pas contraint à l’exil, fût-il doré. Comme l’affirme Janet Sanderson dans les câbles de Wikileaks[8], Préval était prêt à se donner au premier venu en échange de l’assurance de pouvoir se la couler douce à Marmelade. Il expliqua ainsi à Martelly comment se remplir les poches et avoir le soutien législatif décisif pour s’arroger tous les pouvoirs.
En osant se présenter le 1er janvier 2014 aux Gonaïves avec Jean-Claude Duvalier et Prosper Avril, deux assassins notoires, le président Michel Martelly a une fois de plus montré son affiliation à des barbares qui ont coupé le souffle à tant d’Haïtiens. Un travail d’horreur fait avec la rage de ceux qui veulent garder le pouvoir pour l’éternité. Que l’ancien magistrat Evans Paul ait choisi de pardonner à son bourreau Prosper Avril, c’est son droit le plus entier. Mais la société haïtienne ne saurait le suivre dans cette voie de la charité pour soulager la conscience des tortionnaires. Le pardon est individuel mais la justice est collective. C’est ce que réclame un État de droit. Les assassins qui ont fait d’Haïti le pays de l’horreur doivent être jugés. Aucun dialogue n’est possible sans la vérité. Haïti n’a pas peur d’elle. La résistance sera toujours présente contre l’impunité et toute fuite en avant.
Les assassins refusent qu’Haïti tournent une des pages les plus sombres de son histoire politique. Avec la restauration en gestation du duvaliérisme, le pays est aujourd’hui plus qu’avant véritablement à la croisée des chemins. Et pourtant, les regrettés Jean-Marie Montès et Serge Villard, membres du Conseil d’État, abattus par des assassins le 24 juin 1990 avaient tout fait pour sortir Haïti de l’hétéroclite en proposant un programme de gestion cohérente basé sur la fin de l’impunité. Passage d’austérité, mais passage obligé pour régénérer Haïti, comme l’est le Lévitique dans la Bible. Tout le drame du mouvement démocratique réside dans son refus de passer à une vitesse supérieure sans se faire trucider par les assassins. En effet, de Serge Villard en 1990 à Anil Louis Juste en 2010, en passant par Jean Dominique en 2000, les assassins exécutent systématiquement des entreprises maléfiques. L’âge violent des ténèbres de la mort se déchaine dans une inhumanité triomphante. Dans un abaissement sans fin, Haïti se dévore elle-même
En tant que père de l’article 291 de la Constitution de 1987, Serge Villard avait proposé une cure au pot aussi pourri que représentait la société haïtienne après la curée tonton-macoute. Il avait alors dit : « Tous ceux qui sous le régime des Duvalier de 1957 à 1986 sont dénoncés par la clameur publique comme assassins ou dilapidateurs de fonds publics ne peuvent occuper une fonction des services [publics] ou être candidat à une fonction élective quelconque avant d’obtenir décharge d’une commission permanente d’enquête. L’organisation et le fonctionnement de cette commission sont déterminés par la loi[9].» C’était la voie à suivre pour éviter que les bandits retrouvent leurs réflexes d’antan. Mais malheureusement, l’article 291 n’a pas été appliqué avec rigueur et les bandits ont renoué, individuellement ou en groupe, des alliances pour reprendre le pouvoir avec Tèt Kale et préparer les échéances que l’on sait. Leur fil noir, néfaste et meurtrier se déroule par bonds successifs, masquant les intérêts bassement matériels des trafics de drogue et de blanchiment d’argent. Le culte de la personnalité et le pouvoir personnel sont revenus en force. L’État de droit est renvoyé aux calendes grecques et l’illégalité comme mode de gestion du pouvoir devient la norme. Malgré toutes les invitations au dialogue !
Leslie Péan
Economiste, Historien
Tableau Franck Etienne: http://www.artmajeur.com/en/art-gallery/franck-etienne/108413/7/2592525
[1] General Accounting Office (GAO), Haïti – U.S. Assistance for the Electoral Process, Washington, July 1996.
[2] Randall Robinson, Haïti – l’insupportable souffrance, Monaco, Alphée, 2010 p. 219.
[3] Nancy Roc, « HAÏTI - l’insécurité et ses liaisons dangereuses », Alterpresse, 29 août 2006.
[4] « Amaral Duclona fait de nouvelles révélations », Haiti-Observateur, Vol. XXXX, no. 39, 30 septembre-7 octobre 2009.
[5] Rosny Smarth, « Préval … ? » dans Fred Brutus, 100% Préval, P-au-P, C3 Éditions, 2011, p. 207-208.
[6] « « Amaral Duclona fait de nouvelles révélations », Haiti-Observateur, op. cit.
[7] Thomas Péralte, « Qui a tué l’entrepreneur Moscoso », Haïti Liberté, Vo. 6, no. 22, 12-18 décembre 2012.
[8] Dan Coughlin and Kim Ives, « WikiLeaks Haiti: The PetroCaribe Files », The Nation, June 1, 2011.
[9] A.C., « Serge Villard : le Père de l’Article 291 », Le Nouvelliste, 25-26 juin 1990.
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