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Président, Premier Ministre et Ministres en direct à la Télé : « Showbiz » ou Transparence ?
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- Publié le jeudi 7 juin 2012 18:33
Les Conseils des Ministres et de Gouvernement en direct à la Télé ont été bien accueillis par ceux qui ont le privilège de disposer d’un téléviseur et de l’électricité.
Est-ce du marketing, du « showbiz » ou du « show médiatique » ?
La réponse à cette question sera négative si et seulement si les nouvelles autorités décident d’aller au-delà d’une simple présentation à la Télé, pour signifier leur volonté de pratiquer la transparence. Car, pour « spectaculaire » que puisse être une « performance en direct, cela ne suffit pas à convaincre de la volonté de transparence des « acteurs », dans le cas qui nous préoccupe.
D’abord, une telle démarche comporte deux limitations majeures :
1) Tout le monde ne regarde pas la télé et la grande majorité de la population représentée par la paysannerie n’y a pas accès. Même dans les bidonvilles, côté urbain, la situation n’est pas « rose » pour plus d’uns. Ces zones regroupent des couches de miséreux de plus en plus importantes en raison de la paupérisation galopante. Disposer dans ces milieux d’un téléviseur et de l’électricité est plus qu’un luxe. A la rigueur, certains éléments de ces couches peuvent consentir le sacrifice d’aller grossir la foule des badauds regardant, pêle-mêle et dans l’euphorie, un match de football, devant un commerce. Mais, en a-t-on vu s’agglutiner de cette manière là pour suivre le discours d’un officiel gouvernemental ?
2) Les Conseils des Ministres et de Gouvernement en direct sont forcément « cosmétiques », car les vrais dossiers ne seront pas abordés en public. Tout au moins, s’ils le sont, ce ne sera jamais comme il se doit. Les différents intervenants garderont inévitablement leur véritable position pour le huis-clos. Devoir de réserve oblige. Les questions d’Etat ne sont jamais traitées sur la place publique.
Pour assurer de la volonté de pratiquer la transparence, il faut donc faire davantage, si on est bien intentionné.
Voici, en quelques points, un abécédaire de la transparence véritable, à l’usage de ceux qui ne cherchent pas à « bluffer » ou de ceux qui le font sans en être véritablement conscients. Les points le constituant peuvent tout aussi bien tenir lieu de critérium pour évaluer les politiques de communication par rapport aux objectifs de transparence :
1.   Publier, par tous les canaux disponibles, les objectifs poursuivis dans divers domaines ;
2.   Rendre constamment compte de l’exécution des programmes, des réalisations effectuées et des moyens mobilisés pour y parvenir ;
3.   Dresser et rendre public, de façon périodique et régulière, l’état des ressources disponibles pour les interventions publiques ainsi que celui des dépenses effectuées ;
4.   Ne pas faire obstacle au Parlement, à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA), au Conseil national des marchés publics (CNMP), à l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) dans leurs missions respectives de contrôle, de vérification, d’application des procédures d’octroi des contrats et d’investigation ; les institutions privées et de la société civile impliquées dans les mêmes domaines devraient pouvoir librement fonctionner et avoir accès aux données ;
5.   Rendre publiques les sanctions prises éventuellement contre des prévaricateurs et les auteurs d’actes attentatoires aux intérêts fondamentaux de l’Etat ;
6.   Rendre publiques toutes les données disponibles (de quel que domaine que ce soit) et en permettre le libre accès à la presse, à l’Université et au public en général ;
7.   Informer régulièrement le Parlement et le public de tout engagement pris avec des gouvernements étrangers, des bailleurs de fonds internationaux, des entités internationales quelconques ;
8.   Se soumettre de façon périodique et régulière au questionnement rigoureux de la presse ;
9.   S’assurer que les médias d’Etat sont effectivement des médias de service public et non des organes de propagande.
Voilà donc des points qui, s’ils sont mis en application, conduiront véritablement à la transparence « klè kou dlo kòk ».
Autrement, nous risquons d’en recevoir plein la vue de ces « spectacles » concus pour l’effet et pour la galerie !
Graham Green n’avait-il pas dit qu’on est des comédiens ?
Qui veut alors le démentir en montrant qu’on ne se paie pas la tête des gens, qu’on ne joue pas la comédie et que les Conseils des Ministres et de Gouvernement radio télédiffusés ne seraient qu’une première étape vers une véritable politique de transparence qui ramènerait la confiance dans les pouvoirs publics devenus alors, et finalement, crédibles ?
Marvel DANDIN
28 Mai 2012