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Qu’ont fait de notre pays les Duvalier et le système qu’ils ont installé ?

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Les faits existent : il s'agit tout simplement d'en prendre connaissance

Réécrire l'histoire est une tentation courante chez les réactionnaires et les révisionnistes. Dans un pays où le taux d'analphabétisme est élevé et dont les rares lettrés, ou prétendus tels, lisent peu ou pas du tout, l'art de réécrire l'histoire brille de tous ses feux.

Le faible niveau de la recherche en matière d'histoire et l'enseignement inadéquat de cette discipline constituent également des facteurs favorisant les falsifications les plus scandaleuses des faits et des événements historiques. C'est dans ce cadre que l'ancien président à vie Duvalier s'est cru autorisé à traiter ses victimes de Fort Dimanche de « délinquants » et à présenter feu Jean Léopold Dominique comme un de ses collaborateurs.

La vérité est que, comme d'autres journalistes invités à des tournées en province, Jean Dominique a dû prendre le « Prince » (comme il aimait à le désigner au mot en croyant pouvoir l'aider à sortir, comme il le prétendait, des sentiers repugnants du duvaliérisme par la libéralisation-démocratisation offerte à la consommation nationale et internationale. Il a dû sincèrement croire en la bonne foi de l'héritier du trône dans l'éditorial où il exprimait ses craintes pour le « Prince », se référant aux sordides menées des « dinosaures » de son entourage. Il devait très vite se ressaisir quand il a réalisé, après maints incidents troublants, que le « Prince » mentait et ne faisait autre chose qu'appliquer l'art de la roublardise propre à son père. Plus tard, après une kyrielle d'événements douloureux et des actes les uns plus odieux que les autres, les slogans « Pitit Tig se Tig ! » et « Bal la fini » scandés par les thuriféraires et les stipendiés allaient faire leur apparition, tirant de leur torpeur les naïfs les plus invétérés. Au nombre des actes perpétrés par le régime : le démantèlement de la presse indépendante et de l'opposition le 28 novembre 1980. Ce fut alors un tournant décisif : le système de la peur et de la terreur était rétabli !

Le contenu de l'article annexé au présent texte permettra sans aucun doute aux lecteurs et aux auditeurs de s'interroger sur la question de Jean-Claude Duvalier : « Qu'avez-vous fait de mon pays ? » Après la lecture dudit article on voudra bien poser des questions : qu'a-t-il fait de ces hommes et de toutes ces femmes dont les noms figurent dans la liste ci-après de victimes et de disparus sous son régime ? Qu'a-t-il fait de leurs conjoints, de leurs conjointes, de leurs enfants ? S'il faut ajouter la liste ci-après à celle des victimes de son père, ne sommes-nous pas en droit de nous demander : qu'ont-ils fait de notre pays ?

C'est au mépris de tous les actes odieux perpétrés sous le régime de son père et le sien que, le jeudi 28 février dernier, par-devant la Cour d'appel de Port-au-Prince, l'ex-dictateur Jean Claude Duvalier a osé interpeller la classe politique sur ce qu'on a fait de « son pays ». Baby Doc prétend-il ignorer que les 5 dernières années de son régime ont été marquées par une vague sans précédent de voyages clandestins à destination notamment de la Floride ? Oublie-t-il que le raid de ses sbires contre la presse indépendante a fait suite au naufrage de Cayo Lobos à l'occasion duquel des dizaines de cadavres d'haïtiens jonchaient cette plage, offrant au monde le spectacle hideux et pathétique d'un peuple à la dérive et d'un régime incapable de répondre aux moindres besoins de sa population ?

Dans le même temps, outre les contrats de traite scandaleuse de milliers de travailleurs haïtiens pour la coupe de la canne (Zafra) en République Dominicaine, des centaines de milliers d'autres pénétraient illégalement en territoire voisin (Anba fil) à la recherche d'emplois.

C'est donc au mépris de l'histoire que des gens, se faisant passer pour des intellectuels et se réclamant des classes moyennes duvaliéristes, osent aujourd'hui soutenir dans les médias que la situation était « rose » sous Duvalier.

Cette sotte arrogance des chiens de garde duvaliéristes se nourrit de l'ignorance d'une vaste majorité de jeunes et de l'amnésie de leurs ainés par rapport aux faits majeurs ayant marqué l'époque de la dictature. Il y a plein de documents qui s'y rapportent. Mais, il faut absolument qu'il y en ait davantage, portant sur des domaines autres que les violations des droits humains perpétrées sous la dictature. Toute la vérité doit en effet être dite sur la dictature. Il importe que des travaux d'envergure soient entrepris sur les méfaits enregistrés dans les domaines de l'économie, de la culture et de l'environnement. Car, la dictature n'a pas été néfaste que sur le plan social et politique. La catastrophe a été globale et a eu des effets de longue durée dont nous payons aujourd'hui le coût, ajouté aux graves conséquences de la préservation et de la continuité du système duvaliériste après Duvalier, à la présence active des duvaliéristes sur le terrain pendant les 27 dernières années, à l'incompétence et au manque de vision et de patriotisme de ceux qui ont accédé au pouvoir au nom du changement mais qui n'ont fait que reproduire avec, tout de même moins de succès, ce que faisaient ceux-là qu'ils prétendaient vouloir définitivement évincer.

Ce n'est donc pas par pur hasard qu'on en soit aujourd'hui arrivé là. C'est donc à nous, qui n'avons pas été au pouvoir, de poser des questions sur le sort fait au pays et non à Jean Claude Duvalier, un des principaux instigateurs de la débâcle.

Haïti-Dictature

Quelques uns des illustres prisonniers décédés dans les geôles des Duvalier : Militants, professionnels, écrivains, journalistes, militaires, macoutes, ils devinrent tous des loques humaines ou furent exécutés.

Quelques actes politiques odieux qui ont marqué le règne de « Baby Doc »

*Annouce Rebecca : Cellule 3, Cavaillon. Meurt le 10 octobre 1972 de tuberculose. Il fut un ancien membre des Volontaires de la Sécurité Nationale (VSN).

*Fred Baptiste : Cellule 1, Jacmel, meurt le 16 juin 1974 de tuberculose et de maladie mentale, à l'âge de 41 ans. Son corps, ceux de son frère Rénel et de leurs sept compagnons sont jetés en pâture aux chiens.

Fred Baptiste fut un militant politique et le leader des Forces Armées Révolutionnaires d'Haïti (FARH), un mouvement de guérilla lancé en 1964 dans le Sud-Est d'Haïti avec le soutien de nombreux paysans. A Mapou, Belle-Anse, Bodary et Thiotte, plusieurs centaines de paysans furent arrêtés et exécutés. André Simon, ami personnel de Duvalier, était à la tête du détachement militaro-macoute chargé de mâter la rébellion armée.

*Auguste Thénor : Cellule 1, Plaine du Cul-de-Sac (nord de Port-au-Prince). Poète, journaliste, membre du groupe Haïti Littéraire avec René Philoctète, Anthony Phelps et Roland Morisseau. Arrêté en 1971 et libéré en décembre 1972, il est de nouveau appréhendé en janvier 1973 avant de mourir en 1975 de diarrhée.

*Justin BERTRAND, cellule 5, Port-au-Prince. Ancien redoutable chef macoute de Carrefour-Feuilles (sud-est de la capitale), il meurt le 26 août 1975 de tuberculose, de diarrhée et de démence. Avant de s'éteindre, il se barbouilla le visage et le corps de matières fécales.

*Hubert Legros : Cellule 6, Port-au-Prince. Meurt le 19 décembre 1975 à 5h AM de diarrhée et de tuberculose. Il était un avocat bien connu.

*Kesner BLAIN, Cellule 3, Port-au-Prince. Ancien colonel des Forces Armées d'Haïti (FAd'H), il meurt le 1er février 1976.

*1er Juin : 1976. Assassinat du journaliste Gasner Raymond dont le corps mutilé a été retrouvé à Braches, Léogane : Journaliste du Petit Samedi Soir (hebdomadaire politico-culturel fondé par Dieudonné Fardin en 1971). Au moment de son assassinat, "il menait une enquête une enquête sur le conflit opposant les ouvriers du Ciment d'Haiti au patronat".

*Ezéchiel Abellard : Fort Dimanche, Cellule 6, meurt en août 1976 de tuberculose et de malnutrition. Journaliste, originaire de l'Arcahaie (40 km au nord de la capitale).

*Marie-Thérèse Féval : Exécutée en mars 1976. Elle fit partie de l'équipe dirigeante du Parti Unifié des Communistes Haïtiens (PUCH).

*Rameau Estimé : Fort Dimanche, Cellule 1, meurt le 13 mai 1976 de diarrhée et de malnutrition. Député "j'approuve" et duvaliériste de la première heure, il fut jeté en prison après être tombé en disgrâce.

*9 Novembre 1979. Vendredi Noir chez les Salésiens de Port-au-Prince. A l'occasion d'une conférence organisée par la Ligue Haïtienne des Droits de l'Homme et devant être prononcée par son président, Maitre Gérard Gourgues, un commando à la solde du gouvernement fit irruption dans la salle, frappant quelques-uns des assistants dont des diplomates étrangers et le conférencier, et détruisit les meubles de la salle. Les voitures garées sur la cour ne furent pas non plus épargnées.

*13 décembre 1979 : agression de civils armés contre le pasteur Luc Nérée après maints avertissements du Ministère de l'Intérieur concernant des articles osés du journal Hebdo Jeune Presse dirigé par son fils.

*28 Novembre 1980 : Vague de répression visant journalistes et hommes politiques. Sous prétexte de combattre le communisme et la subversion, le gouvernement de Jean-Claude Duvalier déclencha, dans la nuit du 28 Novembre, une vague d'arrestations suivies d'expulsion. Parmi les victimes figurent des journalistes connus pour leur franc-parler, des hommes politiques.

*Richard Brisson et ses quatre compagnons d'infortune furent torturés et fusillés en 1982 aux Casernes Dessalines. Brillant journaliste culturel, diseur et homme de théâtre, Brisson se trouvait en compagnie des rebelles qui avaient débarqué avec des armes à bord d'un hydravion sur l'île de La Tortue (nord-ouest) en provenance de Miami.

*28 novembre 1985. Assassinat de trois jeunes écoliers aux Gonaïves. Pendant deux jours (27 et 28) la ville des Gonaïves fut le théâtre de manifestations antigouvernementales. Durant la deuxième journée trois écoliers tombèrent sous les balles des militaires. On pensa que la mort de Jean Robert Cius (19 ans et élève de la classe de Première au Collège Immaculée Conception), de Mackenson Michel (de la classe de Sixième au Collège des Gonaives), de Daniel Israël (du Collège Jean Jacques Dessalines) précipita la chute de Jean Claude Duvalier.

En 1978, la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) avait envoyé au gouvernement de Jean-Claude Duvalier une liste de 151 prisonniers qui avaient été exécutés à cette époque.

Sources : Les Cachots des Duvalier de Marc Romulus, Le Prix du sang de Bernard Diederich, Haïti-Référence, CIDH. [spp/jmd/RK]

Publié le dimanche 3 mars 2013
Source: RadioKiskeya