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Le Bal des Adieux

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« Nous sommes des oublieux, des exotiques et nous aimons les paradoxes. »
Maurice Sixto

Par Castro Desroches --- La lune de miel est terminée. C'est avec ces propos prémonitoires et fatidiques que M. Robert Fatton professeur de sciences politiques à l'Université de Virginie résumait en septembre dernier le désenchantement de la population haïtienne avec le chanteur/président Micky Martelly. En moins de deux ans, le verni de volontarisme que l'on voulait verser au compte du régime « tet kale » a cédé la place à la kleptomanie, la propagande tapageuse et à une tentation têtue de retour au statu quo ante. Dans une ambiance de bamboche permanente, de mégalomanie et d'appétit néfaste pour les fastes du pouvoir, le régime ubuesque de Micky Martelly s'enfonce petit à petit dans la béance profonde de ses propres promesses creuses.

Valse de millions. Pillage. Gaspillage. Ce n'est pas par hasard que Martelly s'écrit avec deux ailes. Cela lui permet mieux de voler...

Incurie de la clique au pouvoir. Nouvelle écurie de voitures de luxe. Déclic d'armes automatiques pour alarmer les critiques. Provocations gratuites et suicidaires. Course à toute bouline vers les sentiers parfumés de l'abime.

Les signes avant-coureurs de la chute fatale s'amoncellent dans le ciel sombre d'Haïti. Serait-ce déjà le chant du cygne de la pintade rose ? À mi-chemin entre zéro et moins infini, imbibée d'alcool, la chaise bourrée d'herbes folles bascule vers le néant.
Pourri jusqu'à la moelle, le régime de Micky Martelly n'est plus en odeur de sainteté avec le Saint-Siège. Dans un revirement inattendu et spectaculaire, l'archevêque du Cap-Haïtien, Mgr Louis Kébreau, retrouve son état de grâce, prend publiquement ses distances par rapport à la mafia qui parade sur le char de l'État: « Ce qui se fait aujourd'hui est une affaire de famille, de clans et de petits amis. » Du haut de sa chaire, le nonce dénonce avec fracas les dérives du régime « kale tet. » Dans un appel à peine voilé à l'insurrection générale contre le gouverne/ment de Micky Martelly, le prélat enfonce vigoureusement le clou dans la plaie...

Un pus rosâtre et épais se répand dans la viscosité de la nuit. Rosa, rosae, rosa/rhum ? Je perds mon latin. Je perds le Nord. Mais, le Saint-Père du Cap vient à la rescousse : « Un peuple qui a peur de prendre des risques pour préparer son avenir est voué à l'échec. Ce qui l'attend, c'est le chaos et la confusion. » Amo, amas, amat...Amen !

Richard Morse, cousin et conseiller spécial de Sweet Micky abandonne le bateau ivre. Il rame jusque sur les hauteurs de l'Hôtel Ollofson. Tu gagneras ton gingerbread à la sueur de ton front. Morse : message codé, cryptique, apocalyptique. Serait-ce déjà le commencement de la fin ? Pas si vite... Chute libre en slow motion. Strip tease. Moon dance sur le volcan en voie d'éruption.

Face à l'indolence d'une opposition opportuniste et sans position de principe, le pouvoir en place est devenu de plus en plus audacieux dans ses plans de reconstruction de la dictature. Tentatives d'intimidation, communiqué musclé des prédateurs de la Presse, bastonnade de journalistes au Cap. La liberté d'expression est à l'article de la mort. « You have the right to remain silent ! » Dans la métropole de Port-au-Prince, la peur est partout avec vous. Interdiction aux stations de radio de faire la Radiographie d'une Dictature en gestation. Censure à l'encontre des groupes musicaux qui dénoncent les sangsues qui sucent goulûment les mamelles de la République.

Chassé-croisé diplomatique. Ping-pong politique entre Washington et Port-au-Prince. Déception des bailleurs de fonds. Les pays dits amis d'Haïti réclament à cor et à cri des élections avant la fin de l'année afin de maintenir un semblant de démocratie. Dans le même temps, le gouverne/ment autoritaire de Micky Martelly ne peut même pas organiser un carnaval libre et inclusif.

Comme un malheur n'arrive jamais seul, le régime de Martelly attire dans les couloirs du pouvoir, les éléments les plus dangereux de la pègre: gangsters, violeurs, voleurs, brasseurs d'affaires, anciens militaires, ex-parle/menteurs, trafiquants de drogues dures et d'influence, chercheurs d'or et d'argent liquide, batteurs de femmes et de tambour, kidnappeurs. Dans l'Haïti de Sweet Micky, les criminels endurcis sont en pays conquis. Crépuscule des crapules ? L'impunité est déclarée d'utilité publique en faveur des suppôts du régime. Avec un casier judiciaire bien rempli, on a toutes les chances de devenir « conseiller » à la présidence.

Tueur de son état, le nommé Calixte Valentin se la coule douce après avoir liquidé en public Octanol Derissaint le 18 avril 2012. En voiture officielle, des « sans manmans » avides de sang font feu sans sommation et exécutent sommairement des innocents à la suite d'un simple accident. Dans la logique macabre des malfrats de Micky Martelly, il faut tuer les chauffeurs imprudents pour leur apprendre les règles de la circulation.

Veines ouvertes d'Haïti. Dans une lettre ouverte adressée au chef suprême de l'état sauvage, le RNDDH tire la sonnette d'alarme: « ...Vous comptez aujourd'hui encore auprès de vous, plusieurs individus dangereux, recherchés par la Justice en raison de leur implication dans la perpétration de crimes non encore élucidés. La présence de ces individus dans votre entourage jette le doute quant à la volonté politique réelle de votre gouvernement d'œuvrer pour combattre l'impunité et pour faire régner la Loi. » Vaines supplications. Comme d'habitude, on s'attend à ce que le président « tet kale » fasse la sourde oreille.

Sous le règne de Martelly, les « bandits légaux » font preuve d'un aplomb à toute épreuve. Les cas de détournement de fonds deviennent monnaie courante. Particulièrement au Département de l'Éducation Nationale et au Ministère de l'Intérieur. Vêtu de sa chemise rose et de sa veste marron, l'ancien ministre a disparu avec un magot. Il va vivre comme un pacha à l'extérieur. C'est la ruée vers l'argent facile. On fait du plein pour plusieurs générations. Plus question de « razeurisme », d'Oraisons à Saint Centime et de faillite financière en Floride. Pots-de-vin, per diem exorbitants, programmes bidon. Avec les chèques zombis, la corruption prend des proportions effrayantes. C'est la résurrection des vieilles méthodes de détournement. C'est le règne de l'imagination morbide au service du siphonage de la caisse publique. Quelques millions par-ci, quelques millions par-là. Les billets verts se ramassent à la pelle...

Pour les mignons du régime « kale tet », c'est l'occasion ou jamais de faire du pognon. « J'aime mon pays. J'aime mon travail et je m'y investis entièrement. Je vais continuer à travailler, rire et vivre tout en attendant que... » Déclarations farfelues et désopilantes du fugitif Karl Jean-Jeune, poursuivi pour vol en Floride, recyclé à Port-au-Prince en tant que « conseiller » particulier de la Première Dame. L'expertise des criminels dans les affaires sordides est très appréciée dans les cercles du pouvoir.

Près de deux ans après la stupéfiante arrivée au pouvoir de Micky Martelly, Haïti flotte dans les nuages hallucinogènes de la folie collective. La faim rose montre des dents de Charles Oscar à la face du monde. Frisson de la fin de février. Dans la fièvre du carnaval, les masques sont tombés. Ce qui est resté, c'est le visage grimaçant de la dictature. Interdiction de fêter à Port-au-Prince en l'absence du chef suprême. Que votre volonté soit fête...

Marasme économique, gaspillage des faibles ressources de l'État, climat de peur et d'incertitude, crise de croissance à rebours. Le chant des sirènes de la propagande mensongère n'arrive plus à voiler l'horrible réalité. Sous le règne du président « kale tet », Haïti est passée au rang de pays le plus pauvre de la planète. Courtoisie de Martelly, Haïti a consolidé sa position dans le hit-parade des Nations les plus corrompues du monde. Qui dit mieux ? Face à ce palmarès désastreux et à la gabegie administrative érigée en méthode de gouvernement, la grogne populaire gagne du terrain. Le vent de contestation menace de balayer bientôt sur son passage le régime absurde de Micky Martelly. Une atmosphère de fin de règne étend déjà ses tentacules dans les sphères du pouvoir. Les thuriféraires d'hier mettent de l'eau dans leur vin et nuancent leurs déclarations. Les zélés encenseurs de la pintade rose, volent à ras le sol.

Tic, tic, tic. Le moment est venu de remettre les pendules à l'heure. La plaisanterie de mauvais goût n'a que trop duré.

Castro Desroches
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