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Haïti - Politique: Sortir du marasme?… a quoi rêve un président ?
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- Publié le lundi 13 août 2012 03:31
Ma dernière chronique sur la conjoncture politique remonte au 6 juin 2012 cela fait exactement deux mois. Dans « Le rose et le noir » de ce 6 juin, j’ai essayé de cerner les caractéristiques du nouveau régime qui avait fini par se stabiliser après un an d’hésitation. J’effleurais la problématique des grands dossiers qui l’attendaient et je disais laisser au temps le soin de me surprendre bien que pour moi on pouvait dors et déjà entrevoir le noir (c’est-à -dire craindre le mal) plutôt que le rose (espérer le bon).
Deux mois, et toujours selon le point de vue où l’on se place, on peut soit constater qu’il y a assez d’indices pouvant nous porter à émettre des jugements définitifs sur les actions du régime et même risquer des conjectures , soit au contraire penser qu’il est encore trop tôt pour s’en faire une idée claire. Mais le problème est aussi de nature subjective ; on s’était tellement accoutumé au flou de gouvernance pendant la première année du régime qu’on a maintenant du mal à évaluer à sa juste valeur le fait que brusquement le gouvernement veut se présenter comme le plus volontariste possible, prétend tout faire et résoudre d’un coup tous les problèmes de développement et de gouvernance auxquels le pays est confronté. On a donc l’impression qu’une course effrénée s’est déclenchée et qu’après avoir trop longtemps joué au « qui perd gagne » au cours de la phase qualifiée par nous de « démmissionnariste », le régime actuellement en place, comme pour rattraper le temps perdu, voudrait faire croire qu’il va et est en train de relever les grands défis.
Je vais donc essayer, la tête froide, de revoir les actions les plus importantes du gouvernement en essayant d’analyser les faits et d’évaluer son mode de fonctionnement pour ébaucher si possible des conclusions qui ne seront encore une fois, étant donné la courte durée de deux mois et demi, que provisoire, je le crains.
Les sorties médiatiques : de la poudre aux yeux ?
Si on devrait juger de la performance du gouvernement par la quantité de lancements de nouveaux projets, d’inaugurations de travaux, de visites ostentatoires et de voyages effectués en terre étrangère, il ne fait aucun doute qu’on devrait le déclarer champion de la bonne gouvernance et du progrès économique et social. Michel Martelly n’a d’ailleurs pas attendu Laurent Lamothe pour s’adonner à cette pratique inconsidérée du lancement de projets et d’inauguration de travaux (travaux qui, dans un grand nombre de cas, ont été initiés par son prédécesseur qu’il ne mentionne pas bien sur ou réalisés par des ONG et des organismes internationaux).[Une liste partielle et chronologique des « lancements » effectués peut-être consultée à la fin de cette chronique.]
Tous les mois (et plusieurs fois par mois) on a donc des lancements de nouveaux projets : logements (400, chantier de réhabilitation…), programmes sociaux (cartes « roses » de crédit et d’assurance, carnaval…), semaine thématique (enfance, technologie, gouvernance, tourisme…), forums, logo, Institut de musique … Pour le mois de mai 2012 (mois de l’investiture de Laurent Lamothe), sont listé non seulement les lancements de projets mais aussi les inaugurations de travaux et là on compte pas moins de 11 évènements et jusqu’à trois apparitions médiatisées seulement pour le 27 mai 2012. La dernière sortie de Martelly qui vient d’avoir lieu le 6 aout (avant-hier donc et qui n’est pas sur notre liste) concerne l’inauguration du centre communautaire de Moulin de Timonette dans le département de l’Artibonite. A la vérité, Jean-Claude Duvalier avait lui aussi tendance à se déplacer de la sorte à la moindre parcelle d’occasion, on l’appelait « grenn pronmennen ». Pour lui Il s’agissait de se faire accepter par la population car il avait été « nommé » Président à vie par son père François Duvalier. Michel Martelly paradoxalement se comporte comme s’il était en campagne électorale de manière permanente. Il faut voir que le Président est un nostalgique de cette période duvaliériste, probablement il ne fait donc que suivre son modèle, dans la mesure où les nouvelles contraintes post-dictatoriales le permettent bien entendu… tohue bohue
Mais cette liste n’est guère exhaustive, loin de là , pensons au lancement du projet « Katye pam poze » (dont le Ministre de l’Intérieur en charge vient d’être limogé) et à l’inauguration de l’escalier à Bois Jalousie par exemple… A la vérité, de tout ce tohu-bohu, il n’y a pas grand-chose de substantiel à retenir, excepté peut-être le parc industriel de Caracol (controversé d’ailleurs) et l’Université de Limonade (dont la mise en opération devrait ce mois ci débuter annonce-t-on presqu’un an après son inauguration). Mais que ces projets n’ont pas été initiés par l’actuel gouvernement. A la vérité, la grande majorité de ces « lancements », comme indiqué dans la liste, ont déjà vécu le temps que vivent les roses, l’espace d’un matin. « Mwen voyew anlè mwen pa atrap ou » pourrait-t-on ironiquement penser.
Il y a pire, à propos d’autres projets d’envergure on ne fait pas de bruit du tout : l’éducation gratuite pour tous pour qui des taxes sont prélevés depuis plus d’un an maintenant et dont on tarde à en percevoir les retombées (le Ministre de l’éducation nationale Reginald Paul vient d’être limogé) , les 3.000 maisons qu’une compagnie appartenant au Sénateur dominicain Bautista (encore lui) est en train de construire dans une parfaite savane au pied du Morne à Cabris et au sujet duquel les journalistes ont du mal à soutirer des informations du gouvernement, le projet de réhabilitation des quartiers du Fort National et du Bowenfield qui ne démarrent pas en dépit du fait que la totalité des fonds (44 millions de dollars) ont déjà été décaissés ; sans oublier bien sur la ruée vers l’or qui a démarré depuis qu’on a rendu public l’existence des fabuleuses mines de Trou du Nord dont les bénéfices d’exploitation pourraient s’élever à 24 milliards de dollars et sur lesquelles le gouvernement, en temps normal pourtant très loquace, est anormalement muet. On dirait qu’il ne nous donne à voir que du menu fretin alors que les affaires sérieuses se discutent à huit-clos…
Les grands dossiers et ceux qui brûlent
Depuis son investiture voulant faire montre de la confiance que le Président lui accorde et se démarquer des « démmissionaristes » précédents, Laurent Lamothe s’est lancé dans une campagne pour rétablir, dit-il, l’autorité de l’état, réformer certains aspects du fonctionnement des ministères, augmenter les recettes par la perception plus stricte des taxes et la lutte contre la contrebande notamment au long de la frontière avec la République voisine, refaçonner le budget national, s’attaquer aux problèmes des constructions anarchiques du morne l’Hôpital, de l’exploitation inconsidérée des carrières de sables, des droits d’auteurs bafoués, des déchets non-biodégradables (comme les assiettes en « styrofoam »)… Ce faisant, plus encore que le Président, il fait des promesses en veux-tu en voilà alors que nombre de dossiers ont déjà été mal abordés et qu’il est encore bien trop tôt pour en faire une évaluation objective. Là encore, il faudrait que les objectifs soient clairement fixés pour qu’on puisse espérer en faire un bilan à la fin de la période.
La « réforme » des ministères
Laurent Lamothe, à en croire ses prises de position, a à cœur la réforme de l’état. Il crée, comme promis lors de sa déclaration de politique générale et comme le veut la loi d’ailleurs, le Conseil de Développement Économique et Social (CDES) qui doit venir « renforcer une dynamique de participation citoyenne à la chose publique » dont il attend beaucoup et que nous avons à l’œil. Il nomme un responsable des réformes de l’administration publique et prend des initiatives en vue de raccourcir les temps de réponses des processus administratifs en particulier celui des passations de marchés. En fait c’est ce dernier point qui le préoccupe au premier chef et qui fait fulminer le bouillant Président. Dans cet ordre d’idée, la CNMP (Commission Nationale des Marchés Publics) vient tout juste d’inaugurer une série de stages de formation « en passation des marchés » à l’adresse de hauts fonctionnaires de l’état. La lenteur constatée des processus n’est pas à mettre sur le compte des procédures elles-mêmes, comme on a tendance à le dire (et comme de fait la tendance « démmissionnariste » le croit) mais viendrait plutôt du fait que « la maitrise de ces mécanismes par les cadres de l’état […] fait défaut » a fait savoir Hulzer Adolphe coordinateur du CNMP. Ce disant, il met le doigt dans la plaie et pointe un des aspects de l’inefficience de l’état, mais le mal est sans nul doute plus profond encore…
D’autres ministères ont été crées (Energie, Lutte contre l’extrême pauvreté, Défense…) et pas moins de 14 secrétaires d’états ont été nommés, mais jusqu’ici à part du replâtrage et des tentatives d’accélérer le processus de décaissement surtout, des annonces de mesures d’austérité par la Ministre de l’économie et des finances (non augmentation de salaires pour les professeurs et des policiers, pas de quatorzième mois en prévision de la rentrée des classes toute proche) et d’augmentation des recettes (lutte contre la contrebande) et le récent remaniement ministériel, la grande réforme de l’état (de l’exécutif pour être plus précis) fait cruellement défaut alors que les données chiffrées sur ces institutions étatiques, demeurent opaques en dépit du vœu de transparence des dirigeants…
Quand on sait que plus d’un an après l’effondrement physique de l’état et de ses bâtisses et la mort de pas moins de 15 % de cadres supérieurs suite au séisme du 12 janvier, l’état haïtien était complètement non-opérationnel pendant, on pourrait s’attend à bon droit à une prise en charge effective et à un plan de redressement et de réforme, sinon on aura vite fait d’avoir recours au « démissionnarisme » à l’affut.
Le budget national
Beaucoup de bruits ont été entendus autour du budget présenté par le nouveau gouvernement. Des déclarations triomphalistes et propagandistes ont été émises tout simplement parce que le budget (pour la première fois semble-t-il) a été soumis au parlement dans les délais fixés par la loi. De plus, pour la première fois elle dépasse les 110 milliards de gourdes (113 milliards soit 2.69 milliards de dollars) cependant que la part de la participation étrangère reste encore de 66% aux dires du Premier Ministre lui-même. A titre comparatif, pour la même année fiscale le budget national de la Jamaïque est de 6.87 milliard soit près de 3 fois plus et selon des estimations de Wikipedia , les budgets pour l’année 2011 étaient de (en milliards de $) de 9.496 pour la République Dominicaine, 4.744 pour la Jamaïque, 1.7 pour Les Bahamas et 1.658 pour Haïti. Ainsi un pays comme Les Bahamas avait en 2011 une enveloppe budgétaire légèrement supérieure à la notre alors que sa population (de 353.658 d’habitants) ne représente même pas 0.5 % de celle de notre pays (10.085.214).
Le gouvernement voudrait, prétend-t-il, sortir de la logique misérabiliste des dons pour pouvoir renouer avec celle des prêts dont une très grande partie avait été annulée par plusieurs pays créanciers suite au séisme du 12 janvier. Comme de fait, il n’aurait semble-t-il pas attendu la nouvelle année fiscale pour renouer avec cette « bonne pratique » et aurait déjà emprunté plus de 250 millions de dollars supplémentaires du Petro-caribe Vénézuélien, de l’OPEP et d’autres pays émergeants. Ici il y a un débat de fond entre d’une part, ceux du gouvernement qui disent (par la voie de la Ministre des Finances et du Premier Ministre) vouloir sortir de la logique des réclamations d’annulation de dettes qui ne fait que lancer des signaux de détresse aux créanciers, et d’autre part, ceux qui argumentent qu’il faut au contraire demander l’annulation des dettes impossibles à payer et que ce sont plutôt les conditions désavantageuses de ces emprunts qu’il faut combattre car elles créent la dépendance vicieuse et les politiques d’austérité subséquentes qui engendrent à leur tour les crises économiques et les troubles politiques.
A en croire l’Initiative de la Société Civile , l’analyse du budget fait montre de nombreuses faiblesses: le budget ne formule pas des objectifs chiffrés de manière à permettre de faire un bilan à partir de résultats escomptés et constatés, il y a un manque de transparence et de rigueur dans l’exécution des projets (Fort national, Bowenfield, Morne à Cabris), on relève une absence de décentralisation comme le stipule la Constitution - critique sérieuse ici du Programme Universel d’Education Gratuite et Obligatoire (PSUGO), il y a la mauvaise la gestion de l’énergie électrique - les dépenses consenties pour l’amélioration du rendement du réseau ne donnent pas de résultats, il y a un manque de transparence dans la gestion du programme du Petro Caribe et une mauvaise utilisation des fonds d’autant plus que nos dettes envers le Venezuela s’élèvent maintenant à 871 millions de dollars ce en dépit du fait que ce pays ait consenti à en annuler 395 millions de dollars, enfin un problème tout aussi crucial demeure, c’est la mauvaise gestion du foncier et le cadastre qui demeure pratiquement obsolète.
A noter que le budget n’a pas encore été voté par le Parlement, on attend donc la suite…
La lutte contre la contrebande et la corruption
La lutte contre la contrebande est une priorité du gouvernement qui est coûte que coûte décidé à augmenter les recettes fiscales et désire également envoyer de « bons signaux » aux pays pourvoyeurs. Nul doute que l’un des plus grand défis à relever à cewt égard demeure les marchés binationaux le long de la frontière avec la République voisine où, on l’avait déjà vu, les produits dominicains (1 milliards de dollars en valeur par année) pénètrent sur le territoire national sans être taxés encore moins inspectés. Ainsi le marché libre serait déjà une réalité (du moins libre dans un seul sens). L’inefficience des douanes haïtiennes incapables de collecter les taxes sur les marchandises et plus fondamentalement le déficit de production de l’économie nationale, notamment les secteurs de l’agriculture et de l’agro-industrie, qui a accumulé un retard de 30 années sur l’économie dominicaine sont de toute l’évidence à la base de cet état de fait. Aussi il faudrait en toute bonne logique penser à combler ses lacunes (au moins la modernisation des douanes frontalières) pour pouvoir espérer redresser la situation alors que la République Dominicaine met la pression pour la signature d’un accord de libre-échange qui somme toute ne ferait que légaliser et officialiser ce libre marché déjà en opération. Cela ressemble à l’histoire du pot de fer contre le pot de terre. Dans tout ceci il semblerait que le gouvernement soit beaucoup plus préoccupé par les recettes douanières plutôt que par la santé de la population en témoigne l’affaire des salamis dominicains contenant des traces d’excrément (qui fait suite à celle des œufs contaminés) qui créent des émotions négatives parmi la population mais dont le gouvernement se montre incapable jusqu’à présent de contenir. Là encore on attend la suite…
L’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC ayant à sa tête Antoine Atouriste, un ancien militaire) se dit prêt à travailler sérieusement. Elle a même menée une enquête fructueuse suivie d’arrestations pour délits de vols de fond qui ont été commis dans le cadre du programme universel (prétend-t-on) d’éducation gratuite. Evidement, le gargotage des fonds prélevés sur la diaspora à travers les appels téléphonique et les transferts d’argent constitue un cadre idéalement propice aux fraudeurs et aux voleurs. Pourtant, Olivier Martelly détient, en tant que « conseillé du président » pour les affaires sportives, une enveloppe de près de 5 millions de dollars pour la construction de soit-disant stades dans certaines villes de province où le Président ne manque pas d’ailleurs de s’y rendre pour les inaugurations. Pourtant, L’ULCC n’a pas bronché suite aux révélations de corruption de la journaliste Nuria Peiria contre le Président de la République et elle n’exige pas le respect des lois par rapport à la perception de ces mêmes taxes pour l’éducation gratuite. Pourtant les dépenses extravagantes (voyages, réunions des ministres en province, carnaval, cadeaux, programmes « sociaux » de l’équipe au pouvoir ne sont pas questionnées…
Environnement et autre
On a voulu aussi s’attaquer à certains problèmes environnementaux. La démarche la plus spectaculaire reste sans contexte celle voulant démolir des maisons construites pratiquement dans la ravine de Bois Jalousie au pied du Morne l’Hôpital. Cela a occasionné de véhémentes protestations des habitants de la zone alors qu’en fait le projet global est de reprendre possession de la montagne sur les flancs de laquelle des myriades de maisonnettes ont été érigées. Les manifestants qui ont gagné les rues n’ont pas manqué de lancer des propos hostiles au Président de la République qui a piteusement déclaré que « peut-être » il n’était pas au courant qu’un tel programme de déguerpissement existait ou avait débuté. C’est aussi la tentative musclée d’éviction des familles paysannes qui depuis 1942 habitent le parc La Visite de la commune de Marigot Le Parc est un site écologique très important eu égard aux réserves d’eau de la région qui sont mises en péril par la présence même de ces paysans. Quatre personnes été tués par les forces de l’ordre et jusqu’à présent la population reste mobilisée et réclame justice.
Apparemment ces projets semblent pour l’instant battre de l’aile d’autant plus que le Ministre de l’environnement Joseph Ronald Toussaint vient d’être limogé. Il en est de même du projet de protection des carrières de sable et de la lutte contre la pollution des produits non-biodégradables qui polluent dangereusement les rues. Mais il faut aussi souligner que jusqu’à présent plus de 300.000 réfugiés croupissent encore sous les tentes et une grande proportion des personnes qui ont laissé les abris de fortune y ont été chassées de force par les autorités sous pression des propriétaires des terrains . En général, les sans-abris qui n’ont pas pu trouver d’abris provisoires pour se caser (et ils sont nombreux) ont sans doute investi le flanc des mornes environnantes loin des persécutions des forces de l’ordre et des propriétaires furieux mais malheureusement si proche d’une autre catastrophe … Là encore on attend les nouvelles dispositions et approches, mais à la vérité la problématique environnementale est très complexe, c’est un dossier très brulant qui risque de faire dangereusement vaciller la frêle stabilité qui semble actuellement exister.
Le nouveau gouvernement s’est aussi attaqué au problème complexe des droits d’auteur, cependant après maints avertissements et communiqués, les vendeurs-pirates de CDs et de Vidéos contrefaits poursuivent comme à l’accoutumé leurs activités et leurs étalages ne sont toujours pas menacés.
En fait, il semblerait que toutes ces démonstrations et ces déclarations intempestives n’aient pas encore produit les résultats escomptés ; faudrait-t-il penser que la méthodologie soit inadéquate dans la mesure ou on semble espérer résoudre en une semaine des problèmes vieux de plusieurs décennies ? Les conclusions ici, je le crains, ne peuvent venir avant les bœufs… Et en plus les plus profonds des dossiers ne sont même pas abordés tels : le déboisement et l’érosion presqu’irréversibles, la prévention des désastres naturelles, l’éradication du chômage et de la pauvreté, la faillite de l’agriculture, l’effondrement du système éducatif, la fuite des cerveaux, l’émigration clandestine, les problèmes de santé et la menace des épidémies, la reconstruction, et tout ceci en dépit des lieux communs que l’on entend parfois…
Nouveaux paramètres de la situation politique, crise en gestation ?
Depuis la publication des amendements à la Constitution de 1987, des embrouilles étrangement habituelles surgissent. D’abord c’est le cas d’intellectuels qui persistent et signent contre toute évidence que les amendements sont illégaux nuls et non-avenus, ensuite c’est au tour de législateurs (sénateurs principalement) qui viennent s’inscrire en faux contre cette constitution amendée qu’ils ont par ailleurs eux-mêmes votée. Alors que tout le monde se plaisait à applaudir la création du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), voilà que ce même conseil se trouve secoué par un conflit interne suite aux manœuvres de son président Anel Jean Alexis qui, passant outre les procédures établies, a, avec seulement deux autres membres sur les neuf qui composent l’institution, choisi et soumi à l’exécutif ses trois membres qui devraient faire parti du Conseil Electoral Permanent (CEPr). Dans une lettre rendue publique, quatre autres membres du CSPJ, se sentant à bon droit lésés puisqu’ils n’étaient même pas présents au moment du vote, ont demandé au Président du CSPJ de se rétracter ce que lui, sous les ordres de l’exécutif à qui il est probablement inféodé, refuse de faire. Rappelons que des autres six membres de ce CEPr (dont le mandat est de neuf ans), trois sont nommés par l’exécutif et les trois autres par le Législatif.
Le Sénat lui se trouvant amputé du tiers de ses membres ne peut pas réunir le quorum nécessaire pour choisir les gars de ce CEPr, quorum qui est facilement infirmé par une poignée de sénateurs puisqu’il faut la majorité des deux tiers pour pouvoir tenir assemblée sur la question. Ils sont 30 en temps normal alors que maintenant, avec le tiers (10) dont le mandat vient de prendre fin, ils ne sont plus que 20 et paradoxalement, de manière défiant le bon sens, le quorum est calculé comme s’ils étaient encore 30, d’où l’impasse. Les sénateurs qui infirment le quorum s’inscrivent donc en faux contre la formation du CEPr et propose un CE Provisoire pour sortir de l’impasse, impasse qu’ils ont eux-mêmes créés par ailleurs. Ainsi ils enfantent, imposent un problème en même temps que sa solution, boucle à vrai dire très étrange dont pourrait facilement en rêver M. C. Escher lui-même.
L’exécutif quand à lui, en dehors de toute norme, de guerre lasse et volontariste comme de coutume, non seulement se dit déterminer à créer le CEPr (ce qui est de son plein droit bien entendu) mais vient tout juste d’installer le président du CEPr en la personne de Gabrielle Hyacinthe (mairesse de Port-au-Prince) alors que les deux autres membres par lui choisis n’ont pas encore eu l’honneur de voir leur nom dévoilé publiquement, alors que la nomination des membres par le CSPJ est coincée et que le Sénat se débat dans des embrouilles inextricables jusqu’à ce que peut-être une entité externe et puissante viennent trancher. Comme de fait, et compte tenu de la bonne pratique d’ingérence dont nous en sommes très accoutumés à ce stade des ébats, le Sénat reçoit une deuxième visite de l’ambassadeur américain qui arrive, comme par enchantement, pour « discuter » du problème des prochaines élections et pour « aider » au déliaque. Cette dernière visite est celle de Pamela White, la toute nouvelle ambassadrice qui vient tout juste la semaine dernière de présenter ses lettres de créances au Président de la République…
L’opposition quand à elle fourbie ses armes. Elle sent monter un certain mécontentement au sein d’une partie de la population agacée par les mauvaises retombées de la politique d’expulsion des camps, d’éviction des flancs de montagnes, de la lute contre la contrebande qui fait déjà grimper les prix de certains produits, de la persistance de la misère et de la faim alors que la perspective de la rentrée scolaire s’annonce difficile. (Cette rentrée vient d’être repoussée jusqu’à octobre par le gouvernement justement pour se donner le temps de mieux se préparer à cette épreuve). Elle voudrait donc pouvoir en profiter pour essayer sinon d’entamer une mobilisation (ce qu’elle tente timidement de faire au Bel-Air, à Cité Soleil et au Gonaïves) mais au moins de créer des nuisances au niveau du fonctionnement des institutions en bloquant la formation du CEPr. A ce niveau il est à noter que L’OPL (qui s’est désolidarisé de l’Alternative d’ailleurs agonisante) a fait son entrée dans l’opposition active au régime Martelly-Lamothe. Sauveur Pierre-Etienne (le coordinateur jadis très conciliant vis-à -vis de l’actuel Président et qui réclamait le départ de Préval alors rendu au terme de son mandat) multiplie les interventions anti-Martelly et déclare même que ce même René Préval n’était qu’une petite rivière de déboires comparé à Martelly qui lui en serait un océan…
Au sein du pouvoir il y a des fissures. D’abord des rumeurs persistantes circulaient sur d’éventuels heurts entre le Président et le Premier Ministre. Le récent limogeage du puissant Ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales Thierry Mayard Paul, ami d’enfance du Président par surcroit, est là pour témoigner des luttes intestines en dépit du fait que le pouvoir tente d’arrondir les angles. Des graffitis sur les murs, certains dénonçant la division et d’autres présentant Thierry Mayard Paul comme possible futur Président en 2015 (eh oui !), donnaient depuis quelque temps déjà le pouls de la situation au sein du pouvoir. Il est amusant de voir comment les murs ici ont non seulement des oreilles mais des bouches également qui peuvent donc rapporter des choses. Rappelons pour l’histoire que cette pratique des graffitis comme moyen pour mener la lutte fratricide entre les membres de la clientèle d’un même régime patrimonial a vu le jour au temps des mandats d’Aristide qui, en bon populiste, s’en servait pour semer la discorde et pour déjà se défaire de Ministres devenus entre temps indésirables…
Michel Marelly quand à lui se voit contraint de laisser à son Premier Ministre le soin de se taper les tâches ingrates. Le Président se retrouve à son aise, pas beaucoup de réunions fastidieuses exigeant des réflexions approfondies et un travail de gestionnaire, pas de conférence de presse où des journalistes pourraient en profiter pour attiser sa colère et son intolérance et lui tendre des pièges. Il préfère les apparitions publiques, les postures ostentatoires. Lorsqu’il doit parler il lit de manière calme un texte à lui proposé. Il a appris à se tenir et à tenir sa langue. Il fait ce qu’il sait faire, le show-business, c’est déjà ça. Il vient d’organiser son carnaval des fleurs (où par ailleurs des membres de sa camarilla ont profité pour faire du beurre). Fort de sa réussite il promet un carnaval de DJ’s pour octobre et un festival troubadour par après. Mais le Président peut aussi rêver. Il voudrait rétablir l’armée d’Haïti avec ses beaux uniformes (rêve de jeunesse peut-être, lui qui a été pour un temps à l’académie). Il fantasme d’u Port-au-Prince débarrassé des fatras, des tentes et des bidonvilles qui effraient les touristes. Il imagine les journalistes doux comme des montons et des parlementaires acquis à sa cause et cherchant son parapluie protecteur. Il exige des comportements respectueux des bonnes manières vis-à -vis des autorités et de lui-même en particulier, il interpelle le groupe compas Djakout #1 par exemple et lui demande de formuler des excuses publiques pour des propos déplacés tenus lors du carnaval à l’endroit de la police, lui qui avait l’habitude de se comporter de manière tellement exemplaire en de pareils circonstances… Il se montre ombrageux vis-à -vis de ses paires et accepte avec grand regret qu’il ne sait pas tout. Il devient fou de rage au constat du mauvais entretien de la Citadelle La Ferrière, laisse précipitamment les lieux et cause un accident en dévalant à vive allure la pente abrupte du Bonnet à l’Evêque au volant de son quadricycle tout terrain. Il dit qu’il travaille au bien-être de la nation sept jours sur sept, vingt quatre sur vingt quatre ou presque. Il se veut d’être un grand Président et voudrait marquer son quinquennat autant que les esprits. Il rêve, à l’instar des pères fondateurs de la patrie, d’accéder au panthéon de l’histoire. « Je rêve donc je peux » tel pourrait être en fin de compte son crédo…
On attend alors …
Liste partielle des « lancements » effectués par Michel Martelly depuis son investiture classés par ordre chronologique
5 juin 2011 : Semaine de l’enfant (bilan ?)
15 juin 2011 : Projet 400 pour cent (logement)
16 juil. 2011 : Semaine de la reconstruction (bilan ?)
21 juillet 2011 : à NY du conseil consultatif Présidentiel pour les investissements CPPI (mort-né)
25 juil. 2011 : la semaine du tourisme (bilan ?)
3 août 2011 : semaine de la technologie (bilan ?)
16 août 2011 : semaine de la gouvernance (bilan ?)
18 août 2011: Martelly et Clinton lancent un important chantier de réhabilitation urbaine
22 août 2011 : semaine de l’agriculture (bilan ?)
31 aout 2011 : Projet Village de l'espoir à savane Diane, dans la commune de St Michel...
31 Aout 2011 : Projet d'éducation gratuite (bilan ?)
21 sept. 2011 : La Première Dame lance les travaux de construction de l'hôpital communautaire de Bon Repos
Septembre 2011 : Lance 9 directeurs généraux
19 Novembre 2011 : Le processus de rétablissement de l’armée (interrompu)
29 novembre 2011 : Le Deuxième forum sur les investissements (suivi ?)
29 nov. 2011 : Pose de la première pierre du futur parc industriel de Caracol (projet du gouvernement précédent)
3 déc. 2011 : 2ème forum sur l'investissement ( il y promet 500.000 nouveaux emplois ??)
21 déc. 2011 : Programme de micro crédit dénommé ONA Pam.
16 janv. 2012: Etats généraux de la santé (suivi ?)
24 janv. 2012 : Programme d’électrification rurale (les panneaux solaires de Thierry Mayard Paul aujourd’hui limogé)
25 Jan 2012: "ABA GRANGOU" ( ??)
20 févr. 2012 : Le carnaval aux Cayes
12 mars 2012 : Les états généraux de l’investissement (bilan ?)
17 Mars 2012 : Programme de décentralisation basé sur la participation communautaire (suivi ?)
11 mai 2012 : Inaugure le nouveau local de l'ONA (Office National d’Assurance)
17 mai 2012 : Inaugure un atelier mécanique a la base navale Amiral Killick
15 mai 2012 : Inaugure le Gymnasium Vincent (projetUSAID)
22 mai 2012 : Lance le Programme d'Amélioration des Services Publics dans les locaux des Archives Nationales d'Haïti, ...
25 mai 2012 : Inaugure le Parc Michelet Destinoble à Verret
25 Mai 2012 : Inaugure des ouvrages agricoles à Bocozelle
27 mai 2012 : Inaugure une station d’épuration a Titanyen
27 mai 2012 : Lance officiellement le Programme «Ti Manman Cheri»
27 mai 2012 : Inaugure un réseau d'irrigation a St marc
29 mai 2012 : Inaugure le département de physiothérapie a l'office d'assurance des accidents
28 Mai 2012 : Lance la carte d’assurance « rose »
4 juin 2012 : La nouvelle image du pays. (Logo Haïti/Tourisme)
12 juin 2012 : L’institut national de musique d’Haïti (suivi ?)
3 Juillet 2012 : (L. Lamothe) Programme « bouche trou » (TPTC entretien routier)
4 Juillet 2012 : (L. Lamothe) Plan de lutte contre la pauvreté
7 juil. 2012 : (L. Lamothe) Bataille contre la contrebande
15 Juillet 2012 : (L. Lamothe) Le programme de crédit « Kredi Wòz pou Fanm Lakay »
30 Juillet 2012 : (L. Lamothe) lance les travaux de reconstruction du centre historique de Jacmel
9 août 2012
Claude Carré !
Source: Les Chroniques de Claude Carré