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Juge assassiné, le canada ouvre une enquête qui met le régime Martelly-Lamothe sous la sellette
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- Publié le dimanche 28 juillet 2013 18:32
Le décès d'un juge canado-haïtien soulève des doutes
Le Bureau du coroner du Québec enquête sur la mort du juge Jean Serge Joseph, un citoyen canadien d'origine haïtienne décédé à Port-au-Prince le 13 juillet. Trois autres enquêtes ont été déclenchées en Haïti pour faire la lumière sur la mort du magistrat, qui se penchait sur des allégations de corruption ciblant l'épouse et le fils du président haïtien Michel Martelly.
Le Bureau du coroner a confirmé hier à La Presse qu'une autopsie avait été pratiquée jeudi à Montréal sur le corps du magistrat. Des «informations indiquant qu'il pourrait s'agir d'un décès survenu dans des circonstances obscures» ont convaincu le coroner de fouiller le dossier.
En Haïti, des députés qualifient la mort de «suspecte». Un proche du juge a affirmé à La Presse que le magistrat de 58 ans avait subi d'importantes pressions politiques deux jours avant son décès, au cours d'une réunion à laquelle aurait notamment participé le président Martelly.
«Il était visiblement très paniqué et très stressé, c'était un homme bouleversé», dit l'avocat Samuel Madistin, qui affirme avoir rencontré le juge peu de temps après cette réunion.
La famille explique avoir demandé une autopsie pour en avoir le coeur net.
«Il y a toutes sortes de soupçons, c'est une situation qui est encore très chaude en Haïti. On veut éclaircir l'affaire pour que toute la famille ait une idée claire et nette sur ce qui s'est passé», a confié à La Presse un neveu du juge Joseph vivant à Montréal, qui a demandé qu'on taise son nom. La direction de l'hôpital privé de Port-au-Prince où s'est éteint Jean Serge Joseph a déclaré lors d'une conférence de presse que le juge était mort d'un accident vasculaire cérébral. Selon son frère, Pierre Joseph, le certificat de décès officiel mentionne aussi cette cause.
La famille du juge, qui est né en Haïti, mais a passé une grande partie de sa vie à Montréal, a fait rapatrier son corps au Québec lundi dernier. Elle a ensuite demandé au Bureau du coroner de pratiquer une autopsie.
En Haïti, la Chambre des députés, le Sénat et le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire ont tous trois déclenché des enquêtes après la mort du juge.
«À n'en pas douter, cette mort est suspecte, a dit hier à La Presse le député Sadrac Dieudonné, qui préside l'enquête déclenchée par la Chambre des députés. Le dossier que le juge traitait touchait la famille présidentielle, et nous avons plusieurs témoignages de gens qui affirment que le juge leur avait fait des confidences, avant sa mort, où il faisait état des pressions politiques qu'il aurait subies. D'après eux, ces pressions politiques peuvent être à l'origine de sa mort. Notre travail est de vérifier la véracité de ces allégations.»
L'entourage du président nie que des pressions aient été exercées sur le magistrat et allègue que des opposants tentent d'utiliser sa disparition "à des fins politiques».
Le ministère des Affaires étrangères du Canada n'a pas voulu dire s'il demandera des explications sur la mort du Canadien et a refusé de répondre à toute question touchant le dossier.
«Nos pensées sont avec la famille du défunt», s'est borné à dire le Ministère.
L'affaire a fait couler beaucoup d'encre en Haïti et a même déclenché des manifestations qui ont fait deux morts, selon des informations rapportées par les médias locaux.
«Le plus important pour moi actuellement est d'assurer la sécurité de tout le monde, a confié le neveu du juge basé à Montréal. J'ai demandé à ma grand-mère [la mère du juge] de quitter Haïti, et elle se trouve actuellement aux États-Unis.»
Selon le frère du défunt, Pierre Joseph, le juge Jean Serge Joseph a quitté Haïti pour Montréal en 1972, alors qu'il était encore adolescent. Il a fait des études de droit à l'UQAM avant de retourner dans son pays natal au milieu des années 1990.
«Pour l'instant, on ne sait rien, a dit M. Joseph à La Presse. On ne comprend pas ce qui s'est passé. Il était en bonne santé, mais on ne peut pas dire qu'il s'est passé ceci ou qu'il s'est passé cela.»
«Être magistrat en Haïti, ça expose à beaucoup de risque, a-t-il ajouté. Et pas seulement en Haïti: partout.»
Étienne Côté-Paluck,
Philippe Mercure
La Presse.ca
Photo: AP
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Fil des événements
2 JUILLET 2013 > Le juge Jean Serge Joseph ordonne au premier ministre haïtien Laurent Lamothe et à plusieurs hauts fonctionnaires de comparaître en cour. Le magistrat est alors chargé de faire la lumière sur des allégations de détournement de fonds publics et de corruption visant l'épouse et le fils du président Michel Martelly, Sophia et Olivier Martelly.
13 JUILLET 2013 > Le juge Jean Serge Joseph est reçu en urgence dans un hôpital privé de Port-au-Prince. Il y meurt quelques heures plus tard.
16 JUILLET 2013 > Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire haïtien lance une enquête sur les allégations de pressions qu'aurait subies le juge avant sa mort.
19 JUILLET 2013 > Selon des médias haïtiens, des manifestations liées au décès du juge Joseph font deux morts et sept blessés dans la commune de l'Estère, près des Gonaïves, d'où est originaire le juge Joseph.
22 JUILLET 2013 > Le corps de Jean Serge Joseph est rapatrié à Montréal par sa famille.
25 JUILLET 2013 > Le Bureau du coroner du Québec pratique une autopsie sur le corps.
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