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Le monument de Dessalines au Pont-Rouge, une honte nationale

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Parmi les monuments historiques du pays qui se détériorent ou sont délaissés faute d'entretien, le mauvais état du monument érigé à la mémoire du père fondateur de la patrie, Jean-Jacques Dessalines, au Pont-Rouge, soulève indignation et colère. Tous ceux qui ont l'occasion de fréquenter ce secteur dénoncent le fait que les autorités haïtiennes semblent ne se souvenir de l'empereur seulement une fois l'an, tout juste un peu de nettoyage pour permettre au président du moment de déposer la gerbe de fleurs traditionnelle au pied du monument.

Situé au carrefour de l'Aviation dans le quartier populeux de Chancerelles, à l'entrée nord de Port-au-Prince, le monument dédié à la mémoire du fondateur de la patrie trône aujourd'hui dans un environnement particulièrement dégradé. Devenus urinoir public et dépotoir informel, les alentours de la statue offrent un spectacle désolant : au pied de l'empereur, marchandes de fritures, de CD, de porte-clés et d'autres accessoires se disputent les clients, parmi les monceaux de détritus entre lesquels des enfants dépenaillés s'exercent à des jeux de hasard...

pont-rouge-1L'état d'insalubrité général constaté par Le Nouvelliste autour du monument suscite un sentiment de révolte chez le citoyen bien pensant. « C'est révoltant de constater l'état actuel du monument, rugit une riveraine qui habite la zone depuis plus de 30 ans. Dans les années antérieures au moins, les autorités prenaient les mesures nécessaires pour entretenir les lieux. »

Des jeunes aussi s'insurgent contre le traitement réservé à l'empereur Jean-Jacques Dessalines, le premier chef d'État de la République d'Haïti après la proclamation de l'Indépendance, le 1er janvier 1804. « Le traitement réservé au père fondateur de la nation est honteux, s'énerve Christopher, un spécialiste en patrimoine, vivant en diaspora, de passage au pays. L'État haïtien aurait dû s'investir à préserver ces monuments historiques, ne serait-ce que pour le tourisme. On claironne dans la presse qu'on veut vendre une image positive d'Haïti à l'extérieur. Pour moi, tout ça, c'est de la démagogie. »

Interrogée par le journal, Martine se dit offusquée de l'insalubrité des lieux. « Mon problème, c'est que le monument semble toujours redécouvert par les autorités à la veille de chaque 17 octobre, explique-t-elle. Des artisans et des techniciens sont alors dépêchés sur place pour nettoyer et appliquer une nouvelle couche de peinture sur les murs afin de remettre en état le monument. »

Josiane, une étudiante en gestion touristique, déplore le fait que les autorités ne se préoccupent guère des sites historiques, touristiques et patrimoniaux. « On pourrait mieux exploiter nos sites touristiques, ce qui serait bénéfique pour le pays, dit-elle. Mais nos dirigeants sont nonchalants sur ce point; notre pays a pourtant une histoire très riche et exaltante. Hélas, il n'y a aucune stratégie pour exploiter ces opportunités. »

pont-rouge-3Cela fait belle lurette que le papa d'Haïti, alors âgé de 48 ans, a été assassiné le 17 octobre 1806, suite à une conspiration des hauts gradés de l'armée. Effacé de force de la mémoire collective, l'empereur Jacques 1er a été réhabilité 42 ans plus tard par le président Louis Pierrot pour des raisons de cohésion nationale. Depuis, devoir de mémoire aidant, tous les chefs d'Etat en fonction ont honoré ce météore, cet ancien esclave entré debout dans l'histoire universelle avec la superbe dégelée infligée par l'armée indigène à celle de Napoléon.

La responsabilité de la préservation de nos monuments historiques doit s'inscrire parmi les priorités de l'Etat. Protéger nos sites est, avant tout, un acte de sauvegarde de notre mémoire. Il est temps que le patrimoine national sorte de cet abandon permanent, ne serait-ce qu'en raison du potentiel touristique et économique indéniable qu'il recèle.

Amos Cincir  Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Source: Le Nouvelliste


Jean-Jacques Dessalines (1758-1806) fut l'un des dirigeants de la révolte des esclaves à Saint-Domingue et le premier empereur d'Haïti (1804-1806) sous le nom légal de Jacques 1er. Son lieu de naissance est toujours controversé. Certains disent qu'il est né en Afrique sur la Côte-de-l'Or, d'autres dans l'Artibonite dans la paroisse des Verrettes. Chose certaine, il fut esclave à Saint-Domingue. Dans les années qui suivirent le début de la révolte en 1791, il devint lieutenant de Toussaint-Louverture, organisa en 1802 la mutinerie de l'armée indigène contre l'ordre napoléonien et combattit le général français Charles Leclerc.

Après la déportation de Toussaint Louverture, il se soumet à la France. S'étant insurgé peu après, il se retira au nord de l'île et réussit à repousser Rochambeau qui avait succédé à Leclerc après un sanglant combat à Saint-Marc. Il réussit en 1803 à vaincre les Français à la bataille de Vertières et, le 1er janvier 1804, proclame l'indépendance de son pays. Il se fait d'abord nommer gouverneur général à vie, puis empereur sous le nom de Jacques 1er. Il a été assassiné le 17 octobre 1806 au pont Larnage appelé depuis Pont-Rouge.