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Parlement vs exécutif : comme si la crise se précise...

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Si rien ne confirme les rumeurs des menaces pesant sur certains députés, la justice cherche à lever l'immunité parlementaire de deux députés, et le gouvernement a décidé d'interdire l'accès direct des élus aux ministres pour jobs et projets. Tout se passe sur fond de bruits de casse au PSP, le bloc parlementaire soutenant le président Michel Martelly.

Le Parlement, construit sur le littoral, est bercé par le vent du large. Ces jours-ci, la mer indiffère et on observe moins les bateaux qui jettent l'ancre au port de Port-au-Prince, juste à côté. Certains députés et sénateurs ont la tête des mauvais jours. Les « chwichwi » des groupuscules sur la cour vont bon train et les huis clos se multiplient. « On est en pleine crise », confie le bruyant sénateur Steven Y. Benoît, mercredi, en milieu de journée. Il ne comprend toujours pas pourquoi le président du Sénat, Simon Dieuseul Desras, n'a pas signé la lettre de transmission des noms des trois représentants du Parlement au CTCEP à la présidence. « Desras, insiste Benoît, me doit des explications. »

En off, un député tranche : « Tout le monde avait un candidat en poche. Y compris les sénateurs Benoît et William Jeanty ». Le choix des représentants du Parlement au CTCEP divise. « Pas pour les mêmes raisons », souligne ce député, aligné cependant sur une observation du sénateur Benoît : « c'est la crise ». Les menaces contre le président de la Chambre des députés, Jean Tolbert Alexis, ont jeté de l'huile sur le feu. Pis, elles ont fragilisé encore plus le bloc Parlementaires pour la stabilité et le progrès (PSP), en proie à des rivalités internes. Des rivalités ajoutées à une velléité d'abandonner le navire exprimée par des députés, brutalement sevrés de « privilèges » et des largesses de l'exécutif.

« Le bloc existe toujours », assure son porte-parole, le député Abel Descollines. Incapable de dissimuler les malaises au sein de cette structure et de certains éléments de ladite structure avec le président Michel Joseph Martelly, Abel Descollines reconnaît que le « le PSP est en crise ». « Il y a un malaise qui n'est pas une fatalité », souligne le député. Il calme le jeu. « Face à cette crise, les acteurs doivent faire preuve de pondération », appelle Descollines, pas sans rappeler que soutenir l'action gouvernementale ne prive aucunement un parlementaire de son « autonomie ». Il ne s'enflamme pas : « Si menace il y a contre la personne de Tolbert Alexis, nous le déplorons. ». « On ne va pas alimenter des rumeurs. Les autorités doivent diligenter une enquête », soutient Abel Descollines.

Si le parlementaire tente de coller les morceaux d'une majorité présidentielle aujourd'hui au bord de l'éclatement, le député Jean-Tolbert Alexis ne dit pas s'il est toujours membre ou non du PSP. Le Parlement ne peut pas être « vassalisé », répète-t-il systématiquement à chaque interview ces derniers jours.

Et dans le jeu où l'on semble montrer ses muscles, l'exécutif avait pris une longueur d'avance. Finis les privilèges! En Conseil des ministres, le 13 mars dernier, l'exécutif a décidé que les parlementaires soumettent au ministre chargé des relations avec le Parlement, Ralph Théano, tous les projets et demandes d'emplois.

Entre-temps, des gens employés sur recommandation de parlementaires sont mis à pied, selon des députés qui crient au scandale, sans savoir que l'on casse du sucre sur leur dos dans les couloirs de certains ministères où on les appelle « les insatiables brasseurs ». Comme une bouilloire, au Parlement, d'autres petites affaires, susceptibles de rendre l'atmosphère plus délétère, éclatent. Au terme d'une rencontre avec le président Tolbert Alexis-, certains disent pour le rabibocher avec Martelly-, Joseph Lambert, usant de son droit de réponse, traite le député Levaillant Louis-Jeune, son ex-compagnon politique, de « sans vergogne », « sans moral», « sans scrupule ». Lambert, conseillé politique du président Michel Joseph Martelly, souligne que le député Levaillant est un invertébré, « M. Reliquat », un homme sans personnalité qui a mis une cagoule pour venir chercher de l'argent au palais national alors qu'il est un pourfendeur à la radio du président Michel Joseph Martelly. L'ex-sénateur indique que Levaillant Louis-Jeune a des activités à Pitimi, un quartier situé en plaine qui devrait intéresser l'UCREF et l'ULCC. « Si j'avais trouvé Levaillant, il aurait passé un mauvais moment », menace Joseph Lambert qui souligne n'être pas accroché à l'immunité, comme le prétend Levaillant Louis-Jeune. « Depuis le 8 mai 2012, je vis sans immunité », poursuit Lambert, ajoutant que l'ex-sénateur Youri Latortue, lui aussi concerné par ces mêmes allégations, s'est rendu à Desdunes pour s'expliquer avec le député Levaillant Louis-Jeune.

Comme pour éviter que la crise qui se précise ne s'installe, des acteurs de la communauté internationale réaffirment que les élections doivent se tenir cette année...Gageure. Le temps le dira. En attendant, le président Michel Joseph Martelly, hors du pays, est attendu au tournant.

Va-t-il recoller les morceaux ? Possible.

Questionné dans la presse, le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui n'a plus tout le soutien de Joseph Lambert, n'écarte pas la possibilité de « servir le pays ailleurs ». « J'ai la compétence et la formation pour être ministre des Finances, ambassadeur », confie Ralph Théano sur Scoop FM en fin d'après-midi. Requinqué par la brouille entre Martelly et PSP, certains, comme le sénateur Wesner Policarpe, rêvent que la Chambre des députés mette le président Martelly en accusation. Le chef de l'État est un Américain, balance le sénateur pour qui l'enquête sur la double nationalité du chef de l'État n'est pas close.

Bouillonnant, ce Parlement n'est pas aimé. C'est un Parlement peu productif et budgétivore, disent ses détracteurs. Il est nécessaire à la santé de la démocratie dont Haïti en fait l'apprentissage. Crise au pas, en début d'après-midi, le vent n'a pas arrêté de souffler sur le Parlement. Un kalewès, venu de la mer.

Roberson Alphonse
Source: Le Nouvelliste

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