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Michel Soukar: BILAN DE L’ANNEE 2009
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- Publié le jeudi 20 décembre 2012 20:40
Quand ce ne sont pas les catastrophes naturelles, ce sont l’incohérence, l’inconsistance, l’insouciance et l’incompétence des acteurs politiques, sociaux et économiques qui assombrissent le bilan de l’année.
I. PLAN POLITIQUE
Cette année encore, l’organisation non gouvernementale allemande Transparency International classe Haïti parmi les pays les plus corrompus de la planète dans son rapport sur la perception de la corruption dans le monde. Le Département d’État a également dénoncé la corruption dans la justice et dans le gouvernement dans son rapport annuel.
L’enquête sur la disparition du Président de la Commission Nationale de Passation des Marches Publics (CNMP) n’a bizarrement pas abouti. Près d’un an après, la justice et la police sont incapables de faire le jour sur l’enlèvement de Robert Marcello le 12 janvier 2009.
Le comportement de la justice laisse à désirer dans le traitement des dossiers relatifs aux scandales de drogue de Port-de-Paix et de la disparition d’un bateau de riz dans le port de Saint-Marc.
Le Président Préval dénonce pourtant la corruption dans la justice dans son discours d’installation de la commission présidentielle sur la reforme du droit et de la justice présidée par Micha Gaillard.
Le pouvoir exécutif n’est pas favorable à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Pourquoi, deux ans après le vote et la promulgation des lois sur la création du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), le statut de la magistrature et l’école de la magistrature, rien n’est-il fait pour les appliquer?
Les vacances créées par la mort de juges à la Cour de Cassation ne sont pas comblées depuis deux ans. Jusqu'à présent, cette Cour est dirigée par un Président a.i.
Pourquoi le Président Préval n’a –t-il pas confirmé la nomination de Me Georges Moise, comme président de la Cour ? Aujourd’hui, le Ministre de la Justice Paul Denis déclare que les juges nommés sous le gouvernement de transition l’ont été en dehors de la Constitution de 1987.
D’aucuns soupçonnent le Président Préval de n’être pas confortable avec la liste des prétendants soumise par le Sénat de la République et le profil des candidats appelés à former le CSPJ. C’est faux rétorque le Ministre. Le Président de la République attend pluftôt que le Sénat lui soumette des noms en vue du remplacement de tous les juges à la Cour de Cassation.
On passe plus de temps à dénoncer la surpopulation carcérale et la détention préventive prolongée que de s’attaquer à leur cause réelle. La situation à la prison est l’expression du dysfonctionnement de la justice dans le pays.
Il est temps de créer un pouvoir judiciaire indépendant et impartial dans ce pays. Il est temps de revoir, par exemple, la géographie judiciaire en dotant chaque département géographique d’une Cour d’Appel et chaque agglomération de plus de 50.000 habitants d’un tribunal de paix et d’un bureau d’état civil.
Le Président Préval est atteint du syndrome de la formation de commissions. C’est une façon détournée de dérober à ses responsabilités et de s’adonner à des manœuvres dilatoires.
Pas moins de dix (10) commissions ont été formées pour réfléchir et effectuer des recommandations sur des sujets aussi variés que la compétitivité de l’économie, l’éducation, la justice, et l’amendement de la Constitution de 1987. La formation de commissions est symptomatique du mauvais fonctionnement de l’administration publique qui doit concevoir, élaborer et mettre en œuvre les politiques publiques.
Le pouvoir exécutif change, à volonté, la composition du Conseil Électoral Provisoire (CEP) en vue de l’organisation d’élections frauduleuses et sans participation populaire.
Le gouvernement a gaspillé 197 millions de dollars américains, provenant du programme petro caribe, dans des projets bidon au lieu de s’attaquer aux problèmes d’infrastructures du pays. L’impossibilité de justifier l’emploi de ces fonds a jeté le doute sur la gestion du Premier Ministre Michèle Duvivier Pierre Louis qui a servi de bouc émissaire.
Le Président de la République introduit au Sénat de la République des hommes de sac et de corde mus par le seul désir de voter tout ce que l’exécutif propose.
Le parlement est improductif. Il est plus enclin à voter des lois à caractère populiste que celles répondant à la demande sociale et citoyenne. En témoignent la loi sur le salaire minimum et celui sur le contrôle des frais scolaires.
Le parlement choisit un prétexte pour renvoyer le Premier Ministre Michèle Duvivier Pierre Louis au lieu d’invoquer le changement de majorité au Sénat. Ce qui est compréhensible dans un système semi-parlementaire.
Le Président Préval est obnubilé par la question de l’amendement de la Constitution au point de prendre en otage le processus électoral et de démanteler les partis politiques.
Le Président Préval utilise les fonds du trésor public pour soudoyer les membres des conseils d’administration des sections communales, des cadres et dirigeants de nombreux partis politiques pour former sa plate forme électorale en vue d’avoir la majorité au parlement.
Cette plate forme est dirigée par le Ministre de la Justice, celui chargé d’autoriser le fonctionnement de partis politiques sur le territoire.
Le changement de gouvernement n’est motivé ni par le souci d’efficacité ni par la recherche de résultats. En remplaçant Madame Pierre Louis par Monsieur Joseph Jean Max Bellerive, Ministre de la Planification et de la Coopération Externe dans les précédents gouvernements renvoyés pour cause d’incompétence, le Président opte pour le changement dans la continuité.
Le Président Préval désire – t - il de garder le pouvoir comme le font Hugo Chavez au Venezuela, Evo Morales en Bolivie et Rafael Correa en Équateur sans leurs moyens et sans leurs résultats?
La classe politique est composée de leaders sans partis et de partis sans leadership. Les mêmes têtes, les mêmes visages trônent dans les directoires de certains partis depuis plus de vingt ans.
52 partis politiques et 926 candidats concourent pour combler 110 postes électifs à l’ occasion des prochaines élections législatives et sénatoriales partielles.
II. PLAN ECONOMIQUE
Haïti est encore mal classée dans le rapport sur l’environnement des affaires dans le monde. En dépit des efforts timides de réhabilitation de certaines infrastructures routières, les infrastructures portuaires et le courant électrique sont parmi les plus chères de la région.
Le gouvernement ne se soucie pas de mettre en œuvre le document stratégique national sur la croissance et la réduction de la pauvreté dicté par les institutions financières internationales. La promotion de la production nationale est un slogan.
La loi Hope II et les programmes d’ajustement structurel ne peuvent tenir lieu de politique économique. Maintenant que la plupart des bailleurs de fonds internationaux annulent une partie de la dette externe d’Haïti, le gouvernement n’a pas encore présenté un plan de l’utilisation des économies réalisées sur le non-paiement de l’intégralité du service de la dette.
Le gouvernement pratique un relèvement du tarif douanier simplement dans le but de s’aligner sur celui pratiqué dans les pays de la CARICOM et non par souci de protection d’une production locale de biens et de services.
Le gouvernement accepte de signer les accords de partenariat économique (ape) avec l’union européenne et les pays ACP pendant que le pays importe tout ce qu’il consomme.
Le plan de développement du tourisme est un slogan. Le gouvernement n’a pas pris les dispositions nécessaires en vue d’exploiter valablement les richesses naturelles du pays.
III. PLAN SOCIAL
Haïti est encore au bas du classement dans le rapport des Nations-Unies sur le développement humain.
Les Haïtiens prennent la mer pour fuir la misère et se font rapatrier par milliers des États-Unis, de Bahamas et des Iles turques et Caicos. Ils vivent un calvaire en République Dominicaine.
La Faculté de Médecine et de Pharmacie est fermée de puis plus de huit mois. Les motifs de départ invoqués par les étudiants paraissaient légitimes. Puis, ils se sont laissé manipuler par des politiciens nostalgiques d’instabilité. Ils ont adopté un agenda à géométrie variable.
La société civile organisée n’est pas financièrement autonome. Elle est tributaire du financement international. Quand ce financement tarit, les projets de plaidoirie ferment. Aujourd’hui les créneaux du secteur revendicatif sont réduits à la lutte contre le VIH-SIDA et le réchauffement climatique, thèmes chers aux altermondialistes. C’est ce qui explique le manque ou l’absence de soutien à la mobilisation estudiantine.
L’insécurité resurgit et cause d’innocentes victimes au sein de la population en cette fin d’année.
Le Secrétaire Général des Nations-Unies choisit de doubler son Représentant spécial en Haïti par un Envoyé spécial charge de promouvoir l’image d’Haïti.
Ce faisant, il appointe un lobbyiste de luxe :Bill Clinton, pour prendre la direction d’une caravane d’investisseurs potentiels et d’organiser une conférence internationale sur l’investissement direct étranger en Haïti.
Les chambres de commerce haïtiennes n’avaient pas de projets concrets à présenter sinon que des projections sur Powerpoint sur les potentialités d’Haïti.
Le Conseil de Sécurité des Nations-Unies continue de considérer Haïti comme une menace à la sécurité de la région, ce pour les besoins du maintien et du renouvellement du mandat de la MINUSTAH.
L’expert des Nations-Unies pour les droits de l’Homme s’érige en donneur de leçons et en défenseur du Conseil Électoral Provisoire, justifiant l’exclusion de partis politiques haïtiens de la course électorale.
C’est l’étranger qui planifie, finance et contrôle nos élections.
IV. EN GUISE DE VÅ’UX
L’heure est grave. Le temps de l’amateurisme, du messianisme et du populisme est révolu. En deux cent cinq (205) ans d’existence à la fois comme pays et comme peuple, nous avons déjà tout essayé. Sur le plan politique, nous avons essaye l’empire, la royauté et la république. Nous avons renversé des dictateurs doux, modérés et féroces.
Nous attribuons toujours nos échecs au mauvais sort du colonialisme. Nous rejetons nos torts sur les autres. Nous abandonnons nos responsabilités aux autres. Nous recherchons la satisfaction et la joie chez d’autres. Nous sommes tout sauf des citoyens. Nous sommes tout sauf des patriotes.
Haïti n’a pas un problème de ressources naturelles. Le problème d’Haïti, ce sont les Haïtiens. Le problème d’Haïti, ce sont les élites intellectuelles, religieuses, politiques, économiques et sociales. Individuellement, l’Haïtien moyen réussit sous tous les cieux sauf en Haïti. Le problème d’Haïti, c’est nous.
Nous attendons que l’autre vienne faire la révolution pour nous. Nous accumulons les immondices partout. Nous polluons nos rues, nos rivières et attendons que l’étranger vienne nous aider à curer nos canaux et à assainir notre environnement. Nous n’aimons pas l’étranger. Mais nous aimons son argent. Nous n’acceptons pas la diaspora, mais nous aimons ses transferts d’argent.
La population est analphabète parce que nous ne construisons pas assez d’écoles. La population est pauvre parce que nous ne lui donnons pas de travail. La population est en mauvaise santé parce que nous ne construisons pas d’hôpitaux susceptibles de lui prodiguer des soins appropriés. La population est en guenilles parce que nous laissons le soin au pèpè de le faire. La population vit dans des bidonvilles parce que nous ne lui avons pas construit des logements décents.
L’année 2010 sera ce que nous voulons qu’elle soit. C’est l’année de la révision de la Constitution de 1987. C’est une année électoral. Ressaisissons-nous. Organisons-nous. Autrement, en 2011 nous allons nous retrouver avec un dictateur parasite, sans vision, sans parti et sans programme. La dictature est à nos portes. Ce n’est pas la communauté internationale qui nous en libérera. Au contraire! Arrêtons de gaspiller nos ressources et d’attendre les miettes des autres. L’aide étrangère n’a favorisé le développement nulle part sur la planète Cessons de donner raison à ceux qui croient que nous sommes incapables de donner une direction éclairée et efficace à notre pays...
Michel SOUKAR
Décembre 2009