Economie
Ces domaines où riches et pauvres partagent les mêmes précarités en Haïti
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Lundi s’ouvrent deux sommets. L’un sur les infrastructures et leur financement. L’autre sur les technologies de l’information et la finance. Lundi, la propriété la plus onéreuse du pays, située dans le quartier où le mètre carré se négocie au plus haut prix, sera logée à la même enseigne que le taudis du plus misérable bidonville de la région métropolitaine.
Hasard ou symétrie parfaite, en Haïti, les très riches et les très pauvres habitent à la périphérie de la capitale. Les pauvres sont tenus éloignés des centres-villes car ils ne peuvent se payer le droit d’y habiter, les riches s’en éloignent pour se différencier.
Près de la mer ou en montagne, le monde des ultra-riches comme celui des très miséreux souffrent de l'absence des infrastructures de base. Dans les quartiers riches, on achète de l’eau par camion et on le stocke dans d’immenses réservoirs. Dans les quartiers pauvres, ne disposant pas d’espace pour entreposer le précieux liquide, on achète l’eau par petit sachet de 8oz ou par gallon. Ni les riches ni les pauvres en Haïti ne bénéficient du luxe de l’adduction d'eau potable. La Dinepa, le service public de distribution de l’eau, n’a pas cent mille abonnés pour onze millions d’habitants.
Les riches ont des génératrices, des inverters, des panneaux solaires, des batteries par douzaines et autres moyens de génération et de conservation de l’énergie électrique. Les pauvres disposent aussi des mêmes équipements en moins grand nombre. Souvent ce qui a fini de servir chez les uns est recyclé chez les autres. Riches et pauvres n’ont pas d’électricité en Haïti et tâtonnent dans le black-out commun dès qu’ils sortent du périmètre de leur résidence. L’Électricité d'Haïti n’a pas cinq cent mille clients pour tout le pays.
Pour aller chez les riches comme pour aller chez les pauvres, il faut salir ses chaussures. Il n’y a pas de routes revêtues et bien entretenues dans les bidonvilles. Il n’y en a pas non plus dans les plus beaux quartiers. Il n’y a pas de trottoir. Il n’y a pas de caniveau. Il n’y a pas de tout à l’égout. Au Morne- Calvaire comme à Cité-Carton. On va à motocyclette ou en grosse 4X4 pour oublier que les infrastructures des transports sont en dessous des normes.
Quand il pleut, les riches comme les pauvres sont inquiets en Haïti. Le drainage est rare. L’évacuation des eaux pluviales est du domaine privé et chacun fait comme il peut. Cela fait des décennies que l’on ne parle plus de contenir les eaux, usées ou tombées du ciel, dans un système pensé en Haïti. Dans toutes les villes, il en est ainsi. Le riche comme le pauvre vivent avec le fruit de leurs viscères sous leurs pieds ou sous leur terre. Les ordures sont le mal le mieux réparti entre riches et pauvres en Haïti. Chacun fait de son mieux pour les cacher ou les jeter. La Dinepa, responsable de l’assainissement, le Service métropolitain de collecte des résidus solides (SMCRS) et les mairies n’ont pas les équipements, le budget, la vision ni la volonté de faire mieux que le bégaiement qui caractérise leur action depuis des décennies. Les fatras sont les meilleurs amis de l’homme. Que l’on paie ou qu'on s’en débarrasse en douce sur la chaussée, personne ne veut se préoccuper de ce qu’il advient de nos déchets dans les beaux quartiers comme dans les cloaques.
Le riche comme le pauvre ont le dernier téléphone intelligent en Haïti. L’un l’a payé au prix fort, l’autre l’a reçu en cadeau d’un parent de la diaspora. Le riche comme le pauvre ne font pas assez confiance à une compagnie pour que toute la famille ait le même opérateur. On diversifie. On divise les risques de la panne ou du mauvais service en misant sur plusieurs chevaux dans ce domaine comme dans d’autres. Dans le secteur des télécommunications, la loi sous l’égide de laquelle vivent les riches et les pauvres est désuète, mais c’est la loi. Elle n’encourage ni l’avancement indigène de la technologie ni le service public. Chacun se contente de consommer sans synergie.
Toute la semaine qui vient, on va parler de nos infrastructures et de leur (sous) financement. Des technologies de l’information et de la finance. Il y a beaucoup à dire et des retards immenses à combler dans ces domaines où les rares avancées sont de simples arbrisseaux qui cachent le désert.
Le sort des riches et celui des pauvres diffèrent par les moyens dont disposent les uns opposés au dénuement des autres, mais en Haïti, pour les besoins primaires en infrastructures, les riches et les pauvres souffrent des mêmes lacunes, des mêmes précarités.
Et quand tout va bien et que les investissements sont faits dans le domaine des infrastructures, on les entretient mal, on les préserve mal, on les protège mal. D'une loi mal faite, mal appliquée aux pompiers inexistants, nos vies, nos biens et notre bien-être sont à la merci du Bon Dieu Bon.
Source: Editorial du Nouvelliste
Frantz Duval
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