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Par  Marc Prince --- Il y a bien des gens qui ont des doutes sur l'avenir d'Haïti ou sur le potentiel de sa diaspora[1]. Cependant, lorsque l'on voit l'énergie que déploient certains organismes de la communauté Haïtienne, un nouveau visage semble se dessiner pour Haïti. Deux récentes réalisations de la Fondation Kanpe (http://www.kanpe.org/) et de la Haitian Hometown Association Ressources Group (http://www.haitiresourcegroup.org/) ont ainsi offerts à Montréal et New York deux événements dignes de susciter les plus grands espoirs en l'avenir d'Haïti et ce grâce à la diaspora haïtienne.

KanpeNaval ou la Marchandisation de la Culture Haïtienne

La marchandisation est le processus de mise en marché de certains biens qui, a priori, n'ont pas de valeur commerciale. Suivant l'école de pensée dont ils se réclament, les gens se font des idées plus ou moins négatives ou péjoratives du concept. Comment voudriez-vous commercialiser l'éducation, la santé, le régime des retraites ou une culture nationale par exemple? Les biens culturels sont publics et devraient être libres d'accès, vous diront-ils. Ils oublient simplement qu'il y a toujours quelqu'un qui paie pour la consommation. Selon cette vision, le Carnaval Haïtien, en tant que bien culturel, devrait être exclusivement financé à partir des fonds du trésor public. Une telle approche néglige simplement le sous-financement, par conséquent la sous-production des biens libres d'accès.

Le paradigme utilisé au KanpeNaval (Kanaval Kanpe), le 23 février 2013 est tout à fait différent. La culture haïtienne appartient à tous les haïtiens[2], mais il peut être vendu et consommé individuellement, donc marchandisé, même à l'étranger. C'est ce qui a fait la force de l'approche Kanpe. En effet, ils ont su réunir toutes les sympathies naturelles et la bonne réputation dont jouit la communauté haïtienne au Québec pour projeter une image positive d'Haïti à travers son carnaval. De même, cet évènement a permis à la Fondation Kanpe d'effectuer un lever de fonds pour la communauté de Baille Tourible au Plateau Central.

Environ 600 personnes ont pris part à cet événement qui a mis en scène le groupe Doody & Kamy, un mix afro-haïtien cuisiné à Montréal (http://doody-kami.com/index.php/fr/) avec comme invité spécial les supers stars de Arcade Fire qui sont en train de réaliser un 'mix d'enfer' entre la percussion haïtienne (notre tamtam national) et des instruments plus classiques tels la guitare, le violon, etc. (http://www.arcadefire.com/). Ça m'a fait penser à Boukman Eksperyans, le groupe RAM ou Lenor Fortuné dit Azor. Ce fut vraiment l'apothéose de voir tous ces VIP, vedettes réelles du monde politique et du show-bizz québécois qui avaient payé jusqu'à $400[3] pour la soirée, applaudir et scander les tubes du groupe Arcade Fire. Mais le clou de la soirée a été le 'Balinjo' de Boukman Eksperyans, tourné par le DJ, qui a littéralement embrasé la salle. Chez nous, on dirait que 'Balinjo te mete tout moun nan won' du Consul Général d'Haïti à Montréal au plus Canadien des participants, tout moun tap souke tchatcha yo. Sanble tout moun te gen lwa!
(http://herby.tv/2013/02/16780/?fb_action_ids=10151527089049282&fb_action_types=og.likes&fb_source=aggregation&fb_aggregation_id=246965925417366)

Invest Haiti 2013 ou la Philanthropie Autrement


C'est un fait indéniable que la diaspora constitue la principale source de financement du tiers monde. Au-delà de l'arrogance de l'aide au développement ou des aléas de l'investissement étranger direct, le soutien des diasporas à leur mère patrie est inconditionnel et tend même à augmenter en période de crise. Certains pays, dont le Mexique, le Canada et les États-Unis par exemple, ont des observatoires académiques, des centres de recherches universitaires, des think thanks qui monitorisent[4] le phénomène migratoire à la loupe. Outre l'Organisation Internationale de la Migration (OIM), la Banque Mondiale dispose d'un institut qui surveille spécialement les flux de rémittences à travers le monde. Notre diaspora n'échappe non plus à cette dynamique, même si son niveau d'organisation et de culture civique n'a pas encore atteint celui des grandes diasporas telles la juive, la chinoise, l'hindoue, la mexicaine ou la philippine.

Une conférence sur l'investissement en Haïti a eu lieu ce samedi 16 mars 2013 au School for International and Public Affairs (SIPA) à Columbia University à NY, sous le haut patronage de l'USAID, le PADF, le State Department et la Haitian Hometown Association Ressource Group (HHARG). Ce fut l'occasion pour plus de 200 personnes de différents horizons, en provenance d'Haïti, de la Floride, de grande région de New York, du Massachussetts, du Canada, etc., de partager leur expérience sur la micro-finance, les petites et moyennes entreprises en Haïti et dans la diaspora (51,675 twits au compte #iHaitipNY).

Dans ses propos d'introduction, l'organisatrice principale de la conférence, Katleen Félix a mis en exergue son expérience avec Fonkoze (http://www.fonkoze.org/), Zafèn (https://www.zafen.org/) et les différentes organisations de migrants haïtiens en Amérique du Nord. Elle a attiré l'attention de l'auditoire sur le risque qu'encourent les haïtiens de la diaspora de s'appauvrir en tentant de porter secours à leurs proches en Haïti. Pour surmonter ce dilemme, elle propose de penser à une win-win stratégie où aider Haïti ne serait plus une œuvre caritative mais un business, dans le vrai sens du terme. Quels sont les secteurs porteurs en Haïti? Comment faire des affaires en Haïti tout en aidant nos frères à sortir de cette situation de vulnérabilité? Comment convertir l'assistance en partenariat? Telles sont les questions que les participants ont été invités à explorer durant toute une journée.

Invitée à prendre la parole, la Ministre de la Diaspora[5], Madame Bérénice Fidélia a mentionné les différentes avancées du Centre de Facilitation des Investissements (CFI) dans l'allègement des procédures en vue de rendre la création des entreprises plus simple et plus rapide. Elle a cité en exemple, la possibilité d'effectuer toutes les démarches d'enregistrement d'une entreprise en ligne, la réduction de 50% des frais d'enregistrement en faveur de la diaspora et la réduction significative du nombre de jours requis pour enregistrer une entreprise en Haïti.

Diverses personnalités sont intervenues au cours de la journée, dont l'ancien Premier Ministre Garry Conille, aujourd'hui Représentant du Secrétaire Général de l'ONU auprès de la Présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, prix Nobel de la paix 2011; la Dr Tatiana Wah, Director of Haiti Programs, Professeure à la SIPA et attachée à Earth Institute de Columbia University, dirigé par le Pr Jeffrey Sachs; un représentant du CFI; un membre de la Chambre de Commerce Haitiano-américaine; un représentant de la PADF pour parler du projet LEAD en Haïti. Plusieurs investisseurs en Haïti et dans la diaspora ont partagé leur expérience avec l'assistance. Mais la plus chaleureusement applaudie a été celle de la jeune Yve-Car Mompérousse de Kreyol Essence (http://www.kreyolessence.com/) qui commercialise les produits de beauté créole, dont notre vénérable 'lwil maskriti'.

Diverses personnalités sont intervenues au cours de la journée, dont l'ancien Premier Ministre Garry Conille, aujourd'hui Représentant du Secrétaire Général de l'ONU auprès de la Présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, prix Nobel de la paix 2011; la Dr Tatiana Wah, Director of Haiti Programs, Professeure à la SIPA et attachée à Earth Institute de Columbia University, dirigé par le Pr Jeffrey Sachs; un représentant du CFI; un membre de la Chambre de Commerce Haitiano-américaine; un représentant de la PADF pour parler du projet LEAD en Haïti. Plusieurs investisseurs en Haïti et dans la diaspora ont partagé leur expérience avec l'assistance. Mais la plus impactante et chaleureusement applaudie aussi été celle de la jeune Yve-car Mompérousse de Kreyol Essence (http://www.kreyolessence.com/) qui est en train de commercialiser les produits de beauté créole, dont notre vénérable 'lwil maskriti'.

Quelle est la prochaine étape?

Le chemin vers le développement est long, tortueux et chargé d'embuches. Haïti a donc besoin de fédérer toutes ses ressources humaines, aussi bien les locaux que les expatriés, autour d'un projet commun : une stratégie de développement à long terme. Ce processus commence par l'inventaire de ces ressources. Il faut donc répliquer ces forums qui permettent aux différentes associations haïtiennes de la diaspora de se rencontrer et de partager leurs expériences avec des compatriotes venus d'Haïti aussi. La diaspora doit s'organiser et se renforcer afin de pouvoir soutenir ses membres en difficulté, cela consolidera la loyauté des migrants haïtiens envers les organisations et le leadership au sein de la diaspora.

Nous devons aussi développer un capitalisme viable et équitable aussi bien dans la diaspora qu'en Haïti. Ce processus inclut une prise de conscience du potentiel financier et économique d'une diaspora unie, mais aussi la mise en place d'institutions garantissant un climat propice au développement des affaires en Haïti. Au-delà d'un simple droit de vote à l'étranger, nous devons penser à un engagement civique dans la diaspora. C'est-à-dire, parvenir à une fiscalité dans la diaspora, en passant bien sûr par la représentation des Haïtiens vivant à l'étranger au Parlement haïtien. La diaspora peut apporter son expertise, son savoir-faire et son expérience, encore faut-il qu'elle y pense. Je crois avoir lu quelque part que : « La foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend vient de la parole de Dieu ». Après avoir observé de près la conjonction de tant de capacité, la synergie de tant de Bac + 5 œuvrant bénévolement au service d'un pays dont le niveau moyen de scolarisation est de 4.5 années, je n'ai aucun doute que l'avenir d'Haïti dépend d'une intégration harmonieuse de tous ses fils. Orientons-nous vers ce but, nous le devons à nos ancêtres et aussi à notre postérité!

[1] J'aurais dû dire de ses diasporas, car la diaspora haïtienne est très hétérogène, aussi bien géographiquement qu'à travers des différentes générations et strates sociales.
[2] Je dirais même est dans tous les haïtiens.
[3] Les entrées normales étaient fixées à $175
[4] Monitoriser n'est pas français, cependant nous estimons qu'il traduit mieux l'expression anglaise 'monitoring' que son équivalent français 'suivi'.
[5] Le nom officiel est Ministère des Haïtiens Vivant à l'Étranger (MHAVE)

Source: Tout Haiti Forum