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L’importation massive d’œufs et de volailles inquiète les productrices et producteurs au Plateau Central

haiti-PoulaillersHinche, 13 juin 2012  Au Plateau Central, celles et ceux, qui entretiennent des poulaillers ou qui vivent, d’une manière ou d’une autre, de l’aviculture, sont en colère contre les autorités haïtiennes qu’ils accusent d’observer une attitude passive devant l’importation accrue d’œufs et de viande de poulets sur le marché haïtien, suivant leurs propos recueillis par l’agence en ligne AlterPresse.

Les aviculteurs du département du Centre, proche de la frontière dominicaine - d’où proviennent la plupart de ces produits -, sont surtout inquiets.

« Trop de personnes s’intéressent à la vente des morceaux de poulets importés et tant d’autres les consomment sans broncher. Comment pourrais-je espérer tirer des bénéfices de ma production d’œufs et de volailles », se plaint Camille Joseph, docteur en médecine vétérinaire et propriétaire de deux poulaillers à Papaye (à 10 km au nord-est de Hinche).

Joseph presse le gouvernement Martelly/Lamothe d’adopter des mesures concrètes en vue de protéger la production agricole locale, y compris l’élevage.

Camille Joseph encourage aussi la population à se nourrir de produits locaux pour garantir leur propre santé.

« Si vous consommez les œufs et la viande, issus de nos poulaillers, vous vivrez beaucoup plus longtemps, parce que ce sont des produits organiques », rappelle t-il.

Un jeune travailleur paysan, Jonas Louicius, qui vient tout juste de construire son petit poulailler dans la localité de Décidé (section communale de Juanaria, dans la commune de Hinche), projette d’arrêter son initiative, parce que les importatrices et importateurs de volailles étrangères ne lui accorderont aucune chance.

« Je vendais de très grandes variétés de volailles comme : la pintade, la poule, le coq, le pigeon, le canard et la dinde. Mais, à cause de l’importation de volailles étrangères, notre clientèle tend aujourd’hui à nous tourner le dos », déplore t-il.

Dans les communes de Mirebalais et de Lascahobas, dans le bas Plateau Central, le commerce de poulets et d’autres volailles importés est très répandu.

« Je vais me réunir avec tous les producteurs de volailles et les éleveurs du Plateau Central pour donner une réponse proportionnelle à ce préjudice », menace le producteur Waking Novembre, qui dirige son propre poulailler.

« J’ai déjà enregistré d’énormes pertes. Pour la seule année précédente 2011), j’ai accusé un déficit de 200,000 gourdes [US $ 1.00 = 43.00 gourdes ; 1 euro = 58.00 gourdes]. L’arrivée massive des poules dominicaines nous a obligé à vendre les nôtres à un prix dérisoire », ajoute Novembre.

Les paysannes et paysans, qui pratiquent l’élevage et le commerce de poules organiques au Plateau central, expriment leurs craintes par rapport à l’invasion massive d’œufs et de volailles (en provenance de l’extérieur d’Haïti) sur le marche national.

Ils se plaignent de ne pas pouvoir écouler leur production comme auparavant.

Celles et ceux, qui vendent des poissons d’eau douce - issus de systèmes de pisciculture locale avec les lacs collinaires dans le département du Plateau central, sont également affectés par l’arrivée importante et incessante de poissons importés.

« Les gens ne s’intéressent plus à nos volailles à cause de l’afflux de viande importée », se désole Macula Jacques, habitante de Maissade (haut Plateau Central), vendeuse de poulets depuis 1995.

Avoir le choix…

Pour leur part, les consommatrices et consommateurs se défendent de n’avoir pas toujours le choix.

Mirana Sarius, une jeune de 26 ans, originaire de Cité silence - un quartier de la ville de Hinche -, affirme préférer acheter de la viande et des œufs importés, parce qu’ils sont moins couteux.

« Avec 150.00 gourdes, nous pouvons nous procurer plusieurs morceaux de poulets et même un poisson de dimension respectable », fait-elle valoir en agitant la variable des prix comparatifs.

« Je sais très bien que ces produits pourraient compromettre ma santé. Mais, ce qui m’intéresse pour le moment c’est la quantité », reconnaît-elle pourtant.

Il y a trop de produits importés sur le marché local. Les gens n’ont pas d’autres alternatives que de choisir la solution la plus facile et la plus dangereuse, argue Philippe Florestan, un charpentier vivant dans le centre-ville de Hinche (haut Plateau Central).

« Il me faut 20.00 gourdes pour acheter des œufs organiques sur le marché local, tandis que des œufs importés de la République Dominicaine ou des États-Unis d’Amérique coûtent 14.00 gourdes. Est-ce injuste de vouloir économiser 6.00 gourdes ? », s’interroge Florestan

 Source: AlterPresse
13 Juin 2012
Ronel Odatte