Economie
Les factorys, Hillary, le Nord et nous
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Pour une raison ou une autre - est-ce dû à l'histoire ou à l'économie? -, la sous-traitance et ses factorys n'ont jamais rencontré le grand amour en Haïti. Et dire que ce ne sont pas les chômeurs qui manquent !
Pendant longtemps, les Haïtiens les plus informés se sont insurgés contre le destin de faire de ce pays le Taïwan des Caraïbes, ont pesté contre le « Plan américain pour Haïti », résisté à toute insertion dans l'économie-monde, refusé de succomber aux charmes et attraits de la mondialisation triomphante.
Si l'Haïtien émigré bourlingue, prend trois emplois, transpire sang et santé pour glaner le revenu le plus haut, ici, travailler est une obligation. Pas une course.
Même les patrons ne font rien pour que la valeur du travail soit au pinacle. Les factorys, ces usines qui vous sucent l'énergie sous un toit en tôle, personne ne les aime, même pas ceux qui en tirent millions et statut social. Le soir, les factorys, les machines comme les hommes, se reposent. Cas unique dans un pays où il manque de devises.
Si nous dédaignons les emplois mal rémunérés du travail à la pièce, les plus éduqués échouent dans le télémarketing, l'affacturage, les call center; même les essais de monter des téléphones roses n'ont pas conquis l'ardeur des acteurs de ce genre de sous-traitance. Au final, nous sommes encore aux emplois d'entrée de gamme dans le textile.
Alors qu'Haïti aurait pu être le premier exportateur de la région, nous avons laissé passer les opportunités, gaspillé les occasions, décliné les défis, craché sur les milliards. Au pays de "Liberté ou la mort", travailler moins est de mise. Ailleurs, le même Haïtien se tue au travail.
On ne le redira jamais assez.
C'est dans ce contexte qu'il faut placer la visite au Cap-Haïtien, lundi, et l'inauguration qui s'en suivra du parc industriel de Caracol par Hillary Clinton. La secrétaire d'État des États-Unis d'Amérique, qui ne rempilera pas quelle que soit l'issue de l'élection américaine de novembre, veut laisser une trace indélébile dans le paysage haïtien.
Caracol c'est du concret. Les usines doivent entraîner d'autres investissements, transfigurer le Nord d'Haïti. Donner sa chance à une région aux potentiels énormes, mais en concurrence déloyale avec Port-au-Prince, la sangsue.
Le parc, l'université, Labadie, le port, tout cela devrait provoquer un électrochoc, un appel d'air, une renaissance. Pour cela, il faudra que le Nord s'arme d'une autre façon de penser que l'esprit d'économie de rente qui danse dans la tête des entrepreneurs de la capitale.
Cacacol peut être le début d'une longue aventure ou le chemin vers une lente et douloureuse agonie pour le Nord.
Port-au-Prince avait reçu la visite de Nelson Rockefeller, gouverneur de l'Etat de New York, le 1er juillet 1969; cette visite de celui qui deviendra plus tard vice-président des États-Unis d'Amérique a permis aux deux pays de reprendre leur coopération.
Il s'est toujours dit que la sous-traitance connut son essor à la suite de cette réconciliation. Qu'en reste-t-il aujourd'hui dans la région métropolitaine ?
1986 et les troubles de l'après-Duvalier sont passés par là , mais, au-delà de ces turpitudes, nous n'avons pas laissé la greffe forcir.
En sera-t-il autrement dans le Nord d'Haïti après le passage d'Hillary Clinton?
A regarder Taïwan, la Chine, les économies émergentes, il est une constante: la sous-traitance et ces factorys sont dans le décor, constituent le passage obligé, offre l'étroit chemin pour permettre aux parents d'avoir, à la sueur de leur front, aussi petit soit-il, le salaire qui permettra aux enfants de fréquenter de meilleures écoles et d'avoir un avenir meilleur.
Frantz Duval
Twitter:@Frantzduval
Source: Le Nouvelliste