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"HAITI IS OPEN FOR SALE" ! - Après 25 ans de désorganisation politique, économique, sociale et culturelle,


Par Joël Léon- Tout Haïtien qui réside à l’étranger, plus spécifiquement aux Etats-Unis, fait face aux nombreuses questions des curieux ou spécialistes sur Haïti concernant l’avènement de Michel Martelly au pouvoir. C’est douloureux de constater l’embarras avec lequel mes compatriotes tentent d’expliquer rationnellement, si ce n’est par la folie, ce phénomène incongru qui, malheureusement, se rencontre l’histoire des peuples. On se souvient du règne de Caligula de la Rome antique, d’Indira Amin dada en Ouganda... Tant bien que mal, en bon haïtien, chacun arrive à s’en sortir à partir d’explications, se fait beaucoup d’interrogations, parce que n’arrivant pas à s’en convaincre. Mon ancien professeur d’histoire américaine, un fervent défenseur d’Haïti, me somma au cours du mois d’Avril de l’année dernière de venir le voir pour des consultations au sujet du nouvel élu haïtien. Donc, Aucune question ne m’a été épargnée, une façon amicale de me mettre sur la sellette.

Comme je l’ai écrit incessamment, les Clinton (époux/épouse) sont les deux principaux faiseurs de roi en Haïti. D’après une source proche de l’ancienne candidate malheureuse à la dernière présidentielle, Myrlande Manigat, tout avait été conçu pour qu’elle accède au pouvoir. Ou du moins, jusqu'à l’arrivée du fameux émissaire du département d’Etat. Cet américain avait comme mission ultime de choisir le nouveau président d’Haïti. Après plusieurs interviews avec les deux candidats, il a jeté de façon inattendue son dévolu sur Michel ou Michael Martelly. Une seule approche a été considérée : le choix de qui peut mieux défendre les intérêts de l’Amérique au palais national d’Haïti. On peut s’étonner de la nature des intérêts américains en Haïti. Un pays appauvri par trois siècles de colonisation Européenne et très lourdement handicappé  par une dette française estimée aujourd’hui à 21 milliards de dollars américains. Les intérêts américains sont les mêmes partout, que le pays soit riche ou pauvre. Il n’y a pas de compassion. C’est la nature même de l’empire qui l’exige.

En face de l’émissaire américain, Martelly s’est imposé comme le chantre garant de l’intérêt impérial en Haïti. En quelque sorte, il a offert plus qu’on lui avait demandé. La femme de Martelly, Sophie, allias « gwo soso », américaine de naissance, fut singulièrement agressive jusqu'à proférer des menaces à peine voilées sur ce qui pourrait arriver dans le pays au cas d’un choix contraire à celui de son mari.

Quant à Madame Myrlande Manigat, toujours d’après la même source, elle a été trop intellectuelle probablement par déformation professionnelle. Ajouter à cela le lourd fardeau de son mari, Lesly Manigat. Celui-ci n’a jamais été bien vu par l’establishment américain. Les Dominicains de l’autre côté de la frontière ne la tolèrent pas non plus. D’ailleurs, le credo louverturien alarme les puissances impérialistes. La plus grande peur de l’international vis-à-vis de la candidate, c’est qu’elle puisse prendre des initiatives claniques dignes d’une rdnpiste (son parti politique, RDNP). L’émissaire décela une pointe de sentiment national dans son verbe rappelant étrangement celui de son mari, 22 ans auparavant, lorsqu’il tenta de se rapprocher de l’Europe.  Vu l’importance des grandes escroqueries à venir au profit de l’international, c'est-à-dire les pillages programmés des ressources naturelles nationales, il fallait éviter tout obstacle. On ne voulait pas prendre de chance avec une femme soumise qui pourrait se lancer dans des aventures nationalistes sous la dictée de son mari. Lui, qui se croit plus intelligent que tout le monde, il est en hibernation. C’était le récit d’un proche de Myrlande Manigat, il a vu voler en fumée son rêve d’homme d’Etat, en moins de 4 heures.

 Voilà les raisons fondamentales qui expliquent le parachutage de Michel Martelly au pouvoir au détriment de Myrlande Manigat. Sous un angle analytique, tout nationaliste digne de ce nom n’aimerait jamais se trouver dans une position où, pour  arriver au pouvoir il lui faut être parachutée par une puissance étrangère. Les dernières révélations de la presse Dominicaine à propos des 250.000 dollars américains reçus d’un sénateur corrompu du parlement  de la république voisine viennent de saper mortellement sa crédibilité. J’avais écrit que Mme Manigat allait subir une défaite politique et personnelle, longtemps avant le premier tour des dernières élections. J’avais raison. Parfois, je me demande si ceux-là qui font de la politique active en Haïti ne se souviennent pas de l’histoire d’Anténor Firmin et de Rosalvo Bobo. Une trop courte mémoire conduit inéluctablement à l’abattoir de l’Histoire.

Bill et Hillary veulent l’annihilation d’Haïti comme état souverain. Ils savaient pertinemment que la mentalité et les antécédents conflictuels de Michel Martelly allaient soulever de l’hostilité dans la classe politique et l’intelligentsia du pays. Ils connaissent le tempérament volcanique de l’homme de Pétion-Ville et son caractère psychologique instable. Ils sont au courant du passé marqué de prestations artistiques indécents et de l’usage abusif avoué de la cocaïne  de Martelly. Sans oublier les persistantes rumeurs quant à sa participation dans la distribution de la drogue dans le pays à travers son gang appelé « bandit légal ». Ils soutiennent en privé l’inaptitude de celui-ci à diriger le destin de 10 millions d’âmes à un moment où tout est versatile dans le pays. Mais ils le maintiennent au pouvoir coûte que coûte pour des gains géopolitiques impérialistes et personnels. Ils sont témoins de la culture de l’opposition systématique des élites face à leurs adversaires. Bill et Hillary ont piégé le peuple haïtien en lui imposant l’homme le plus décrié du pays à la présidence. Ils veulent être les seuls maîtres de la terre de Jean Jacques Dessalines.

Un ami m’a confié que le département d’Etat a hissé Martelly au pouvoir  pour être à même de dire que « le peuple a le gouvernement qu’il faut ». Si cet adage est vrai, il ne s’adapte pas à Haïti. Le peuple n’a pas voté Martelly au pouvoir. 700.000 sur 4 millions de personnes en âge de voter l’ont choisi en 2011. L’Amérique l’a fait. C’est ce que Frantz Fanon et Jean Paul Sartre ont élégamment décrit dans les « damnés de la terre » et autres textes. Martelly est « un mensonge vivant ». Les Clinton considèrent l’haïtien « comme un peuple arrêté dans son évolution », de ce fait « incapable de diriger ses propres affaires ». Par exemple, incapable d’élire des dirigeants patriotes et compétents. Donc, le peuple à toujours besoin de « la présence permanente d’une direction », comme si « Haïti a commencé avec l’arrivée des Clinton ».

Deux ans de cela, Bill Clinton demanda pardon au peuple haïtien pour avoir réduit à néant la production agricole nationale d’Haïti lors de ses deux mandats présidentiels. Comme si le pardon suffisait pour réparer la souffrance infligée au pays. Ensuite, il a placé au pouvoir le plus grand corrupteur, Michel Martelly, pour mieux ruiner le pays afin de demander de nouveau pardon au peuple haïtien. L’international est en train d’insulter l’intelligence de tout un peuple.

 Cette animosité américaine institutionnalisée à l’endroit des Haïtiens date de Thomas Jefferson, président des Etats-Unis de 1801 à 1809. En 1797, pendant que la guerre de libération nationale faisait rage en Haïti,  Thomas Jefferson a écrit, et je cite : « Si nous n’agissons pas, et ceci maintenant. Nous serons les assassins de nos propres enfants ». Il redoutait avec affolement une victoire des Indigènes en Haïti. Car, cela sonnerait le glas du système esclavagiste, raciste et colonialiste. Cette approche hante encore la politique américaine vis-à-vis d’Haïti. Le peuple haïtien est perçu comme un danger imminent à la domination impériale américaine.

 Jusqu’en 1820, Jefferson complota encore contre Haïti en proposant à l’administration d’alors d’expédier en Haïti tout enfant né de race noire. Ce que l’ancien président ignorait, c’est que tout homme ou femme qui foulait le sol haïtien, était déclaré libre depuis le 1er Janvier 1804. Sans tenir compte de la couleur de la peau, de la  nationalité ou même de l’origine sociale. Ce fut un humanisme verdoyant trempé dans un désintéressement fécond.

La politique étrangère américaine est inspirée du jeffersonisme. C’est pourquoi le pays fut envahi en 1915, après que les Américains ont contribué à nos malheurs en boycottant Anténor Firmin afin de propulser Nord Alexis au pouvoir. Lui qui fut un grand admirateur de l’Amérique, et qui avait prédit depuis 1898, l’avènement d’un noir à la Maison blanche dans environ un siècle. Nous ne pouvons oublier le massacre de 1928 à Marchaterre, et les humiliations des militaires américains faites au peuple haïtien, après avoir emporté la réserve nationale d’or. En 2011, l’international a réédité cette triste histoire en parachutant Martelly au pouvoir.

C’est sous l’occupation américaine de 1929, que ce tracé frontalier défavorable à Haïti mais bénéficiaire à la république Dominicaine fut achevé.  A la première conférence panaméricaine de 1826, les Etats-Unis exercèrent de fortes pressions sur les dirigeants latino-américains de l’époque pour refuser toute participation haïtienne. Eux, qui venaient d’accéder à l’indépendance grâce à l’aide financière, militaire et humaine d’Haïti. Conformément à la grandeur de l’épopée héroïque de 1804.

 Malgré tout, Haïti a été toujours un allié fidèle des Etats-Unis d’Amérique. A la lumière de l’histoire récente du début des années 40, soit 1941, Haïti fut le premier état de l’hémisphère à déclarer la guerre à l’empire Nippon et aux autres puissances de l’axe. Irrité par l’attaque des Japonais sur Pearl Harbor, le président Elie Lescot, dans l’esprit de notre grande tradition diplomatique que « le pays de Jean Jacques Dessalines doit être du côté des victimes », a ordonné aux forces publiques haïtiennes de procéder à l’arrestation de tout citoyen Allemand et Italien vivant dans le pays. Le 12 Décembre, des dizaines de ces sujets furent internés au Fort national. Les autorités haïtiennes de l’époque agissaient vigoureusement contre les bellicistes des puissances de l’axe  avant même que les américains leur déclarèrent la guerre, eux les premiers touchés.

Il faut rappeler aussi le butin de guerre consenti par la république d’Haïti en soutien aux forces alliées. Cette contribution s’élève à plus d’un milliard de dollars américains, car la figue banane fut liquidée à moitié de son prix réel. Sans oublier les dommages causés aux terres arables du pays par la plantation de sisal pour confectionner des cordes a bon marché au service de l’armée américaine en guerre pour libérer l’Europe du fascisme.

Par contre, quand en 1897, la marine Allemande humilia Haïti au cours de l’affaire Luders en souillant le bicolore national sous la menace canonnière, les Américains brillèrent par leurs mépris. Le Kaiser finalement exigea de l’Etat haïtien 20.000 dollars pour dédommager un citoyen haïtien, né en Haïti, mais de père Allemand, du nom de Luders. L’Amérique n’eut dit mot. Et pourtant la doctrine de Monroe éait déjà en plein effet dans l’hémisphère, dixit « l’Amérique aux américains ». L’Allemagne traversa l’Atlantique pour punir le peuple noir orphelin d’Haïti. La doctrine de Monroe ne saurait s’appliquer au profit de nègres, dont les pères sont encore en Afrique. Aujourd’hui, je vous le dis, en vérité l’Haïtien n’est fils de personne.

 C’est dans ce contexte de haine chronique que les relations entre les deux états ont évolué à travers les ans. Thomas Jefferson influence encore la politique américaine en Haïti. Des optimistes s’attendaient à un revirement diplomatique après la matérialisation de la prédiction de Firmin, avec un noir à la présidence. Ils se sont trompés de bonne foi. J’avais prédit dans « Barak Obama, ni Jésus Christ ni Fidel Castro », qu’il n’allait apporter aucun changement significatif  ni en Haïti ni dans le reste du monde. Car, la politique américaine s’insère dans une logique impériale, dont l’essence est d’étendre  l’autorité de l’empire sur les autres états.

A la lumière de ces éléments, nous comprenons les causes profondes du parachutage de Michel Martelly au pouvoir, malgré lui. Sa mission secrète est de rendre la situation haïtienne encore plus chaotique pour que l’international justifie sa main mise totale sur les ressources minérales du pays. C’est une politique d’usure que l’international s’applique en Haïti. L’Irak et la Libye sont les victimes d’une longue série pour les mêmes raisons, ressources minières ou pétrolifères. Haïti est la prochaine victime, l’impérialisme a déjà commencé depuis des années avec sa politique de « désorganisation et réorganisation ». C’est-à-dire le démembrement de l’état d’Haïti.

Michel Martelly est le dernier en date des pions de l’Oncle Sam pour complètement désorganiser Haïti et, d’après tous les indices, nous assistons au dernier acte du drame. Le sale matraquage psychologique contre Haïti a l’échelle mondiale est achevé, le pays est sur la liste des états parias malgré toute sa glorieuse histoire. La référence de liberté qui fut notre marque de fabrique est falsifiée et remplacée par l’ignorance, l’inculture et la misère. L’Etat d’Haïti est à genoux. Bill Clinton, « le nouveau proconsul d’Haïti », fait la loi. Enfin, « Haïti is open for sale » ! Haïti est à vendre !

 Par Joël Léon