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Marchés de rue : des couloirs infects

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Les marchés de rue en Haïti sont de hauts-lieux de l’insalubrité. La purulence semble y être la norme. Ces espaces de vente informels constituent un défi majeur dans la promotion de l’hygiène publique.

Pétion-ville croule, par endroits, sous le poids de marchés de rue insalubres. La rue Rigaud, au niveau du segment formé par les rues Magny et Lamarre, offre un spectacle ahurissant de ces couloirs infects.

Étalés sur des morceaux de sacs à même le sol, les produits de première nécessité sont exposés à toute sorte de contamination. Sur les trottoirs et le pavé noirs de boue séchée s’étalent oignons, tomates, pommes de terre, toutes sortes de fruits et légumes destinés à la cuisine. La viande s’offre plus aux mouches qu’aux acheteurs. Le pain tant consommé par les Haïtiens est exposé à l’air libre quand il n’est pas mis en sachet au marché même, opération effectuée à mains nues par les marchands.

Il n y a aucune distance entre les marchandises et les tas d’immondices qui puent, surtout en temps de pluie. Sur les canaux d’écoulement remplis de fatras, les détaillants étendent parfois leurs produits. Ceux-ci se mélangent. Riz, fruits, feuilles à thé, harengs, lotions corporelles et charbon de bois se côtoient. D’où le risque de contamination croisée vu leur nature différente.

La détérioration des produits les rend dangereux pour la santé. Considérant les conditions de vente présentes, ils sont carrément impropres à la consommation. On peut constater à la rue Rigaud des corossols pourris, à demi épluchés qui seront quand même achetés. De plus, les denrées sont manipulées à outrance par les vendeurs et les acheteurs. Ils ne sont pas empaquetés et ne respectent aucune norme de conservation limitant la prolifération des microbes.

Inutile de s’attarder sur l’impeccabilité de la tenue vestimentaire et l’hygiène corporelle des marchands. Le lieu ne s’y prête pas. Le point commun des marchés de rue en Haïti est le non-aménagement de l’espace qui, d’ailleurs, n’a pas été destiné à cette activité. La rue Rigaud est aussi une voie de circulation pour véhicules (transport en commun) et piétons. Si cette proximité a quelques avantages pour les commerçants, elle est catastrophique en termes d’hygiène publique.

En outre, le marché est adossé à des maisons habitées, et même une morgue, qui éjectent des eaux usées par les canaux d’écoulement. Pour lutter contre les déchets qui envahissent l’espace, les occupants les brûlent parfois. Ce qui ne semble pas contrarier la vente des plats chauds, commerce assez courant où la même main sert le plat et reçoit la paie des friands qui consomment sur place.

On n’en finirait pas de relater les divers problèmes d’hygiène de ce lieu. Ailleurs, il y a même pire car le phénomène de marchés de rue se reproduit dans tout le pays.

Le lot des mairies

Les maires de plusieurs communes mènent une chasse assidue aux petits commerçants de rue. Mais, les agents préposés à ce travail doivent recommencer la course chaque jour car, les vendeurs se font réfractaires. Ces derniers se plaignent du fait que les places sont limitées dans les marchés aménagés. Certains évoquent le manque à gagner dû à une proximité réduite avec les clients, alors qu’ils doivent payer journalièrement les frais de dépôt.

Le ramassage des ordures par les services publics ne vient pas à bout de la situation d’insalubrité. Selon Jimmy, un jeune homme qui offre du charbon de bois, c’est l’insouciance des marchands qui est responsable de l’amoncellement de déchets. L’état des choses ne laisse espérer rien de mieux, dit-il, d’un ton résigné.

Une expérience à renouveler

Le Comité d’union et de support aux municipalités (CUSM) a réalisé au mois de juillet une expérience de marché de rue à Pétion-ville dans des conditions de salubrité. L’objectif était de présenter une alternative aux marchés informels insalubres. Pour les organisateurs, il s’agissait d’exposer des biens dans un environnement sain et tenant compte de la proximité. Toutefois, l’expérience était passagère.

Dans le souci d’améliorer les conditions de l’échange dans les marchés, il serait de bon ton de suivre ce modèle. Entreprise qui nécessiterait donc une certaine structuration, le repérage et l’aménagement des lieux favorisant le maintien de la propreté. L’atmosphère doit prêter à l’amélioration des échanges façonnant les relations sociales entre les partenaires.

La proximité étant, parait-il, à la base de la logique des marchés de rue, elle devrait être considérée dans tout projet communal ou urbain visant leur prise en charge. D’autant plus que les produits qu’on y retrouve sont souvent périssables, ce qui exige leur écoulement rapide.

Par ailleurs, il faut reconnaitre que le pullulement des marchés de rue dans les villes répond à une réalité économique assez profonde.

Aline Sainsoivil
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Source: Le Matin