Culture & Société
L'Histoire est une galerie de tableaux où il y a peu d'originaux et beaucoup de copies - Alexis de Tocqueville
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- Catégorie : culture & societe
- Publié le vendredi 29 avril 2016 19:59
Par Claude Joseph --- Le 11 janvier 1946, l’Armée d’Haïti, par la voix de son chef d’État-major, le colonel Franck Lavaud, annonce la destitution du président Élie Lescot. Accueillie par une foule en liesse, cette nouvelle fait descendre Port-au-Prince dans la rue dans un mode d’acclamation et de support à l’égard de la Garde d’Haïti. Sòt ki bay, enbesil ki pa pran. La Garde d’Haïti saura bien exploiter cette conjoncture. Un Comité Exécutif Miliaire composé de Franck Lavaud, Antoine Level et Paul Magloire s’est vite institué pour combler le vide et assurer la transition. L’objectif principal de ce pouvoir militaire intérimaire consiste à « organiser les élections et remettre le pouvoir à celui qui aura été élu librement ». Chose dite, chose faite ! Les élections furent effectivement organisées et le comité s’est ensuite vite effacé à la prestation de serment du nouveau président Dumarsais Estimé.
Ce qu’il faut pourtant retenir dans tout ça c’est que ceux qui ont œuvré au renversement du gouvernement d’Elie Lescot n’ont pas participé à l’élaboration de la solution de remplacement. Devant ce fait accompli, tout le monde ou presque s’accommode d’autant plus que le principal enjeu n’était pas le comité exécutif militaire. C’était plutôt une question de couleur sur la base de laquelle deux grands groupes se forment. D’un coté on retrouve PSP de réputation mulâtriste et d’un autre on retrouve le FRH regroupant des figures comme Daniel Fignolé, Dorleans Juste Constant, Emile St-Lot et Julio Jean Pierre Audain se réclamant du noirisme. Sous la pression de la bourgeoisie (synonyme de mulâtre dans le contexte) et de la communauté internationale, le comité exécutif militaire, en panne de légitimité, menace de démissionner, ce qui pourrait bien faire l’affaire de la bourgeoisie et compromettre encore plus la situation de la classe moyenne.
Conscients des enjeux, les révolutionnaires noiristes, réunis à la rue Lafleur-Ducheine chez Emile St-Lot en date du 6 février, décident de supporter le gouvernement provisoire. Pour exprimer clairement ce support, une grande manifestation a eu lieu deux jours après, soit le 8 février, avec des slogans comme « vive la junte ! À bas les exploiteurs! Le support au gouvernement de transition n’était en fait pas authentique d’autant que la majorité des membres du FRH ne partageaient pas la philosophie de la junte, mais ils ont compris que, pour empêcher l’adversaire à imposer une fois de plus son agenda, c’était bien la chose à faire. Ce fut donc un support stratégique et réussi. Face à cette démonstration, l’international n’avait pas d’autres choix que de coopérer avec le gouvernement provisoire qui lui-même n’a pas violé son engagement, car un mois exactement après la chute de Lescot, le processus électoral est lancé.
« L'histoire », nous dit Fustel de Coulange, « ne nous dira sans doute pas ce qu'il faut faire, mais elle nous aidera peut-être à le trouver ». Suivez mon regard!
Claude Joseph
Photo Credit: Pikliz
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