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Michel William: Mourir chaque jour avant de mourir

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Par Agr Michel William --- On meurt toujours avant de mourir parce que la vie vous aura enlevé le gout de vivre. Le gout de vivre est l'envie de vivre pleinement sa vie en jouant positivement sur les éléments globaux de son environnement. Au nombre de ceux-ci figurent l'ambiance familiale , la vulnérabilité du milieu de proximité des gens qui y vivent, le boire , le manger, la santé, les conditions d'insécurité et surtout la satisfaction d'avoir fait quelque chose d'utile á la communauté. J'ai lutté toute ma vie pour créer les conditions objectives de ce gout de vivre, .Au crépuscule de ma vie, je n'ai pas le sentiment d'avoir réussi même á 10% le rêve de ma vie active..

 La déception de la vie familiale

 J'ai quatre enfants trois filles et un garçon, issus de trois lits. Avec les trois mères, la vie c'est l'hypocrisie cultivée á son plus haut niveau. Les enfants sont depuis une quinzaine d'années adultes, professionnels et vivent á l'étranger. Ils gagnent très bien leur vie .Mais le fait d'être nés de trois mères différentes et d'avoir vécu leur jeunesse sous un toit différend   a fait d'eux des enfants qui ont reçu chacun une éducation maternelle qui côtoie un sentiment paternel sibylline. Il se trouve que la fille qui se montrait la plus affective hébergeait un amour LGBT depuis l'âge de dix neuf ans et qu'elle avait choisi de vivre en secret ses sentiments pour ne pas froisser l'incompréhension familiale . Elle a développé envers ses parents un faux lien de sentimentalité jusqu'au jour ou elle a décidé de vivre au grand jour ses sentiments naturels en éloignant astucieusement les parents de sa proximité  pour aller vivre l'amour de sa vie. Sa haine aujourd'hui pour ses parents est inversement proportionnelle á l'amour faux qu'elle les vouait au temps de sa jeunesse . Suite á un positionnement de frustré qui frise l'arrogance et l'irrespect pris á mon egard, je lui ai infligé une réponse humiliante dont elle ne se remettra jamais . Cette réponse aurait génère le cas d'espèce que plus vite je disparaitrais de la vie , plus vite elle aurait un faux semblant de satisfaction de vivre. Je souhaiterais me tromper, car le thème faux semblant de satisfaction me parait des plus exact, á moins qu'elle soit un marginal, qui peut vivre en ignorant l'amour de ceux qui lui ont donné naissance et qui ont tissé avec elle pendant plus de vingt cinq á trente  années des liens indestructibles d'amour et d'adoration réciproque.

 L'ajustement professionnel

 Lorsque sur le plan familial, les sentiments ne s'accordent pas, le professionnel va s'appliquer au plus fort de lui même á bâtir un environnement technique   capable d'effacer momentanément la pression familiale. Lié á mon passé de" pitit degouden", j'ai trimé pendant vingt neuf ans pour devenir le professionnel que tout le monde reconnait en moi. Les exemples qui vont suivre attesteront de la vérité de mon témoignage.

Ici, j'ai essayé de gagner ma vie en établissant une ferme agricole á Paillant dans les hauteurs de Miragoane pour pratiquer l'agriculture de montagne . Cette option a été choisie en fonction du constat de décennies d'observation que plus longtemps l'agriculture de montagne qui est la plus technique et la plus couteuse en terme d'exploitation agricole est laissée á une paysannerie pauvre et limitée, plus lourds et impossibles seront les efforts financiers et légaux á consentir pour récupérer cette agriculture et la replanter dans sa vocation naturelle, á l'ère de l'effondrement de l'état haïtien.. Les premiers essais datés de 1979-82  furent concluants et économiquement rentables toutes les fois que le climat était clément. Cependant une mauvaise politique publique de crédit, de production d'aliments pour betail et l'impossibilité financière d'imperméabiliser une citerne d'un million deux cent mille litres d'eau de capacité ne m'ont pas permis de surmonter la contrainte majeure de l'agriculture de montagne qui est le manque d'eau pendant les mois de sécheresse de l'année. Associés aujourd'hui aux époques de sécheresse, l'insécurité politique grandissante qui prévaut dans les sections communales   et le chômage terrible qui sévit en milieu rural, n'autorisent plus le fonctionnement d'aucune PME agricole qui n'aurait pas un volet d'agriculture de solidarité. N'ayant pas de fonds public á ma disposition pour pratiquer une agriculture de solidarité, je fus obligé d'oublier la vie de fermier et je conclus donc que ma vie pratique de fermier agricole a été une ruine .Elle est restée une déception. Elle fait partie de mon envie quotidien de mourir. On comprend donc qu'avec l'hypocrisie des enfants recouverte de son faux voile d'intimité béate je me sens mort avant même de mourir

Concernant mes ambitions professionnelles d'encadrer les producteurs agricoles, un de mes rêves d'agronome vulgarisateur a été de valoriser la kyrielle des stations de radios communautaires amenées dans les sections communales par les politiciens Lavalas. Il s'agissait de faire de chacune d'elle un discothèque agricole traitant   dans chaque commune les ressources naturelles qui sous-tendent la vie économique de la paysannerie agricole. Mon objectif était de transformer ces outils médiatiques de propagande politicienne en de véritables instruments d'éducation agricole á distance. Ce projet a été conçu pour pallier á la carence de spécialistes en milieu rural  et pour combler le manque d'agents agricoles qualifiés disponibles sur le terrain. La stratégie étudiée visait á multiplier ,après correction, les CD de toutes les émissions techniques réalisées de 1994 á 2004, á partir de mes expériences pratiques de terrain et de celles faites avec les spécialistes de Damien sur la banane, l'igname, le malanga, le manioc, la patate, le riz, le mais, le petit mil, le maraichage, l'agriculture de montagne, la pèche, l'aviculture, l'apiculture, l'élevage de porc ,du cabrit, des bovins, des bêtes de somme, la conservation de sol, la protection des bassins versants, la petite hydraulique de montagne et le crédit agricole .Le projet ést aujourd'hui encore d'autant plus facile á réaliser que, non seulement j'ai sur mon ordinateur la majorité de ces émissions , mais j'ai aussi un ensemble de draft de quinze livrets agricoles que des techniciens chevronnés du ministère avaient produits sous mon leadership, pendant que je coordonnais le bureau d'information technique agricole BITA, á Damien, lequel bureau a été crée par le ministre François Severin, pour valoriser des spécialistes dont ne voulait pas le gouvernement Lavalas.

 Suite au triomphe du mouvement GNiste, un document de projet du genre a été soumis en 2004 par moi au ministre Philippe Mathieu pour suites utiles .Le document de projet fut envoyé á l'agronome Jean Claude Janvier , responsable d'alors de la direction de l'éducation pour appréciations et commentaires .Le rapport de l'agronome Jean Claude a été rédigé et envoyé á mon insu au ministre qui m'a donné pour toute réponse que selon le responsable de l'éducation, je n'avais pas la capacité technique de réaliser un tel projet. Je n'ai jamais pardonné á Mr Janvier cet esprit obscurantiste qui m'a fait vivre l'amertume á savoir comment l'esprit sectaire et partisan de certains cadres peut retirer le gout de vivre á certains professionnels et contribuer ainsi á assassiner certains rêves bénéfiques pour le pays. Avais je été un renard en politique, la communauté haïtienne pourrait avoir retiré un véritable gain de connaissances de l'ensemble de ce programme, qui á n'en pas douter, aurait évité au secteur l'abime technique et économique dans lequel il sombre aujourd'hui.

 Sur le plan politique

De 1986 á 2011, le constat ayant été fait que tous les gouvernements ayant exercé le pouvoir politique ont instrumentalisé le mensonge pour conduire des politiques publiques liberticides de libéralisme agricole qui ont détruit les chances de redémarrage de notre agriculture, j'ai documenté des cas d'espèces que j'ai soumis á la sagacité de tous les leaders politiques sur le NET et á la radio. J'ai décrypté aussi bien la problématique que la problématisation de l'agriculture haïtienne á l'aune du libéralisme économique. Le faisant, je suis devenu un loup blanc pour tous les ministres de Damien, tandis que pour la masse des agriculteurs je serais l'homme qui parle le langage de la véritable production agricole nationale.

 En 2011, tous les signaux d'un espoir de réveil agricole avaient été donnés avec l'arrivée de Martelly au pouvoir. Celui-ci obligé d'intégrer dans son équipe politique  les mêmes capitaines qui ont naufragé la production agricole nationale sous Aristide et Preval,   se mit á implémenter les vieux clichés dictés par la coopération bilatérale et multilatérale. Il a réussi á affiner les politiques agricoles destructrices de Préval des quatorze dernières années . C'est pourquoi après avoir soutenu á mon corps défendant les atermoiements du gouvernement de Lamothe dans le secteur agricole ,il arriva un moment où je ne pouvais plus le faire sous peine de me ridiculiser. J'ai tiré la révérence en me faisant de plus en plus rare sur les réseaux sociaux et sur les ondes et en évitant surtout de faire le jeu de l'opposition qui me parait pire que Martelly. Aujourd'hui la coupe de frustration et de déception agricole offerte par le gouvernement de Lamothe déborde et il n'y a aucune voix dans les entourages de l'exécutif pour la signaler. La création d'un ensemble de pseudo ministères et de secrétaireries d'etat qui viennent mal se greffer sur le MARNDR a pour effet d'annuler les efforts faits dans le secteur et de dévorer le budget du secteur agricole. Ce qui fait dire á plus d'un que l'agriculture n'est pas près de sortir du tunnel. On se complait dans le politiquement correcte en préparant á Martelly la défaite de Préval de 2011 avec Jude Célestin .Même á l'émission Ramase, qui se veut un critique acerbe des actions de l'exécutif, les inepties agricoles passent comme des lettres á la poste, pour autant que dans l'opposition aussi, l'agriculture n'est pas un domaine où l'on veut faire recette.

 Lorsque l'on met dans un même bol tous ces ingrédients de déceptions familiales, sociales, économiques et politiques de la vie d'un citoyen engagé on obtient une potion qui détruit tout le pouvoir immunitaire de l'esprit au profit d'un besoin inassouvi d'affaiblir le physique jusqu'a ce que mort s'en suive. Voila le milieu de désespoir dans lequel je me réveille chaque jour et qui me fait compter la vie au jour que j'ai vécu.

Agr Michel William

 Port-au-Prince 20 octobre 2014
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