Tout Haiti

Le Trait d'Union Entre Les Haitiens

Culture & Société

Si je puis me permettre Monsieur Langlois. (5/5) par Savannah SAVARY

 

cloche savannah savary

Par Savannah SAVARY --- Nous comprenons que vous fûtes de bonne volonté, lorsque fraîchement promu Cardinal vous vous lanciez dans la politique, vous vous asseyiez à une table de négociations avec des protagonistes rompus à l’art de faire traîner les choses contraires à leurs intérêts, pour résoudre la crise électorale qui, au détriment des intérêts de la nation a assez perduré. L’Accord d’El Rancho aurait dû vous laisser un petit goût amer, aiguiser votre flair et vous faire comprendre que Haïti surprend souvent, ceux qui se croient le summum de l’intelligence ou au sommet de leur lancée. Il y a des moments où il faut savoir se taire et se faire tout petit. Vous l’avez encore raté avec cette mauvaise idée de partir en guerre contre la religion de vos papas. À supposer que le vodou ne sauvera pas Haïti, le catholicisme aurait intérêt à se taire car pendant plus de deux cent ans d’actions et seule religion officielle jusqu’à la Constitution de 1986, elle n’a rien foutu pour sauver quoi que ce soit !

Tiré de prologue de l'évangile selon Jean par Louis Segond : Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu… En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes… Un vieux paysan vodouisant disait : « Si pawòl yon sitwayen pa ka chanje la vi zòt pou pi miyò, si pawòl li paka preche lanmou, pito li pe. Â»

Nous savons que Jésus-Christ prophète ou Dieu, est venu pour servir. Pourtant, Rome ne sert pas l’humanité. L’humanité sert Rome. Le personnel ecclésiaste est assujetti aux dogmes prescrits par Rome.

Ces dogmes ne sont pas inspirés de l’enseignement christique. Un individu ordinaire ou appartenant à une institution religieuse, quel que soit son rang, sa position, son grade ne peut changer, modifier la pensée divine, ajouter ou retirer des éléments à la parole divine. Pourtant, ils sont fabriqués par Rome pour maintenir les craintes de l’homme quant à son devenir après l’ultime passage. Ceux qui se font passer pour intercesseurs, témoins de Dieu, saints des derniers jours, ne font que manipuler malhonnêtement les hommes depuis des siècles.

Le fonctionnement des sociétés inspiré du Dieu vengeur, le Père fouettard de l’Ancien Testament a été destitué. Avec le Christ, la croyance d’un œil pour un œil a évolué à l’amour de l’autre, offrir l’autre joue après une gifle. Nous pénétrons dans l’ère du Verseau, les portes conduisant vers la connaissance, les chemins lumineux menant à une divulgation des vérités sont accessibles au commun des mortels. Nous sommes aujourd’hui à l’heure de la lumière, de l’amour, de la vérité prônée par les grands messagers du Tout-Puissant. La religion sur mesure pour les besoins de Rome ou d’un autre groupe, l’intolérance religieuse n’ont plus leur place. Nous voudrions croire que c’est le vrai message du pape François I er. De votre nomination, nous attendions des bénédictions. Nous souhaitons qu’il n’y ait aucun coup caché dans cet honneur, tel un vœu de finaliser 1941. Autrement vous gagneriez à apprendre du vodou, qui dans sa dimension élevée, de tous temps, a montré une tolérance exemplaire envers cultes et religions importés venus sur le terrain, suivant ainsi l’exemple de Jean-Jacques Dessalines le Grand qui invita tout homme en quête d’une terre de liberté à s’installer dans son empire. Fort de sa foi dans un Dieu de tolérance, la religion haïtienne par excellence a su accueillir et vivre cordialement avec tout autre culte d’origine divine. Musulmans. Hindous. Chrétiens. Protestants. Mormons. Témoins de Jéhovah et latrye.

Il est définitivement plus facile de jeter des graines de discorde améliorées au laboratoire des déconvenues infligées par le vodou au catholicisme et tenter encore au nom de Dieu de fractionner la société haïtienne affaiblie par la Misère, les sempiternelles luttes des pouvoirs, ensevelie depuis le séisme sous les problèmes collatéraux amalgamés par l’attitude internationale, que de s’instaurer en rassembleur. L’expérience nous apprend qu’il suffit d’une étincelle pour flamber les cités, campagnes et mornes d’Haïti dans une guerre entre Lwa et saints, Dieu et Olorum, avec à leur suite toute la kyrielle des enfants de Dessalines, ceux de Pétion en tête, Christophe au milieu et Toussaint auprès de Jésus. Campagne antisuperstitieuse ou guerre de religion ? Ne jouons pas intelligemment avec les mots. Appelons chat et souris chacun par leur nom ! Les extrémistes des deux bords du fleuve des croyances se feront un plaisir d’interpréter vos déclarations comme le lancement d’un nouveau mouvement « Rejeté Â», une énième Croisade, par la plus haute autorité catholique romaine de notre pays.

La Bible affirme que Dieu a créé tous les hommes à son image. Le vodouisant est créature issue de Dieu. Je vous invite à faire la connaissance du vodouisant votre frère. Tous les vodouisants sont des êtres spirituels accordant de l’importance aux messages transmis par les révélations. Ils existent dans une dimension dépassant la religion. Ils n’ont pas à choisir car à l’instar du Christ, ils sont ce qu’ils sont par un héritage divin. La culture ne vient pas des hommes, il est instrument divin, medium utilisé par le Créateur pour communiquer avec son peuple. Autant Jésus fut victime des hommes à cause de son message d’amour, justice et paix, la culture haïtienne et le vodou sont ostracisés par des irréductibles revêtus des casaques d’autres religions, agissant au nom de Jésus, utilisant sa parole pour vendre une image falsifiée du Christ, prêcher la haine, la rancune, instaurer la domination, monter religions contre religions. Permettez que je révèle une merveille du vodou, si vous ne le saviez pas. «Selon que vous ayez raison ou tort, quels que soient : la lourdeur de votre bourse, la résonnance sociale de votre nom, la couleur de votre épiderme, votre position dans les strates gouvernementales, le pouvoir terrestre dont vous jouissez, la spiritualité vodou décidera de votre sort. Â»

L’Histoire nous prouve que ni poursuites, ni représailles exercées sur les Nègres jusqu’au bûcher au temps des colonies n’ont pu déloger le vodou des tripes haïtiennes. Ce n’est certainement pas le catholicisme qui saura extirper en 2014 les Lwas des croyances de l’Haïtien. Beaux discours ou menaces. Promesses et miroitement d’un paradis de plus en plus improbable. Le catholicisme a voulu garder vos ancêtres, vos père et mère, vos frères et sœurs en esclavage. Le catholicisme a accompagné l’Occident dans l’application de l’infâme Code Noir, avec des pratiques criminelles inconcevables à un esprit sain. Le catholicisme a avalisé au temps des colonies, toutes les angoisses, souffrances, douleurs des esclaves de Saint-Domingue.

Les échecs du catholicisme touchent tous les aspects de la vie haïtienne. Échec politique couronnée par des prêtres au pouvoir suprême et dans ses couloirs, individus exerçant des influences totalement nuisibles. Échec social car l’Église ne peut plus contenir avec ses dogmes périmées les élans de la majorité et encore plus des minorités. Échec spirituel car il ne saurait remplir le rôle de rassembleur pour une population écorchée, déshumanisée par une misère matérielle évolutive. Échec à poursuivre la mission d’amour de Jésus-Christ qui s’est mis au service des autres. Le catholicisme arrogant ose sacrilèges après sacrilèges, ne respecte même pas l’œuvre de Dieu car par ses campagnes « Rejeté Â» elle tue Mère Nature. Agression environnementale par la coupe des arbres sacrés avec pour conséquences le tarissement des sources, la dégradation du littoral et des pléthores de catastrophes naturels.

Pauvre petit Jésus humble et sans le sou. Le « business Â» au nom de Jésus est devenu pratique courante. L’utilisation de la parole du Christ rapporte gros. Richesses matérielles. Grand luxe. Pouvoirs sans limites. Et paradoxalement une grande majorité souffrant dans toutes ses fibres de la Misère instituée, encouragée et pérennisée par les grands de tous poils, de tout acabit occupant les hautes strates des finances, de la politique, de la religion. Que serait l’Église catholique romaine aujourd’hui sans cette fortune colossale amassée durant des siècles et consistant la base de leur pouvoir ? Le vodou ne possède pas une piastre, pourtant il a survécu à des siècles d’oppression des riches autorités religieuses qui traversent son ciel et continuent encore de jouer avec elle au jeu du chat et de la souris, dans un marronnage affuté. Qu’adviendra-t-il du catholicisme si un jour, Jésus revient et demande aux hommes de robes du Vatican : « Vendez tout ce que vous avez, donnez-le aux pauvres et vous aurez un trésor au ciel. Venez et suivez-moi. Â» ?

« Pierre mis en prison devait comparaître devant le peuple après la Pâque et l'Église ne cessait d'adresser Dieu pour lui. La nuit précédant le jour où Hérode allait le faire comparaître, Pierre, lié de deux chaînes, dormait entre deux soldats et des sentinelles gardaient la prison. Une lumière brilla dans la prison et l'ange du Seigneur réveilla Pierre. « Lève-toi promptement! Â» Les chaînes tombèrent de ses mains. Â« Mets ta ceinture et tes sandales. Enveloppe-toi de ton manteau et suis-moi. Â» Pierre le suivit, en s'imaginant avoir une vision. Passé la première garde, la seconde, ils arrivèrent à la porte de fer menant à la ville qui s'ouvrit devant eux. Ils sortirent. L'ange quitta Pierre. Â» Ce passage se rapproche de faits similaires reprochés au vodou. Anges. Esprits. Lwa. Des messagers de la divinité unique. Jésus quand il était sur terre jouissait du pouvoir de libérer les innocents des geôles, guérir des maladies s’attaquant au corps et l’esprit, secourir les âmes en perdition. Autant nous marginalisons les guérisseurs vodou détenteurs de pouvoirs venus de Dieu, de la même manière, nous aurions marginalisé un Jésus revenu parmi nous.

Guérison à la piscine de Béthesda : « Jésus monta à Jérusalem lors d’une fête juive. Or à Jérusalem, près de la porte des brebis, se trouve une piscine, appelée en hébreu Béthesda, à cinq portiques sous lesquels un grand nombre de malades étaient couchés. Aveugles. Boiteux. Paralysés. Ils attendaient le mouvement de l'eau, car un ange descendait de temps en temps dans la piscine pour remuer l'eau. Le premier qui y descendait alors était guéri, quelle que soit sa maladie. Jésus y vit couché un homme infirme depuis trente-huit ans et malade depuis longtemps. Il lui dit: «Veux-tu être guéri?»  L'infirme répondit: «Seigneur, je n'ai personne pour me plonger dans la piscine quand l'eau est agitée, et pendant que j'y vais, un autre descend avant moi.»  Â«Lève-toi, lui dit Jésus, prends ton brancard et marche.»  Aussitôt cet homme fut guéri, prit son brancard et se mit à marcher. Â» La foi guérit. À une dizaine de kilomètres au nord des Gonaïves, «Lakou Souvnans » haut lieu du culte vodou reçoit des milliers de pèlerins chaque année. Ils viennent honorer les Esprits, les Lwa, les anges et recherchent leurs bénédictions. Ils viennent munis de la foi, sur instruction des Lwa transmises dans des révélations pour recevoir la guérison dans ce bassin mystique. Pour diaboliser le vodou, ses détracteurs utilisent honteusement des pratiques cultuelles propres à l’Haïtien, tout-à-fait similaires aux actes relatés par la Bible du temps de Jésus.  

Jésus arriva dans Sychar, une ville de Samarie, près du champ que Jacob avait donné à son fils Joseph. Fatigué du voyage, il s’assit au bord du puits de Jacob. Ses disciples allèrent à la ville pour acheter des vivres. Une femme de Samarie vint puiser de l'eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. Â» La femme samaritaine fut surprise : « Comment toi, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine ? Â» Les Juifs, en effet, n'avaient pas de relations avec les Samaritains qu’ils percevaient comme des non-croyants ne suivant pas la loi de Moïse et n’adorant pas Dieu au temple, mais plutôt sur la montagne. Jésus lui répondit : « Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire ! Tu lui aurais toi-même demandé à boire, il t'aurait donné de l'eau vive… Â» Â«  Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es prophète. Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous dites, que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. Â» Â«  Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Mais l'heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité. Â» Si le vodou n’est pas Vérité, l’Église non plus ne l’est pas.

La faillite du catholicisme dominateur, régnant pendant plus de deux siècles sur notre territoire, est évidente car elle n’a pas su porter aucun changement bénéfique à la vie du peuple haïtien. La faiblesse de son message et le relâchement de ses maillons a permis une débandade de la foi et une dissipation des populations dans les rangs de multiples religions anciennes et nouvelles. Accuser le vodou de grand problème social lorsque la Misère est devenue une autre façon de vivre revient à dire que le vodou est à la base de la Misère. Nous vivons, Monsieur, dans un pays où les jeunes âgés de quatorze, quinze ans, miséreux, ne demandant qu’à aller à l’école, n’ayant pas eu la chance de connaître la valeur de la vie, sont armés par des voyous politiciens, mercenaires, anti-pays, de toutes sortes et distribuent la mort dans les quartiers populaires, les rues, les quartiers soi-disant bourgeois. Les lots de misères du peuple haïtien n’ont certainement rien en commun avec le mode de vie d’un haut dignitaire de l’Église catholique. La majorité de la population est au chômage, survit avec moins de quarante-cinq gourdes par jour, ne dispose pas d’eau potable, un logement décent, soins de santé, nécessités de base, loisirs. La plupart des enfants ne mangent pas à leur faim. Une minorité a droit à cette éducation branlante offerte par un système suranné avec une direction plus disposée à assister à de fastueux colloques que refonder l’institution. Les gosses servent en milieu rural à recueillir et transporter l’eau du ménage, assister aux tâches de la maison et travaux des champs, la garde des animaux au lieu d’aller en classe. Les paysans sont livrés à eux-mêmes pour tirer à la terre de maigres ressources pour la subsistance de leurs familles. L’environnement et l’écologie sont plus des termes à la mode pour les gouvernements que de vrais sujets de préoccupation. Les bidonvilles des grandes métropoles regroupent tous les rêves éclatés qui n’aboutiront jamais mais aussi des familles entières vivant au jour le jour. L’assistanat dévastateur, résultant de l’envahissement d’organisations non-gouvernementales faisant des interventions au gré de leur petit bonheur sous le contrôle désuet du gouvernement complice, a envahi le subconscient de l’Haïtien au point de croire que tout lui est dû. « Food for work Â» au lieu de travailler pour manger traduit parfaitement l’état d’esprit mendiant qui est devenue une seconde nature dans bon nombre de zones après le passage des utilisateurs de la Misère. La corruption étatique, la corruption ecclésiastique ont atteint un niveau tel qu’il est impossible de trouver un qualificatif à la mesure de leur démesure dans les plus grandes encyclopédies. Toutes les élites sociales, économiques, politiques, religieuses ont failli à leur mission. Puis, un Haïtien, pas n’importe lequel, affirme à une agence de presse étrangère que le vodou est responsable de notre plongeon dans l’abîme ! Calomnies ou désinformation ? Manque d’éthiques ou mauvaise foi ? Seul votre confesseur saura, après votre volte-face et retrait provoqué par les protestations indignées venues des poitrines haïtiennes appartenant à tous les secteurs, toutes les couches sociales, la vraie raison de cette lapidation et les attentes de ce geste.

Juste pour permettre une meilleure analyse de la situation, nous soulignons que la solution aux problèmes fondamentaux d’un peuple ne saurait venir de la pratique d’une religion mais d’une dimension spirituelle acquise qui crée des élites responsables capables de fonder une nation, construire une société de justice où chacun puisse vivre dignement, où les membres de différentes religions puissent évoluer en toute quiétude, sans être victimes de marginalisation et persécutions. Savez-vous Monsieur, que pour le vodouisant, Jésus est intouchable et non-négociable par la dimension de l'amour qu’il prône ? Jésus prêche l’amour comme le Guinen, pourquoi ne l’adresseraient-ils pas ? Au fait Jésus appartient à Haïti autant qu’au Vatican, vous n’avez plus monopole et exclusivité de son enseignement. Ne me dites pas Monsieur que vous seriez tenté d’interdire aux vodouisants de voir en Christ leur frère ? Décidément, comme l’énonce si bien Jacques Dupuis dans « Vers une Théologie chrétienne du Pluralisme religieux Â», « Les attitudes négatives, découlant d’un exclusivisme théologique ont la vie dure. Â»

L’Église catholique romaine est mal placée pour traiter le vodou de « Big social problem Â». Si les problèmes politiques chroniques viennent comme vous l’affirmez des croyances de l’Haïtien, il faut croire que la religion catholique importée, la première à emmêler les fils de nos croyances en pelote hétéroclite, est tout à fait responsable de ce méli-mélo, ce bric-à-brac, ce fourre-tout encombrant la cervelle de l’Haïtien, au point où ce dernier ne possède aucun sentiment d’appartenance par rapport à cette terre, il ne sait pas d’où il vient, en conséquence il ne saurait savoir où il va. L’Église catholique au terme d’une dérive institutionnelle de plus d’un demi-siècle, s’est réorganisée à partir du Concordat de 1946 pour être présente dans tous les coins du pays et espaces sociaux, assurer le contrôle du système éducatif, du système santé, modeler les pratiques individuelles, façonner les collectivités, dans une étroite collaboration avec l’État. Au nom de son statut dans l’État, l’Église revendiquait son appui dans sa lutte sans merci contre le vodou. Au lieu de construire l’âme haïtienne à partir des prescriptions de Jésus-Christ, la dimension fondamentale de son action pastorale consistait en une croisade pour l’éradication du vodou. Tous les moyens furent mis en Å“uvre. Catéchèse. Liturgie. Pratique sacramentelle. Synodes diocésains. Orientations apostoliques de diocèse. Au point où la capacité d’un prêtre et son zèle à combattre le vodou consistaient des critères pour le qualifier de bon prêtre ou bon évêque. L’implication de l’Église catholique romaine dans la fondation de notre société a vraisemblablement accouché d’une faillite à la mesure de son ego. Je m’empresse de présenter mes félicitations à l’envers au clergé catholique et mes sincères sympathies pour la déchéance de son système. Ces aveux que vous formulez peut-être inconsciemment réveillent l’âme haïtienne authentique !

La Religion catholique romaine a cautionné l’esclavage jusqu’à l’absurde. La tendance haïtienne de faire appel aux solutions supranaturelles pour solder ses problèmes, doit être une habitude venue depuis la fameuse prière du prêtre Dutty Boukman reprise par tous ceux présents au Bois Caïman. Le Bon Dieu des Blancs semblait tolérer l’esclavage, alors les esclaves firent appel à leur Dieu et ses Lwa pour les délivrer. Qui saurait aujourd’hui blâmer l’Haïtien, lorsqu’il continue à avoir recours aux solutions super naturelles pour solder ses problèmes. Tout pryè se pryè. Se pa yon sèl Bondie an ki genyen ? Ke pè legliz la jete dlo ak hougan an jete dlo, se pa menm bagay ? Nulle part dans les saintes écritures, Dieu a dit qu’une religion est supérieure à une autre. Le catholicisme utilise la Bible et enseigne l’appel aux saints pour quémander un miracle. Le vodou utilise la même Bible et fait appel aux Lwa. Quelle différence ? Ne me dites pas Monsieur que vous seriez tenté de retirer aux vodouisants le droit d’utiliser la Bible pour leurs prières, incantations et demandes ?

Dieu n’a-t-il plus le droit d’interpeller qui il veut, dans n’importe quelle religion, pour lui être témoin ? Honnêtement Monsieur, il tiendrait d’une folie sans pareille de prétendre contraindre un peuple à renier plus d’un demi-millénaire d’ajustement spirituel, de cheminement constitué de tribulations après tribulations à la recherche de leur vérité. Vos prétentions de forcer le peuple haïtien, l’acculer à choisir entre catholicisme et Vodou, serait hors de la Vérité chrétienne. Les points de rencontre entre vodou et catholicisme sont divins et sacrés. Le Grand Maître nous a donné la possibilité de comprendre ce qui vient de lui et ce qui vient des hommes, par conséquent, nous prenons tout ce qui vient de lui et rejetons tout ce que les hommes ont apporté aux fins de supériorité, domination, suprématie par rapport à leurs semblables.

Nonobstant un certain malaise persistant autour du vodou pour une faction minime de la population et ne venant pas du néant car vous avez quand même fait du bon travail pendant toutes ces années d’acculturation religieuse à travers l’instruction du petit haïtien, les divers « petit Catéchismes Â» parus après le Concordat, les discours calomnieux exprimés à travers la liturgie de l’Église, chants et homélies, le vodou est présent et demeure incontournable dans chacune des familles haïtiennes. Nou vodou depi nan vant jik tan nou mouri.

Monsieur, nous vous accorderons le bénéfice de croire que vous avez une conception erronée du vodou par manque d’information. Nous ne mettrons pas à votre compte le désir de dénigrer le vodou. Mais toutes formules de politesse mis de côté, nous dirons que vous n’êtes pas sans ignorer que les haïtiens de tous niveaux d’éducation, de tout acabit, de toutes appartenances sociales, de toutes couleurs d’épidermes sont fiers d’afficher qu’ils sont VODOU. Soukri. Souvenance. Badjo. Les tambours vodou résonnent dans nos campagnes depuis le petit matin jusqu’au petit matin suivant. Au grand jour devant le mapou sacré. Comme au secret des hounfò. Et à supposer que des vodouisants honorent Dieu et les Lwa dans le secret du soir, Dieu a dit que le rapport de l’homme avec le divin est caché.

Quant aux pourcentages de catholiques et vodouisants, je vous suggère de ne pas vous remettre aux statistiques de Rome, descendre du trône de Saint Pierre et faire une longue promenade réalité à travers le pays. Si vous ouvrez votre cÅ“ur, peut-être, vous percevrez cette souffrance qui ronge le paysan, le vodouisant du pays en-dehors. Regards voilés. Abandon. Tristesse. Résignation. Pourtant au fond des prunelles, brûlent la puissance des Mystères qui ne les abandonneront jamais, un courage exemplaire et un entêtement digne des légendaires marrons. Ils sont les laissés pour compte. Citoyens subissant la morgue, le mépris de toutes les élites. Les politiciens n’attendent d’eux qu’un vote. Les treize campagnes « Rejeté Â» ont transformé leur méfiance naturelle en suspicion viscérale envers ceux supposément placés pour les encadrer. La construction de l’État-Nation passera par la restauration de l’état de droit et inclut l’encadrement de la paysannerie, la restitution de sa place au vodou en tant que religion fondamentale de l’Haïtien.

Mauvaises interprétations de « The Gardian Â» dans l’article paru le dimanche 13 juillet 2014? Vraiment ? En vérité, si vous aviez vécu au temps de Jésus, votre déclaration ne serait pas différente. L’énormité des opinions affirmées retirent difficilement tout doute d’une possible mésinterprétation de vos propos recueillis par le journaliste Rashmee Roshan Lall et rendus publiques par ce journal faisant partie de la « presse de qualité Â», d’autant plus que la dimension de l’interviewé ne permet pas de manipulations aussi grossières, sous risque d’assignation.

Nous apprécions vos prières en espérant qu’elles s’adressent sincèrement au Grand Maître pour Haïti toute entière sans cloisonnement de religions, car ses enfants en ont besoin plus que jamais, leur barque depuis longtemps dépourvue de boussole, larguée aux commandements successifs de capitaines en délirium encadrés d’équipages pillant leur navire égaré sur des mers ténébreuses, charriant charogne politique, requins économiques et petits prédateurs à l’affût des miettes.

Dans Â« La Divina Commedia Â», le célèbre Dante Alighieri, poète, écrivain et homme politique florentin (1265-1321) visite l’Enfer où logent des invités de marque. Lorsque Virgile porte Dante jusqu'au bord d'un des trous, d'où sortait les jambes d'un damné s'agitant plus violemment que les autres, Dante reconnait le pape Nicolas III. En entendant approcher Dante, il l’a pris pour le pape Boniface VIII qui lui a succédé sur terre, devait aussi le rejoindre et prendre sa place en Enfer. L’enfer, définitivement, est pavé de bonnes intentions.

Onè ! Respè !

Par une journée ensoleillée, je vous invite Monsieur, à une randonnée par-delà les vallées menant au cÅ“ur mystique d’Ayiti, jusqu’aux pitons rocheux où planent des aigles sous l’obédience du Lwa Wangol qui attend encore notre réveil en tant que peuple élu pour revenir sur son territoire fragmenté par nos luttes intestines. Au milieu d’un sanctuaire sauvegardé, coupé en bordure d’un mornet selon la manière paysanne de protéger leur habitation des éléments, des cases se prélassent dans le lakou d’un houngan vénéré pour les guérisons de l’âme et du corps qu’il opère au nom de Dieu. Accroupi devant un mapou sacré et centenaire, pieds nus et porteur du magnétisme propre aux choisis, ce vieux serviteur d’Oloroum accompagné par des Esprits vodou, vous invitera à partager un maïs boucané fraîchement cassé de son jardin. Vous serez surpris de retrouver dans la sagesse de ce Guinen, votre frère, tout l’amour prôné par Jésus-Christ. À la lumière de l’enseignement du Christ, ce sage fera tout en son pouvoir pour vous porter assistance. Peut-être, aurez-vous l’honneur et la chance d’être invité à la cérémonie du « Kouche Yanm Â», Communion vodou se tenant pendant la période de la moisson, à partir de fin août jusqu’à septembre, l’équivalent de la Communion de tous les saints dans l’Église catholique. En l’honneur des 401 Lwa du Panthéon vodou, des ignames sont cuites, coupées en 401 morceaux et partagées entre les membres de la communauté. Communion symbolique pour rappeler l’unification des tribus d’Afrique sur la terre Ayisienne, la création d’une seule langue aux fins de fonder une nation unique, une fratrie indissoluble pour atteindre une élévation spirituelle digne de l’épopée de 1804.

Par l’intermédiaire des papes Jean-Paul II, Benoît XVI et François Ier, l’Église catholique romaine dans un nouvel élan a fait amende honorable en formulant des excuses à la mémoire de l’esclavage et la Traite négrière. Cela n’étonne guère. L’ère du Verseau suivant les prophéties, amène une nouvelle conscience lumineuse où les secrets s’estompent, les hommes un peu partout dans le monde, quelles que soient leurs croyances, s’alignent pour s’unir et vivre une période d’entraide réelle. La transparence s’impose par une technologie avancée portant l’information à la seconde, grâce à la Toile. Il est normal et tout à fait compréhensible que l’Église qui se dit universelle, c’est-à-dire catholique, rejoigne les autres croyances, les différentes fois, pour le grand partage d’humanité et l’accomplissement de sa quête d’universalisme. Le culte de la Terre devrait être en Esprit et en Vérité.

« Nou djanm.

Nou se vodou. Nou se kretyen.

Se respè pou respè sou latè Dayiti.

Bondye la pou nou tout. 

Ayibobo!  Amen! »

Recevez Monsieur, mes salutations en la Patrie.

Savannah Savary
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(509)3649 5737

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