Culture & Société
Newton Saint Juste : l’apôtre du juste combat
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- Catégorie : culture & societe
- Publié le mardi 19 août 2014 13:00
En date du 16 août 2012, Me. Newton Louis St Juste, assisté de son confrère André Michel, a déposé une plainte dénonciatoire au Parquet de Port-au-Prince contre la Première Dame de la République d'Haïti, Sophia ST REMY MARTELLY et son fils Olivier MARTELLY pour usurpation de fonction, corruption, détournement de fonds publics, blanchiment et association de malfaiteurs.
Dans cette plainte, l'homme de loi a fait remarquer à la Justice haïtienne que plusieurs dizaines de millions de dollars américains sont détournées par l'épouse du Chef de l'Etat et son fils.
En réplique, le 21 aout 2012 le Président Martelly a rejeté ces accusations d'un revers de main en traitant les hommes de loi de « TI AVOKA PÒV » ne gagnant pas dans leur profession autant d'argent que son fils cadet Sandro MARTELLY dit TI MIKI.
Contrairement à la déclaration du Président MARTELLY, le quotidien Le Matin a décerné le Prix de Personnalité de l'année 2012 à l'homme de loi pour ce combat.
Pour l'Histoire et pour mémoire Tout-Haïti revient sur l'article du Journal Le Matin daté du 28 décembre 2012 : Newton Saint Juste : l'apôtre du juste combat.
Newton Saint Juste : l'apôtre du juste combat
Natif du quartier de Baryè jou près de l'Avenue N, à Port-au-Prince, Newton Saint Juste a connu une enfance difficile. Fils d'un chauffeur de taxi et d'une mère « touche à tout » qui se démenait comme petite commerçante pour élever ses cinq enfants, il a su par sa force de caractère, changer son destin et celui de sa famille. Son nom symbolise aujourd'hui, la lutte contre la corruption et le népotisme dans le pays.
Comme la plupart des jeunes du même milieu, Newton est un miraculeux. Il a appris à lire grâce à la détermination de Chantale Débrosse qui a vu en lui une valeur et une intelligence cachée qui devait être libérée. C'est ainsi que cette femme s'est battue pour que le jeune Newton aille à l'école. Alors que ses parents craignaient pour sa sécurité et voulaient l'envoyer à une école plus proche, du côté de Croix-des-Prés, Cette dame, d'une rare générosité, a pris sur elle de l'amener à une autre école, mieux cotée. C'est ainsi qu'il a débuté ses études primaires à l'école de la République du Paraguay.
Intelligent comme lui seul, le jeune homme n'a pas pris longtemps à libérer sa tutrice de cette lourde charge. C'est ainsi qu'il l'a convaincue qu'il pouvait se rendre à l'école tout seul. Il payait 12 gourdes 50 par année au cours cette période pour ses études primaires. Arrivé au lycée Jean Jacques Dessalines, il devait payer 100 gourdes par an. Mais, vu son assiduité et son intelligence, il n'a pratiquement jamais payé ces frais que la direction de l'école s'est engagée à verser pour lui. À la Faculté de Droit, il payait 125 gourdes. Dès fois, ce sont ses amis qui l'aidaient à payer. En tout et pour tout, les études de Newton Saint-Juste lui ont coûté moins de 500 gourdes.
En manque de moyen financier, en manque de tout, dès la classe de Rhéto, il s'est mis à enseigner pour trouver un minimum en vue de couvrir ses frais. Son premier emploi, en ce sens, a été au collège Saint-Louis roi de France. Il avait demandé qu'on lui donne la totalité de sa paye au mois de décembre, afin de disposer d'un bon cachet pour la période des fêtes. Quand était venu le moment de recevoir son argent et que le directeur de l'établissement lui avait donné son enveloppe, il était joyeux et fier. Hic ! Désenchantement total pour le jeune Newton au moment d'ouvrir l'enveloppe. 150 gourdes. Voilà ce que valait le travail du jeune homme. Ravalant sa déception, il s'est dit : « s'il m'exploite, c'est parce qu'il voit en moi quelque chose qu'il peut exploiter.» Entré à l'université, à la Faculté de Droit, à peine en deuxième année, il plaidait déjà au tribunal.
Les premiers pas d'un homme de Droit
L'assassinat de Me Fedler Gilles, son Mentor et professeur à la Faculté de Droit, a cassé, dès son entame, l'élan du jeune Newton qui a laissé tomber alors la pratique du Droit. Après, avec courage, il s'est ravisé, et s'est dit que le meilleur hommage qu'il pouvait rendre à cet homme qui lui a pratiquement tout appris était de continuer dans la profession et de faire, ce que lui n'a pas su faire.
Cette énergie et cette volonté de s'en sortir, sont naturelles. Newton les a puisées dans le milieu familial. Dès son enfance, il a eu une foi inébranlable en ses capacités et voulait changer les choses. « Dans la vie, il y a ceux qui mangent et ceux qui sont mangés, vous devez toujours vous arranger pour être du côté de ceux qui mangent ». Cette phrase d'un de ses professeurs à la Faculté de Droit, l'a motivé et l'a guidé partout. « C'est la raison pour laquelle j'ai toujours gagné les concours auxquels j'ai participé ». Il croit qu'il doit toujours aller de l'avant, même quand les moments sont difficiles et que les conditions ne sont pas réunies.
Des joies et des pleurs
Les moments qui ont le plus marqué sa vie ont été vécus à la Faculté de Droit et au lycée Jean Jacques au milieu de ses amis, notamment ceux du Club Classique. Ses camarades sont pour beaucoup dans l'homme qu'il est devenu : un battant qui croit que l'éducation est à la base de la construction de tout homme de bien. Un simple sourire de l'histoire a changé sa vie.
La TNH a été une escale de choix. Comme pour tous les postes qu'il a occupé, c'est sur concours qu'il a été recruté. Il devait rejoindre la section sportive comme présentateur. Les responsables de ladite section n'ont pas voulu le laisser travailler, sous prétexte qu'ils n'avaient pas l'habitude de se rendre dans les matches de foot au stade Sylvio Cator. Quand on voulait lui confier des émissions politiques, d'autres responsables ont refusé sous prétexte cette fois, qu'ils n'avaient pas l'habitude de le voir à la fondation Aristide. Newton Saint Juste a du donc se battre pour s'affirmer à la télévision d'État.
Son heure de gloire allait arriver. Et Newton a su la saisir. Ce fut lors du procès du massacre de Carrefour Feuille. Le directeur d'alors, avait demandé qu'on lui passe le micro, parce qu'il n'y avait pas de reporter à avoir étudié le Droit à la TNH. Ce fut le déclic. Après une brève présentation du jeune reporter, le directeur a appelé le chef de l'équipe du direct, présent au Palais de Justice, pour lui demander que tous les directs soient confiés à Newton. Problème ! Il ne disposait alors que de deux costumes que lui avaient donné en Cadeau son mentor. Pourtant le procès allait durer plusieurs jours. Il a dû se tourner vers les « pèpè » pour s'en pourvoir.
Puis est venu le procès de Raboteau aux Gonaïves. Il a bénéficié d'un frais de 10 mille gourdes pour couvrir l'événement. C'était pour lui un gros montant, vu qu'il n'avait pas l'habitude de disposer d'autant d'argent. Il a appelé un vendeur de costume qui se trouvait en face du Palais de Justice, près de la place du Mausolée. Il lui a acheté 18 costumes. Il n'avait pas les moyens de donner sa nouvelle garde-robe à la buanderie, la veille du procès, c'est sa mère qui a du faire le boulot. Elle a lavé et repassé les costumes de son fils durant des heures et des heures. Elle s'est endormie avec le fer à repasser à la main. Il était alors 4h du matin, le jour du procès. L'avocat est tombé en sanglot en racontant cette scène de sa vie. C'est ainsi qu'une famille modeste construit un homme de bien.
Newton revient de loin. Et son parcours à plusieurs niveaux, doit inspirer les jeunes. Alors qu'il était en Philo, il a eu un enfant qui est mort, peu de temps après sa naissance. C'est aussi un épisode qui l'a également beaucoup marqué. Cet enfant est mort parce que son père n'avait pas les moyens suffisants pour lui fournir un environnement et des soins adéquats.
Du vrai changement...
Il veut changer les choses. Contribuer à changer le système et rompre avec cette pratique qui veut que « La Justice soit faite pour ceux qui peuvent payer ». Newton Saint Juste plaide pour l'équité et s'attèle à lutter pour qu'une nouvelle société plus juste, respectueuse des droits du citoyen, naisse enfin. « L'homme de bien ne doit pas s'enfuir devant le délinquant ». Il décide ainsi de vivre dans le pays et de combattre ce système qui attribue à la corruption une valeur.
Au fur et à mesure que sa carrière avance, il pose sa pierre dans la construction de l'édifice nationale et marque un peu plus l'histoire de son pays. L'avocat a une fonction sociale, croit Me St Juste qui entend assumer pleinement cette fonction et combattre cette culture de la corruption qui institue l'impunité comme normes. « Si on pouvait récupérer l'argent que la corruption a coûté à ce pays de 1804 à nos jours, on aurait pu être parmi les pays les plus riches du monde », estime-t-il.
Il invite chaque professionnel à assumer la fonction sociale liée à leur profession une manière d'offrir, au milieu de ce tourbillon de misère, une autre alternative à la population. En menant sa lutte contre la famille présidentielle, Newton Saint Juste et André Michel étaient seuls contre tous, et surtout contre l'État. Aujourd'hui, avoue-t-il, bon nombre de citoyens comprennent le sens de notre lutte et ont décidé de nous soutenir. La lutte contre la corruption est l'affaire de tous.
Ces choix de combat sont dictés par sa volonté de voir naître un jour dans ce pays, un véritable État de droit. La méritocratie doit régner sur la flagornerie, s'est-il juré. « Aujourd'hui, le citoyen reste le dernier rempart, parce que les contrepouvoirs ne répondent pas à leur fonction ». La confiance publique, croit-il, est ruinée. Celui qui devait incarner cette confiance, l'État, n'en n'est pas digne. C'est donc l'insécurité.
Les inquiétudes de sa mère, dans cet énième dossier qui l'oppose au président de la République, ne le dissuadent pas. Les menaces, les provocations non plus. Newton Saint Juste se dit le messager de l'État de droit et le défenseur d'une juste cause. Les injures d'avocat pauvre, et d'aigri proférées contre lui par le fils du Président, sont comme un sérum qui revivifie le combattant qui croit qu'il a pour devoir de continuer à combattre afin que les pauvres aussi arrivent à faire entendre leur voix dans les affaires nationales. L'histoire est en marche, et elle n'est pas près de s'arrêter. Elle a permis de découvrir certaines dérives du pouvoir.
Perspectives
En janvier 2013, le dossier de la première Dame sera porté devant le gouvernement américain. Aujourd'hui, le gouvernement haïtien doit donner des rapports mensuels dans le cadre de la mise en œuvre des mesures conservatoires prises contre lui par des institutions internationales. Car il doit garantir la sécurité des deux avocats : André Michel et Newton Saint Juste.
Des enquêtes seront également menées, en 2013, par des avocats étrangers sur la situation des Droits de l'homme dans le pays. À cause de ce dossier de Népotisme, le gouvernement a du mal à obtenir de l'aide de la Communauté internationale. « Un rassemblement citoyen doit s'organiser afin de présenter à la jeunesse un nouveau modèle de société » soutient Newton. L'État doit être respecté y compris par les fonctionnaires, a-t-il fait remarquer. Comme symbole de son implication, le jeune avocat de 36 ans entend transformer son cabinet en assurance judiciaire. La bataille continue et arrive à une phase décisive.
Le courage est nécessaire. Pour Newton : « Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel. Le courage, c'est d'agir et de se donner aux grandes causes, sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l'univers profond, ni s'il lui réserve une récompense. Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire ...» Du courage pour la jeunesse, en ces heures sombres ! Tel est son souhait.
Lionel Edouard
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Source: Le Matin
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