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L’Autopsie Post Mortem : Une Tradition Tribale Propre à Bas-Limbé

 

autopsie
Les riches traditions qui remembrent la culture Haïtienne sont pluridimensionnelles. Des chercheurs de tout genre se languissent pour en trouver le secret. C’est qu’Haïti décriée souvent pour ses lots de pauvres, possède pourtant l’une des plus riches cultures des Amériques.
 
Sans surprise. Le Bas-Limbé, une belle ville du Nord d’Haïti jetée sur l’Océan Atlantique, a vu épanouir toute une affluence de tribus africaines. Certains vieux, autochtones du village, se réclament de la Guinée-Conakry, d’autres s’identifient avec les Dahomeys, les Aradas, quand un nombre imposant se croit être Congo. Ici, les hypothèses ne manquent pas. Le premier groupe, pro-Guinéen, s’appuie du bonheur du mysticisme. Car, selon les croyances, les Guinéens sont aimables, guérisseurs et protègent volontiers leurs semblables. Pour les Dahomeys (Dahomen), le rituel du tambour interpellateur confirme leur appartenance. Le Houngan Dahomey utilise la percussion dans tout. Les Aradas s’enorgueillissent d’être des fins magiciens, alors que les Congos, majoritaires, se complimentent d’être les champions dans les cérémonies funéraires. 
 
Apparemment, c’est dans ce groupe majoritaire que s’agglomère le plus grand nombre de bas-limbéens. Puisque bien des pratiques qui leur sont propres coïncident avec les traditions des esclaves venant du Congo. À  Bas-Limbé, le décès de quelqu’un est le plus grand témoignage de preuve d’amour. Une fois trépassé,  l’individu est l’objet d’une série de trucs cérémoniels et sa demeure, le théâtre d’une variété de concerts religieux. D’abord, le cadavre est préparé au « bain de feuillage Â» qui est un mélange de racines d’arbustes et de feuilles médicamenteuses. Cette préparation est un prélude à l’Autopsie Tribale, alors que celui qui doit opérer le cadavre n’est ni médecin légiste ni chirurgien. Il est un connaisseur culturellement autorisé pour faire la besogne. Cet expert est aussi un franc spirituel qui sait comment se protéger des représailles des malfaiteurs, friands des « Zombis Â». Car, l’Autopsie Post Mortem, à Bas-Limbé, est un antidote contre la ZOMBIFICATION. Les familles en deuil y trouvent un dernier geste d’affection à l’endroit du trépassé, lui évitant bastonnade et d’autres peines affligeantes réservées aux Zombis.
 
Ce genre d’autopsie culturelle est d’un modus operandi singulier. Le corps est coupé latéralement au-dessous des côtes sans gants, sans cache-nez et tous les organes internes sont enlevés pour être ensevelis à part. Puis, le cadavre sans organes internes est installé dans la chambre principale sous un suaire, de la tête au cou.
 
Après l’opération, le rituel veut que le dissecteur passe la nuit à ciel ouvert, en dehors de sa maison. Il doit se retrouver surtout sur  la cour, pour répondre aux questions des esprits, au cas où la personne a été tuée par un loa haïssable. Et, ceci dans la plus grande discrétion. Pas un seul citoyen n’ait droit à l’information sur cette conversation humano-spirituelle.
 
La date de l’enterrement est fixée par la famille. Il est, toutefois, courant que la mise en terre soit prévue pour lendemain, mais les années post Duvaliéristes et la prolifération des morgues et des maisons funéraires ont changé la donne. Aujourd’hui, un cadavre peut être gardé durant une quinzaine de jours à la morgue.
 
Après les obsèques, une veillée de prière aura lieu le samedi suivant, sauf dans le cas d’une mort cruelle*(suicide, accident, noyade), où elle est fixée à un an et un jour après.  Cependant, cette cérémonie particulière sera officiée par un chantre connu pour son expertise dans les cantiques, soit en latin soit en français. Les Ave Maria, les Paters Noster et les Neuvaines sont répétés à l’unisson. Au lendemain dimanche, c’est le jour de la grande visite. Les amis, les accointances, les voisins et les membres de la famille se réunissent pour honorer la mémoire du défunt ou de la défunte. C’est un jour de festin dans la douleur. Nourritures, Colas, Clairin et autres boissons sont souvent servis.
 
Incontestablement, le Bas-Limbé est le principal repère de la tradition congolaise en Haïti. Ses sambas, ses conteurs et ses tambourineurs sont les défenseurs imbattables de cette thèse. Certes, on chante partout dans le pays, mais le chansonnier de Bas-Limbé est un digne Congo ; on narre dans toute la république, à Bas-Limbé, on ne raconte que les histoires des anciens rois Congolais et le rythme Congo domine le tambour Bas-Limbéen. Essentiellement, l’Autopsie Post Mortem est l’héritage Congo le plus ardent de la commune. Car, cette méthode est pratiquée encore dans une région du Congo-Kinshasa. Et, les motifs sont les mêmes.
Au cœur de l’acculturation occidentale qui ravage le pays promouvant l’incinération et d’autres procédés mercantiles, le Bas-Limbéen opère et enterre ses morts avec fierté. Cette tradition est la plus robuste de la république. Le protestantisme et le catholicisme ont mené de vaines pirouettes pour l’éradiquer. Rares sont les villes avoisinantes qui gardent cette légende séculaire. Port-Magot, Camp-Louise et le Borgne ne s’en souviennent plus. Pourtant, le Bas-limbé en a fait un orgueil culturel.
 

Jean-Rony Monestime André, Essayiste
BS en Médecine Nucléaire
BA en Connaissances Générales

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