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Jo-Ann Garnier Lafontant : former des jeunes pour en faire des citoyens responsables

joanngarnierS’il y a quelque chose qui procure du plaisir à Jo-Ann Garnier Lafontant, c’est le sourire qui rayonne sur le visage d’un enfant bénéficiaire de la mise en œuvre d’un de ses projets. Cette jeune femme de 35 ans, mariée, mère de deux enfants, prend plaisir à leur venir en aide. Pour elle, travailler avec les jeunes est un amusement, une source de « bonheur intense » « Je m’amuse bien avec eux. En leur compagnie, je me sens comme eux : une jeune personne », déclare toute souriante, Mme Lafontant, béret rouge fixée sur la tête. Dans ce bureau où elle nous reçoit, les photos grands formats exposé ici et là mettant en exergue des jeunes en activité plantent rapidement le décor et informent de son engagement. Ici, de grands projets se décident au profit de ces enfants et jeunes, aussi bien qu’en faveur des groupements communautaires à l’avantage desquels une politique de renforcement des capacités et compétences locales est implémentée afin de les aider à améliorer la qualité des interventions sur le terrain en accord avec les droits de la personne.

Dans cet espace qui fut le cabinet de son père, avocat décédé l’année dernière, elle héberge une organisation non gouvernementale nationale dont la vision est des plus révélatrices : « Un pays où tous les citoyens, y compris les plus marginalisés, prennent conscience de leur potentiel et mettent leurs capacités en commun afin de jouer un rôle significatif dans le développement national ». Et Jo-Ann Garnier Lafontant croit être sur le bon chemin. Les différents programmes élaborés par Enpak, son organisation, s’inscrivent dans ce qu’elle juge nécessaire pour aider les jeunes à s’épanouir.

Parmi les activités entreprises pour y parvenir, figure la formation en leadership. Des séances d’échange sont régulièrement tenues sur cette thématique afin de permettre aux jeunes de se prendre en main. D’un autre côté, un ensemble d’initiatives liées à l’encadrement des jeunes pour le volontariat sont également mises en œuvre pour leur apprendre à donner aux autres un peu de leur temps, de leur savoir-faire.

À entendre Jo-Ann Garnier Lafontant, le principe en soubassement de cette démarche est que les jeunes doivent être la solution à nos problèmes dans la société et non l’inverse. « Assez souvent, on accuse, à tort ou à raison, les jeunes de tous les maux. Les mauvais actes commis, les mauvaises habitudes, tout est mis à leur actif. Je veux contribuer à renverser la donne », explique-t-elle. La passion avec laquelle elle en parle porte à croire qu’elle y parviendra certainement.

Ses différentes initiatives lui garantissent une avancée considérable dans cette marche vers une jeunesse engagée et responsable. À travers toutes ses activités, elle dit préparer les jeunes à la participation citoyenne. « Le point de départ du travail d’EnpaK est le respect des droits. Le droit qu’a chacun de participer au développement de sa communauté et de son pays, y compris la responsabilité de chacun à remplir ses devoirs en tant que citoyen. Le renforcement de capacité, le rendement de compte et l’inclusion sont des valeurs importantes. Nous préparons les jeunes dans cette optique », souligne Mme Lafontant.

Ce travail avec les jeunes serait inutile sans un accompagnement des parents. Des séances de formation leur sont dédiées pour leur permettre de mieux encadrer leurs enfants.

Tout ceci est un engagement partagé par toute son équipe. « Chacun de nos membres, explique-t-elle, prend l’engagement formel auprès des groupes cibles pour les accompagner de manière à faciliter leur participation et inciter tous les citoyens à un engagement plus sincère, authentique, désintéressé envers leur pays. »

Cet engagement collectif est avant tout personnel. Jo-Ann Garnier Lafontant se souvient, comme si c’était hier, de la raison pour laquelle elle a décidé de changer de carrière pour se consacrer aujourd’hui aux activités sociales.

Apres sa licence en sciences juridiques, elle est engagée par le cabinet de son père. Elle n’allait pas y rester longtemps. Quelque temps après, elle est embauchée à la Promobank, au Service des ressources humaines pour ensuite être mutée au Crédit avant de se faire transférer au département de recouvrement. C’est là que tout s’est déclenché : « Je me souviens de cette femme qui avait contracté un emprunt qu’elle ne pouvait pas rembourser. Elle m’expliquait en pleurant qu’elle n’avait pas eu le temps d’investir l’argent, car elle avait dû payer une rançon pour la libération de sa petite nièce kidnappée. Et moi, je ne pouvais rien lui dire d’autre que de rembourser l’argent coûte que coûte. Ce jour-là, j’ai senti mon cœur se déchirer. Sur-le-champ, j’ai décidé de démissionner et de laisser le secteur commercial », raconte, émue, Jo-Ann Garnier Lafontant. Peu de temps après, elle est engagée à Plan Haïti où elle allait passer dix ans. Au sein de cette institution, elle a fait preuve de son dynamisme, de leadership et de son implication sans faille. Elle se souvient de la première lettre de blâme qu’elle a reçue. « C’était pour ne pas avoir pris de congé annuel pendant trois ans. » C’est ce qui lui a valu en 2010 le prix du meilleur employé de l’année sur l’ensemble des employés de l’organisation au niveau international. Après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, elle a occupé le poste de « représentante pays » de Plan International en Haïti, pour être ensuite nommée directrice de Politique, Plaidoyer et Stratégie. Quelques mois après, elle a quitté le poste pour créer sa propre structure : Enpak. « Beaucoup de personnes disaient que c’était une folie de laisser le plus haut poste de cette institution internationale pour une toute petite organisation. Mais je croyais en ce que je faisais et des collègues et moi avons décidé d’un commun accord de laisser l’institution pour accomplir ce que nous faisons aujourd’hui. » C’est-à-dire accompagner les enfants et les jeunes pour faire d’eux des citoyens responsables.

Patrick Réma
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Source: Le Matin