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1804-1915: " L’endiguement " - Haiti Dans Le Concert Des Nations: Quelques Traits D’un Divorce En Sursis (1/3)

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Haiti Dans Le Concert Des Nations 1804-1915: Quelques Traits D’un Divorce En Sursis (1/3)

Par Jean Maudler Clermont --- Si la proclamation de l’indépendance d’Haïti avait provoqué un vif émoi partout sur le vieux continent et chez le grand voisin du Nord, l’entrée du jeune Etat dans le concert des nations s’est néanmoins effectuée à la cloche de bois. Il apparaissait comme une note discordante à la symphonie habituelle des nations civilisées, une transgression au bon ordre des choses. Le Dr Rayford W. Logan a parlé d’ « anomalie », en référence à la perception des puissances de l’heure de l’avènement d’Haïti en tant qu’Etat libre et indépendant. Donc, une monstruosité avec laquelle il ne convenait pas de colluder. Tout au long du XIXème siècle, différentes parades seront utilisées pour la réduire à sa plus simple expression et détruire son image aux yeux du monde, surtout aux yeux de tous ceux dont son exemple pourrait raviver l’espoir d’un meilleur sort dans leur cœur ou inspirer dans leur effort pour secouer le joug qui les oppressait. On peut identifier 4 expressions cette stratégie d’annihilation de l’Etat d’Haïti : l’endiguement, le poids de la dette de l’indépendance, les propagandes malveillantes, le fardeau des réclamations étrangères.

 L’endiguement

 La première attitude qu’ont affichée les puissances de l’époque, c’était une mise en quarantaine du nouvel Etat. Il fallait empêcher que l’exemple d’Haïti ne contaminât ces territoires où fleurissaient toujours la traite et l’esclavage. L’Angleterre, les Etats-Unis d’Amérique, la France, l’Espagne et les pays du sous-continent se sont, pour ainsi dire, tous passés le mot pour maintenir Haïti isolée, pour la maintenir en dehors de la vie internationale et entraver son ascension.

Les Etats-Unis et l’Angleterre avaient renouvelé avec les nouveaux dirigeants haïtiens les accords commerciaux qui avaient été conclus avec Toussaint Louverture et excluaient toute possibilité qu’ils s’étendent à une reconnaissance politique formelle.

Déjà sous Dessalines les autorités britanniques, par la voix du gouverneur de la Jamaïque, le général Nugent, laissaient entendre la ligne de conduite qu’elles comptaient adopter envers le nouvel Etat. Il fallait qu’il se tînt éloigné, par tous les moyens, des leurs possessions des Antilles. Sous la garantie d’assurer la sureté des cotes haïtiennes contre une éventuelle entreprise de reconquête par la France, le gouverneur enjoignait même Dessalines à ne pas se constituer une marine de guerre. Proposition qui fut courtoisement mais fermement déclinée par ce dernier.

A la mort du fondateur, les Anglais ont continué à entretenir des relations commerciales et des rapports de bon voisinage avec les deux gouvernements issus de la scission subséquente à la chute de l’Empire. Ils avaient, toutefois, accordé une certaine privilégie au régime christophien. Le Sir Home Popham, amiral de la marine anglaise, avait accueilli à Kingston une délégation en provenance du royaume d’Hayti, au grand dam des colons anglais. Suite à cette visite, une mission anglicane a pu s’établir dans le nord du pays. En 1819, il a même rendu visite à Christophe. L’année suivante, il était accueilli à Port-au-Prince. Il avait cru nécessaire, à cette occasion, de proposer ses bons offices afin de promouvoir la réunification du pays sous l’autorité de Christophe. Pourtant, lors du Congrès de Vienne, les Anglais ont persisté à considérer Haïti officiellement comme une colonie française. Il y a eu là une ambivalence commandée par deux impératifs différents : les avantages que leur offrait le commerce d’Haïti et la nécessité de maintenir la sûreté intérieure de leurs colonies au sein desquelles se pratiquaient encore l’esclavage. Jusqu'à l’émancipation des colonies anglaises à partir de 1838, la clause de la non-fréquentabilité des Haïtiens constituait, malgré tout, l’essence même du code de conduite des responsables anglais vis-à-vis d’Haïti.

L’attitude américaine envers la nation noire était régentée par le même principe. Lorsqu’en 1826 les dirigeants américains reçurent l’invitation par la Colombie pour participer au Congrès de Panama qui devait réunir, pour la première fois, tous les Etats libres du continent américain, cette initiative souleva une vague de protestations et d’indignations à Washington, aussitôt qu'on apprit que   la question de la reconnaissance de l'indépendance d'Haïti serait inscrite dans l’agenda du congrès. Les Américains menacèrent de boycotter la réunion au cas où cette assemblée inclurait dans en son sein des représentants d’Haïti.

Le Capitole se transforma, en la circonstance, en prétoire anti-haïtien d’une rare violence. Les réprobations contre l'éventualité qu’un tel sujet puisse être agité à Panama, fusaient, les unes plus acerbes que les autres. Le sénateur Thomas Hart Benton, du Missouri, par exemple prévint :

            « Notre politique envers Haïti a été fixée depuis trente-trois ans. Nous avons établi des relations commerciales avec elle, mais pas de relations diplomatiques. Nous ne recevons pas ses Consuls mulâtres ou ses Ambassadeurs noirs. Et pourquoi ? Parce que la Paix de onze États ne permettra pas l'exhibition parmi eux des fruits d'une insurrection nègre qui a réussi. Elle ne permettra pas aux Ambassadeurs et aux Consuls noirs de donner à leurs congénères noirs des Etats-Unis la preuve en main des honneurs qui les attendent s'ils tentaient un effort similaire. Elle ne permettra pas que ce fait soit vu et qu'il soit dit que pour le meurtre de leurs maîtres et de leurs maîtresses, ils trouveront des amis parmi les blancs des États-Unis. » [1]

Et Edward Everette, du Massachussets, plus sentencieux encore, d’inférer :

            « Je céderai, dit-il, tout le continent à qui voudrait le prendre : à l'Angleterre, à la France, à l'Espagne. Je souhaiterais qu'il s'engloutit dans le sein de l'Océan avant que je vois quelque part de la blanche Amérique, être convertie en une Haïti continentale par cet affreux processus d'effusion de sang et de désolation par quoi seule une telle catastrophe eut pu être réalisée... » [2]

Contrainte par les circonstances de reconnaitre l’Indépendance d’Haïti, après maintes tentatives infructueuses de rétablissement de son autorité sur son ancienne colonie, la France s’aligna, malgré la publication de l’Ordonnance de 1825 par Charles X, à cette politique de mise à l’ écart du jeune Etat. Dans une lettre adressée au gouverneur de la Guadeloupe, M. Jacob, concomitamment à la promulgation de l’ordonnance royale reconnaissant l’Indépendance de Saint-Domingue, le ministre de la marine a tenu à rassurer les colons et les autorités locales sur les implications d’une telle décision et préciser les lignes de la politique à adopter vis-à-vis de l’Etat d’Haïti :

« Au moment où une transaction politique vient d’effacer Saint-Domingue de la liste des colonies françaises, je dois vous faire observer que, loin d’entendre attaquer les bases de l’édifice colonial, le gouvernement du roi tend constamment au contraire à les affermir et qu’il met au premier rang des besoins de l’ordre social, dans nos colonies, la conservation du régime sous lequel ces établissements ont été institués.[…]

L’émancipation de Saint-Domingue, déterminée par des considérations d’ordre supérieur, ne pourra avoir aucune influence funeste sur la tranquillité de nos esclaves ; elle aura au contraire l’avantage de faire cesser les inquiétudes qu’on avait pu y conserver par suite de manœuvres qui ont été à diverses reprises dirigées sous le nom du président Boyer, ou à l’ombre de son appui, contre ces établissements […] Du reste, il est convenu que les habitants actuels de Saint-Domingue s’abstiendront de toute communication avec nos Antilles, et si, contre toute probabilité, il arrivait qu’un bâtiment s’y présentât avec les couleurs d’Haïti, vous êtes autorisés à lui interdire l’entrée du port. »[3]

Suite à la réception de cette lettre, le gouverneur ordonna, non seulement l’interdiction des cotes de la Guadeloupe aux navires d’Haïti, mais encore défendit l’accès des ports de l’ile aux bâtiments étrangers, en provenance de la république noire. « Ce n’était pas les navires, nous dit M. A. Lacour, que l’on redoutait, mais les passagers qu’ils pouvaient apporter : aussi la défense de laisser débarquer aucun citoyen d’Haïti fut-elle absolue. »[4]

Cette prévention de la France vis-à-vis des Haïtiens était largement partagée par les autres puissances. Les autorités espagnoles avaient accusé les dirigeants haïtiens d’être les commanditaires du soulèvement d’esclaves qui s’était produit en 1823 à Porto-Rico. Elles s’étaient enhardies jusqu’à procéder, au courant de cette même année, à la saisie d’un navire de commerce haïtien, « La Beauté », en route pour l’ile de Saint Thomas, en le déclarant pirate. Escorté jusqu’à Porto-Rico, par le navire espagnol « L’Estrella », il fut condamné, le 4 mars 1823, comme bonne prise par M. Guigenes, juge provisoire siégeant au tribunal de première instance de la ville de Saint Germain, à Porto-Rico. Dans son réquisitoire, le juge avait déclaré que  « le pavillon d’Haïti n’est pas reconnu par le gouvernement principal de la nation espagnole, attendu qu’il ne considère que comme des révoltés dans l’ile de Saint-Domingue, les nègres et les mulâtres qui se sont emparés du territoire des deux nations qui les possédaient légitimement, d’où proviennent le bâtiment et la cargaison ; et attendu que leur conduite répréhensible […] les met au rang de nos ennemis…»[5]

Les responsables haïtiens se plaignaient de la même hostilité de la part des autorités des iles danoises et hollandaises. En guise de représailles, Boyer émis la proclamation du 20 mars 1823, par laquelle il interdisait toute communication entre la république d’Haïti et les îles avoisinantes.[6]

On l’avait précédemment vu avec l’Angleterre tôt sous Dessalines. La crainte de la subversion haïtienne tournait presqu’à l’obsession. Les autorités britanniques, à la Jamaïque, allaient donner en 1824, une nouvelle fois, la mesure de leur hantise relative au haut potentiel subversif de la république noire. Sous prétexte d’être des agents recrutés par Boyer, en vue d’allumer des foyers révolutionnaires sur l’ile, Louis Léocine et John F. Scoffery, deux hommes de couleur ont été arrêtés et déportés en Haïti. Ils furent abandonnés au port de Jacmel. Ils se rendirent, plus tard, à Londres où ils en appelèrent à la justice métropolitaine qui les blanchit finalement.[7]

Les pays du sous-continent, nouvellement émancipés, quoique redevables envers la république d’Haïti du généreux soutien qu’elle accorda à Miranda et à Bolivar lors des guerres de libération nationale, ne voulurent pas plus reconnaître son indépendance. En 1824, craignant une éventuelle expédition des Français, en vue de la reconquête de leur ancienne colonie, le président Boyer chercha à consolider la position politique du pays dans la région et s’assurer du soutien des jeunes Etats issus des révolutions bolivariennes. Il avait, à cet effet, délégué, auprès des autorités de la grande Colombie, Desrivières Chanlatte avec instruction formelle de réclamer, en cas de refus de leur part, le remboursement de l’aide que Pétion avait accordée au Libertador. Le vice-président Francisco de Paula Santander, qui reçut l’émissaire haïtien, lui fit valoir que son pays était en bon terme avec la France et ne pouvait, eu égard à sa situation fragile en tant que jeune Etat indépendant, prendre le risque de s’attirer l’inimitié d’une grande puissance telle que la France.[8]

Il appréhendait, en fait, sérieusement les risques de sédition que pouvait entrainer, à l’intérieur du territoire de son pays, où régnait toujours le régime esclavagiste, l’accréditation de diplomates haïtiens à Bogota. Une révolte à l’haïtienne, c’est-à-dire unissant des populations noires et mulâtres contre les blancs était envisagée avec effroi. Dans une correspondance confidentielle, adressée au président du Sénat de Bogotá, datée du 14 avril 1824, Santander alertait l’assemblée sur la présence d’agents haïtiens qui tentaient de lancer des menées subversives à la Guaira, Puerto Cabello et « dans une grande partie des départements du Venezuela »[9].

Santander proposa alors à son interlocuteur de présenter ses revendications auprès de la future assemblée qui devait réunir les représentants de tous les Etats du continent américain bientôt à Panama. Cette proposition fut repoussée par Chanlatte conformément aux instructions reçues de Boyer.

Dès lors, la question du remboursement de l’aide octroyée par Pétion à Bolivar fut mise sur le tapis. Santander agréa sa requête et l’enjoignit d’évaluer lui-même le montant dû. Ils s’accordèrent donc sur la somme de 70.000 piastres. Cette valeur fut payée séance tenante par Santander. Cette décision fut considérée comme foncièrement impolitique en Haïti, à l’époque, de la part de Boyer. Thomas Madiou la considère même comme destructive de l’œuvre humaniste et généreuse de son prédécesseur. Elle banalisait en outre, le sacrifice inestimable des volontaires haïtiens qui avaient librement choisi de combattre auprès des patriotes latino-américains.

A l’occasion du Congrès qui devait se réunir plus tard à Panama, Bolivar n’avait même pas daigné lancer une invitation aux autorités haïtiennes.

Ce ne sera finalement qu’en 1868 que les autorités de Bogotá désigneront un consul en Haïti, soit seize ans après l’abolition de l’esclavage, et seulement en 1950 qu’une représentation officielle s’établira à Port-au-Prince.

Face à l’ostracisme avéré des puissances de l’époque envers de la république noire, B. Vendryes, avait tenu à mettre en exergue la haute portée philanthropique de l’Ordonnance royale de 1825, plus encore celle des deux Traités de 1838, nettement moins défavorables à Haïti, dans un ouvrage publié en 1839, intitulé De l’indemnité de Saint-Domingue considérée sous le rapport du droit des gens, du droit public des Français et de la dignité nationale. Son diagnostic de la situation d’Haïti, sur le plan international, n’est pas moins empreint d’une grande perspicacité. Il inférait, qu’en définitive : « La France seule pouvait l'appeler à ce rang. Elle n'était point dans la condition des colonies anglaises et espagnoles qui ont dû leur reconnaissance par les anciens gouvernements, sans le consentement des métropoles, au grand nombre de leurs habitants, à leur instruction, à leur fortune et à leur parenté avec l'Europe.

Le commerce, qui fréquentait les ports d'Haïti, était prêt à les abandonner à la première démonstration hostile de la France[10]. L'Angleterre, qui avait obtenu une prime pour l'introduction de ses marchandises, exigea plus tard, en conservant néanmoins son avantage commercial, que le président Boyer interdît aux Haïtiens la fréquentation des ports voisins, le pavillon de la république ne pouvait pas s'éloigner des côtes de son territoire.

Bolivar lui-même, qui, dans les premiers temps de la lutte de Colombie avec l'Espagne, avait reçu d'Haïti, particulièrement de son président Pétion, des secours généreux dans un moment pressant, refusa de reconnaitre Haïti comme état indépendant. »[11]

à suivre, (1/3)
Jean Maudler Clermont
Septembre 2013

Références

[1] Register of Debats in Congress Il, Pt I, p. 165-166, cité par Ludwell L. Montague, Haïti and the United States 1714-1838, Durham, North Carolina, Duke University Press, 1940, p. 53, repris par Jean Price-Mars in La République d’Haïti et la République dominicaine, T I, 1953, p. 175.

[2] Congressional Debates, 19th Congress, Ist Sess, Cols 2150, 2328, 2062, cité par Logan, Rayford W. Logan , The Diplomatic Relations of the United States with Haiti, 1776-1891, Chapel Hill, the University of North Carolina Press, 1941, p. 226, repris par Jean Price-Mars, idem.

[3]In M. A. Lacour, Histoire de la Guadeloupe T IV, Basse-Terre, 1860, p. 359

[4] M. A. Lacour, op. cit., p. 359

[5] Thomas Madiou, Histoire d’Haïti, T IV, Editions Deschamps, Port-au-Prince, 1988, p. 367

[6] « Depuis la fondation de la République, le droit des gens y a été scrupuleusement observé; le gouvernement, toujours dirigé par l'amour de la paix et par l'honneur qu'inspire une cause juste, n'a jamais rien conçu qui pût, avec justice, faire soupçonner qu'il ait eu l'intention de troubler la tranquillité d'aucune des îles voisines.

Cependant, c'est dans la plupart de ces îles, où sont réunis les promoteurs de l'affreux trafic de chair humaine, que la République a toujours eu ses plus acharnés détracteurs. Les colons, qui les habitent, tourmentés par les furies d'une conscience criminelle, s'imaginent voir sans cesse Haïti prête à les anéantir, tandis que les haïtiens, assez confiants dans les décrets de l'Éternel pour lui abandonner le soin de les venger, dédaignent les calomnies de leurs ennemis qu'un châtiment céleste atteindra tôt ou tard.

Ainsi, des lois et des règlements, à la fois injurieux à la raison et contraires aux véritables intérêts de ces îles, y sont en pleine vigueur pour défendre toute espèce de relations avec la République, tandis que par les vils moyens de l'interlope qu'on y encourage on se procure sur nos côtes des débouchés clandestins pour leurs produits. […]

A tant d'outrages il faut une fin.

Nous déclarons à tous ceux qu'il appartiendra que, pour user de représailles envers les ennemis et les détracteurs de la République, toutes relations et communications par des bâtiments de commerce ou appartenant à des particuliers, entre Haïti et les différentes îles de l'Archipel du vent et sous le vent, sont rigoureusement interdites à compter du premier mai prochain.

En conséquence, tous bâtiments de commerce ou appartenant à des particuliers, qui entreront dans les ports de la République, après le premier mai prochain, venant des îles ou colonies susdites, seront saisis et confisqués, ensemble avec tout ce qui existera à leur bord, moitié au profit de l'État, moitié au profit de n'importe qui fera connaître la contravention. » in Linstant Pradine, Recueil Général des Lois et Actes du gouvernement d’Haïti, T III, Paris, 1860, p. 583-585

[7] Thomas Madiou, op. cit, p. 368

[8]Selon une relation de l’époque : « Les Noirs de la république d’Haïti, voyant disparaître le système libéral en France, avec le retour des Bourbons sur leur ancien trône d’un despotisme héréditaire, craignent avec raison, que ce cabinet, renouant avec leurs pratiques de cupidité et d’oppression, qui font l’apanage des Européens, tente de les assujettir de nouveau. Cette crainte motive le désir de trouver un territoire dont les habitants embrassent avec eux la même cause, dès lors qu’ils croient nécessaires à leur conservation le fait d’avoir, lorsque le pouvoir de la France les mettra dans l’obligation de lui rendre ses forts et ses places, un peuple allié où ils seront respectés, en tant qu’hommes libres, conservant ainsi l’espoir de récupérer leur république pour l’un de ces événements qui sont dans l’ordre des choses la balance des systèmes libéral et servile. L’on a entendu dire, de la part d’hommes dignes de foi sur le sujet, que dans ces provinces, et dans d’autres sur la côte, où il y a une population considérable de cette race, il existe près de trois cents espions de cette république et des agents qui promeuvent cette révolution, offrant le succès en contrepartie de leur protection. » Marixa Lasso, « Haiti as an image of popular republicanismo in Caribbean Colombia, Cartagena province (1811-1828) », in David P. Geggus (ed.), The Impact of the Haitian Revolution in the Atlantic World, Columbia,University of South Carolina Press, 2001, p. 176-190, cité par Daniel Gutiérrez-Ardila in La “Colombie et Haïti, histoire d’un rendez-vous manqué entre 1819 et 1830” in Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, numéro 32, Automne 2010.

[9] Santander y el Congreso de 1824. Actas y correspondencia. Senado, Bogotá, Presidencia de la República, t. 1, p. 286-288, cité par Daniel Gutiérrez-Ardila, op. cit.

[10] Beaubrun Ardouin mentionne en ce sens un article secret du texte additionnel au Traité de Paris conclu entre la France et l’Angleterre qui garantissait à l’ancienne métropole les coudées franches pour toute initiative visant à faire valoir ses droits sur l’ancienne colonie. Il était ainsi formulé : « Dans le cas où S. M. Très-Chrétienne jugerait convenable d'employer quelque voie que ce soit, même celle des armes, pour récupérer Saint-Domingue et ramener sous son obéissance la population de cette colonie, S. M. Britannique s’engage ne point y mettre, ou permettre qu'il soit mis, par aucun de ses sujets, directement ou indirectement obstacle. S. M. B. réserve cependant à ses sujets, le droit de faire le commerce dans les ports de IIe de Saint-Domingue, qui ne seraient ni attaqués ni occupés par les autorités françaises. » ( B. Ardouin, Etudes sur l’histoire d’Haïti T VIII, Paris, 1858, p. 132)

[11]B. Vendryes, De l’indemnité de Saint-Domingue considérée sous le rapport du droit des gens, du droit public des Français et de la dignité nationale, Paris, 1839, p36

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