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Le calvaire de l' École normale supérieure (ENS)

drfritzrosemond

Après 65 ans de service à la communauté en matière de formation des cadres, l'Ecole normale supérieure(ENS) peine à trouver le strict minimum pour un fonctionnement plus ou moins normal.

La seule et unique école normale supérieure publique du pays a toutes les peines du monde quant à son fonctionnement quotidien. Au voisinage de l'insalubrité, l'institution fonctionne dans des taudis qui ne favorisent pas l'apprentissage. Vieille de 65 ans, l'École normale supérieure(ENS) a, depuis son existence en 1947, arpenté tous les coins de Port-au-Prince pour trouver un endroit où s'abriter. « Il est inconcevable que l'ENS n'ait jamais eu son propre local. Nous avons fait tout un pèlerinage au fil des années pour trouver un endroit », a déploré Fritz Rosemond, directeur administratif de l'ENS.

L'espace logeant actuellement l'ENS avait été occupé par la force par les étudiants après les mouvements ayant renversé du pouvoir le président à vie Jean-Claude Duvalier en 1986. C'est l'ancien local des Volontaires de la sécurité nationale(VSN), structure paramilitaire charnière de l'ancien régime. « Nous n'avons pas le titre de propriété de ce terrain. Ce qui constitue un handicap majeur à la reconstruction de l'établissement effondré dans le séisme du 12 janvier 2010 », a confié le professeur Fritz Rosemond au journal Le Nouvelliste, révélant qu'une organisation japonaise leur a promis de construire une école normale moderne moyennant la possession légale d'un terrain qui convient au projet.

« Des démarches ont été effectivement menées auprès de l'agence japonaise de coopération internationale pour la construction d'un superbe établissement», a confirmé Jean Fritzner Etienne, directeur financier de l'institution publique d'enseignement supérieure. «Les discussions avec l'organisation, a enchaîné le professeur Etienne, sont très avancées. Une délégation japonaise est déjà venue sur les lieux pour l'étude de la faisabilité du projet. « C'est le problème de terrain, a-t-il laissé entendre, qui empêche les discussions de se poursuivre ».

Ce problème sert de prétexte aux étudiants de l'École normale supérieure. Ces derniers ont, depuis plusieurs semaines, investi le site du palais de justice, situé dans le voisinage immédiat de l'ENS. Ils ont mis une pancarte identifiant l'institution. Sur les ruines du palais de justice, un hangar est visiblement en cours de construction. L'accès à ce site leur est strictement réservé. « Désormais, cet endroit est la propriété de l'Ecole normale supérieure. C'est ici que nous aurons à suivre nos cours pour cette année académique», a indiqué le porte-parole des étudiants protestataires, réclamant de meilleures conditions d'apprentissage. Menaçant d'organiser une manifestation si leurs revendications ne sont pas prises en compte, les étudiants ont tiré à boulets rouges sur les autorités étatiques qui, disent-ils, n'ont rien fait pour améliorer les conditions lamentables dans lesquelles fonctionne l'unique École normale supérieure du pays.

Les étudiants ne sont pas seuls dans leur mouvement. Ils bénéficient du support du décanat de ladite faculté. « Les revendications des étudiants sont justes et légitimes. En attendant une réponse favorable des autorités, le conseil de direction de l'ENS appuie fermement le mouvement des étudiants », ont déclaré MM. Rosemond et Etienne. Les deux responsables disent avoir déjà écrit au rectorat de l'Université d'Etat d'Haïti(UEH) pour la régularisation du dossier. « Qu'il soit le site du palais de justice ou autre, l'important pour nous, c'est d'avoir à notre disposition un terrain d'environ 1000 ha pour accueillir le projet en cours », ont-ils exigé tout en déplorant le fait qu'aucune suite n'ait encore été donnée à la lettre.

« Les autorités, a déclaré le professeur Jean Fritzner Etienne, doivent profiter de cette situation pour comprendre que les conditions de fonctionnement de l'ENS sont inacceptables.» «C'est impossible que des professeurs et étudiants évoluent dans de telles conditions infrahumaines », a dénoncé le professeur Etienne.

Bien avant le tremblement de terre, l'ENS évoluait dans une situation chaotique. Pour plus de 600 étudiants, seulement 10 salles de cours. Un nombre très réduit de chaises. Le séisme a compliqué la tâche. Aujourd'hui, elle fonctionne dans des hangars délabrés, à la limite de l'insalubrité. Des cours sont souvent dispensés à ciel ouvert sous un soleil de plomb. Bizarrement, étudiants, professeurs ou autres s'en accommodement « École normale est anormale », tel est le discours ironique véhiculé quotidiennement dans cet espace universitaire. Il est à rappeler que cette entité de l'UEH est constituée de 7 départements et de 3 programmes de master (géographie, histoire et lettres-philosophie).

L'éducation est l'une des cinq grandes priorités de l'administration Martelly. Les professeurs Etienne et Rosemond croient que cet objectif ne peut pas être concrétisé sans la prise en charge de l'École normale supérieure, laquelle a pour tâche de former des générations d'enseignants. « Si l'on veut faire de l'éducation une véritable priorité, ont conclu les deux responsables, il faut penser à la formation des enseignants, donc à l'ENS sous toute forme. »

Yvince HILAIRE
Twitter: @yvincehilaire
Source: Le Nouvelliste