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Haiti - Histoire: Pétion révendique/justifie l'assassinat de Dessalines et propose le pouvoir à Christophe;

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Au quartier-général du Port-au-Prince, le 16 octobre 1806 .

Le général de division Pétion, commandant en chef la 2e division de l'Ouest, à Son Excellence le Général en chef de l'armée d'Haïti, Henry Christophe.

Général,

Échappés des coups destructeurs que les agents d'un gouvernement ingrat et barbare frappaient sur les habitants de ce pays, nous avions cru devoir confier les moyens de notre régénération entre les mains d'un homme qui, par ses dangers personnels et sa propre expérience, aurait pu avec sagesse fixer le bonheur parmi nous. Lorsqu'abusant de notre patience, il força nos volontés, en couvrant sa tête de l'éclat du diadème, nous pûmes penser qu'au faîte des grandeurs et de la puissance, il aurait reconnu que son pouvoir était l'ouvrage de nos mains et le prix de notre courage. Il paraissait même s'en être pénétré , et nous espérions qu'à l'abri des lois, nous aurions pu jouir dans un état paisible de tous les sacrifices que nous n'avions cessé de faire depuis si longtemps.

Quel en a été le résultat, général? A peine a-t-il senti son autorité affermie, qu'il a oublié tous ses devoirs et qu'au mépris des droits sacrés d'un peuple libre, il a cru qu'il n'y avait de véritable puissance que celle exercée par le pouvoir le plus despotique et la tyrannie la plus prononcée.

Nos coeurs ont longtemps gémi, et nous n'avons employé que la soumission et la docilité pour le ramener aux principes de justice et de modération avec lesquels il avait promis de nous gouverner. Son dernier voyage dans la partie du Sud a enfin dévoilé ses projets même aux yeux les moins clairvoyants, et nous a prouvé qu'il ne nous restait d'autres moyens de conservation pour nous-mêmes, et pour nous opposer aux attaques de l'ennemi extérieur, que de nous lever en masse, si nous voulions éviter une destruction prochaine et résolue. Ce mouvement spontané, l'élan de nos coeurs opprimés, a produit un effet aussi prompt que celui de l'éclair ; dans peu de jours les divisions du Sud ont été debout ; rien ne devait arrêter cette irruption, parce qu'elle était un mouvement aussi juste que sacré, celui des droits du citoyen impunément violés ! Nous avons joint nos armes à celles de nos frères du Sud. Pénétrée des mêmes sentiments qu'eux, l'armée s'est portée au Port-au-Prince dans l'état le plus admirable et la plus exacte discipline, en respectant les propriétés, sans que le travail de l'agriculture ait été dérangé un seul moment, et que le sang ait été versé.

La Providence, qui est infinie dans ses décrets, s'est plu à se manifester dans une aussi juste cause, en conduisant notre oppresseur au-devant du sort qui l'attendait, et lui a fait trouver le châtiment de ses crimes au pied des remparts d'une ville qu'il venait, avec des forces , pour inonder du sang de ses semblables, puisque, pour nous servir de ses dernières expressions, il voulait régner dans le sang.

Nous n'aurions pas achevé notre ouvrage, général, si nous n'avions pas été pénétrés de l'assurance qu'il existe un chef fait pour commander à l'armée avec toute la latitude du pouvoir dont il n'avait eu jusqu'à ce jour que le nom. C'est au nom de cette armée toujours fidèle, obéissante, disciplinée, que nous vous prions, général, de prendre les rênes du gouvernement, et de nous faire jouir de la plénitude de nos droits, de la liberté pour laquelle nous avons si « longtemps combattu, et d'être le dépositaire de nos lois, auxquelles nous jurons d'obéir puisqu'elles seront justes.

J'ai l'honneur de vous saluer avec un respectueux attachement.

(Signé) Pétion

NB. Lisez bien la date 16 Octobre... L'auteur, Joseph Saint Rémy dans Pétion et Haiti, étude monographique et historique (1857) pages 155-156-157 a mentionné qu'il s'agit d'une erreur typographique. Cela peut être aussi le témoignage d'un complot mûrement prepare et sûrement d'aboutir.

contribution de
Norluck Dorange