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Que dit-on à Martelly ?
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- Catégorie : Opinions
- Publié le samedi 21 novembre 2015 17:18
C'est presque implacable. Le déni réel ou feint de ceux au pouvoir donne des ailes à l'opposition. Le temps a montré qu'une « minorité zwit », en proie à un vrai malaise ou portée par des intérêts divers, peut aisément monter en puissance. Souvent, la négation de l'autre, l'incapacité à transcender, à trouver des solutions politiques consensuelles ouvrent la voie à la confrontation.
Quand ça chauffe, la police monte au front, se retrouve dans la diagonale des incapacités des uns et des autres, assez peu pétris des valeurs démocratiques et républicaines. Elle réprime, la PNH. Scénario classique. Il y a de la casse, des morts. Impuissance devient alors l'intitulé de la bande originale du film de beaucoup de vies. Ce déroulé dramatique n'est pas nouveau. Le pays l'a vécu par exemple entre 2004 et 2007.
Onze ans après 2004, l'ADN de nos politiques n'a pas changé. Peu ont compris qu'on ne peut pas arriver au palais national grâce à des élections frauduleuses. Pour Préval en 2006, Martelly en 2010, un certain niveau d'assentiment du peuple a été trouvé, facilitant les opérations des Blancs, anges et démons de nos vies. Ces deux acteurs, au fil des ans, ont appris à harmoniser un tant soit peu leurs violons.
Ce vendredi, en milieu de journée, avec ce sondage à la sortie des urnes de Igarape dans la tête donnant Jovenel Moïse 4e avec 6 % d'expressions favorables des sondés, plusieurs dizaines de milliers de manifestants de l'opposition ont gagné les rues. Ils ont été dispersés par les forces de l'ordre. Les manifestations, entre-temps, gagnent en intensité. C'est la preuve qu'il y a un problème réel à résoudre.
Le doute sur les élections distillé fait son œuvre, conforte ceux qui accusaient sans être capables pour autant de balancer des preuves en béton et en quantité sur la table. Toutefois, avec ce sondage, repris par AP, CNN et d'autres médias internationaux, certains se demandent si des officines politiques de certains pays occidentaux influents ici ne disent pas quelque chose au président Michel Martelly ?
Est-ce qu'on veut le ramollir, calmer ses ardeurs à un moment où « l'exit poll » d'Igarape n'est plus considéré comme un simple sondage réalisé à la sortie des urnes ? Ce n'est pas facile à savoir pour le moment, même si, pour certains, cela sent la manipulation à plein nez. Pourtant, pour comprendre que ce simple sondage est peut-être un premier coup venant de l'étranger à l'édifice rose, il faut avoir à l'esprit qu'en politique, la perception vaut le fait.
Et ces temps-ci, la perception de la mise en place d'une machine chargée de perpétrer des fraudes électorales pour Jovenel Moïse, peu à peu, semble valoir le fait. En politique, cela dit tout. Ce à un moment où le CEP, sous pression, plie après sa fin de non-recevoir à la proposition des huit candidats sur la création d'une commission indépendante.
L'institution électorale invite, avec ses conditions, des candidats à faire des vérifications au Centre de tabulation. Les intéressés, notamment Moïse Jean-Charles, Jude Célestin, refusent la proposition du BCEN dont les décisions sont imposables au Conseil. Ces candidats y voient un piège.
Qu'est-ce qui explique ce nouveau positionnement du CEP ? Est-ce effectivement un piège où une rétractation sans perdre la face après la fin de non-recevoir à la proposition des huit candidats sur la création d'une commission indépendante ?
Si la vérification est souhaitée, le timing a peut-être changé pour ceux qui, ouvertement maintenant, parlent de départ de Martelly, du CEP et de l'installation d'un gouvernement de transition. Cependant, il ne serait pas mauvais que les 8 candidats aillent jusqu'au bout de la logique du CEP. Pourquoi ne pas aller avec des experts au Centre de tabulation pour trouver des preuves qui pourraient, s'il y en a, embarrasser encore plus le pouvoir ?
Si l'on trouve des preuves, cela permettra de rester dans le cadre du décret électoral qui prévoit l'exclusion d'un candidat ayant bénéficié d'actes frauduleux qui altèrent la sincérité du vote populaire. La voie vers le second tour sera ainsi ouverte, sans l'intervention de l'OEA dans la sauce de cette nouvelle crise. Pour aller dans cette direction, revenir sur les rails d'une élection imparfaite qui a déjà pavé la voie à des gens douteux vers le Parlement, les forces vives du pays doivent se prononcer. Donner ou non leurs appuis. Il ne faut pas ignorer la possibilité que le CEP fasse des appels du pied pour se libérer d'une éventuelle étreinte rose.
À ce stade, quel que soit le cas de figure, il faudra faire comprendre au président Michel Martelly qu'on le protège contre lui-même, contre les possibles excès, les éventuels sursauts des faucons déplumés de son entourage qui, contre toute apparence, vivent l'angoisse d'une possible fin de règne. Pour le pays, il serait bon que Michel Martelly passe l'écharpe au prochain président. Il serait bon d'écarter le spectre faussement expiatoire du déchoukage planant sur certaines personnalités soupçonnées de s'en être mis plein les poches.
D'un autre côté, si la majorité de nos politiques ne sont pas devenus plus brillants, plus matures, plus aptes à faire face aux multiples défis auxquels Haïti est confrontée, leur désir fiévreux du pouvoir a augmenté. Pour eux, le pays doit mettre la barre très haut. On sait tout ce que cela implique de pagaille, de bataille dans le découpage du pouvoir en période de transition politique. Aucun parmi les politiques qui affichent cette unité de façade ne peut garantir que la chamaille sera laissée au vestiaire quand il s'agira de partager le pouvoir. C'est ça. C'est notre vérité. C'est pour cela qu'il y a un devoir d'exigence envers tous les protagonistes. Tant les belliqueux que ceux enfermés dans le déni. Il est temps de tout dire au président Michel Martelly.
Roberson Alphonse
Source le Nouvelliste
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