Analyses & Opinions
La table de concertation de la honte
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- Catégorie : Opinions
- Publié le mercredi 6 février 2013 03:44
Au moment où les deux chambres du Parlement ne sont pas sur la même longueur d'onde sur la formation de la commission bicamérale paritaire, qui doit procéder à l'analyse des dossiers des postulants désireux de représenter les parlementaires au Conseil de gestion transitoire du Conseil électoral permanent, le Premier ministre Laurent Salvador Lamothe s'active à relancer la table de concertation avec les Etats-Unis, l'Union européenne et le Brésil. Ces trois bailleurs, dont les uns plus exigeants que les autres, doivent délier les cordons de leurs bourses afin de venir en aide à un Etat en faillite qui effectue de folles dépenses, sauf celles relatives à l'organisation des élections pour rétablir sa souveraineté.
Depuis plus d'une décennie, la communauté internationale est omniprésente dans l'organisation des différentes compétitions électorales en Haïti. Qu'il s'agisse d'évaluer les besoins des différents conseils électoraux provisoires, de financer les opérations électorales et de prendre en charge toutes les dépenses y afférentes, la table de concertation des bailleurs est sollicitée. C'est dans cette optique que la communauté internationale planifie des réunions avec des cadres du CEP sans l'autorisation des membres du Conseil ; effectue des visites au centre de tabulation au moment de la saisie des données et rejette quand bon lui semble n'importe quel résultat d'un Conseil électoral. En 2008, l'administration René Préval autorise le décaissement de 197 millions de dollars des fonds de Petrocaribe pour l'achat de matériel pour le Centre national des équipements. Pourquoi les autorités haïtiennes effectuent tout type de dépense extrabudgétaire dans les fonds de Petrocaribe, mais refusent d'y puiser pour organiser les élections ?
Entre vingt et vingt-trois millions de dollars américains, c'est le coût imposé par les anciens conseillers électoraux Rosemond Pradel et François Benoît lors des élections de 2006. Ils se laissaient manipuler par des consultants étrangers pour introduire des dépenses faramineuses dans l'organisation des élections. Les scrutins du 25 juin 1995 et du 21 mai 2000 n'avaient pas franchi chacune la barre des 100 millions de gourdes. Pourquoi les élections doivent coûter autant d'argent dans un pays aussi pauvre ? Où sont les cinquante mille fonctionnaires de l'Etat, les dix mille étudiants de l'Université d'Etat d'Haïti ? Pourquoi ne les utilise-t-on pas comme membres de bureau de vote ?
Tous les regards seront fixés sur le Premier ministre Laurent Lamothe à l'occasion des élections de cette année. Le chef du gouvernement se sentait mal à l'aise lorsque le président de la FIFA, Joseph Sepp Blatter, lui disait que la Fédération haïtienne de football demandait des fonds à la FIFA à chaque déplacement de l'équipe nationale haïtienne à l'étranger. Comment Lamothe va-t-il se sentir pour solliciter des fonds auprès de la table de concertation des bailleurs à chaque compétition électorale ? Ce comportement, pour le moins avilissant pour notre pays, devrait servir de motif à nos dirigeants actuels pour rompre totalement avec le financement étranger dans l'organisation des élections. Et ce sera le premier acte de reconquête de notre souveraineté surveillée par la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti depuis le 29 février 2004, pour reprendre l'ex-président Boniface Alexandre.
Lemoine Bonneau