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Hyperprésidentialisme!
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- Catégorie : Opinions
- Publié le vendredi 25 janvier 2013 13:49
Transparence. Rationalité dans la gestion des ressources de l'État. Le Premier ministre Laurent Lamothe a récité, mercredi 23 janvier, son abécédaire de la bonne gouvernance à son équipe gouvernementale remaniée. Il a été cohérent, politiquement, dans cette énième litanie sur les bonnes intentions et le code éthique du pouvoir Tèt Kale. Vingt fois sur le métier. Même s'il lui faudrait toute une vie pour plaire et convaincre. L'ouvrage à remettre surfe encore dans les limbes.
Le style Lamothe est brusque. Saccadé. Intuitif. Théâtral. Déclamatoire. Et combatif. Des reflexes d'homme de spectacle et de félin qui lui rendent jaloux de ses lieux de performance et de son espace de chasse. Au premier remaniement ministériel auquel il a présidé, il avait mis hors-jeu Thierry Mayard-Paul, un martellyste tout-puissant... aux pieds d'argile. Il vient de se payer la tête de Ronsard Saint-Cyr, un voltigeur lavalassien qui se laissait pousser des ailes roses extravagantes...et finalement vaines. Les deux étaient titulaires du portefeuille de l'Intérieur et des Collectivités territoriales. C'est dire qu'au sein du pouvoir une lutte acharnée se livre entre les clans pour le contrôle politique du « territoire ». Dans les deux cas, M. Lamothe a réussi à convaincre le Chef de l'État de la nécessité d'évacuer de son gouvernement deux ministres ouvertement « martellystes », mais, pour lui, deux « mauvais larrons » qu'il a suspectés de tout ce qui n'est pas correct en termes « d'éthique gouvernementale ». Lamothe ne pourra jamais reprocher à Martelly de n'avoir pas pris fait et cause pour lui, jusque-là , dans ses démêlés avec la garde rapprochée présidentielle, celle qui se ligue en un bloc anti-Lamothe et qui englobe sa propre famille, ses âmes damnées et ses vielles amitiés. Plus qu'un remaniement, il s'est agi, mardi 22 janvier, d'un sursis du président à son complice de Premier ministre en difficulté. Nouveau départ ?
De Hanoi à Caracas jusqu'à Davos, nous savons que M. Lamothe et son apparent alter ego de Président sont toujours sur le départ. D'aucuns disent qu'ils sont plus de passage en Haïti qu'autre chose. Ils font la route tantôt ensemble, tantôt sur des voies séparées. Mais comment agenceront-ils tous deux leurs itinéraires de responsables d'Etat et synchroniseront-ils leurs actions de Président et de Premier ministre pour que le tout dernier remaniement soit enfin celui qui assure un réel décollage au pouvoir Tèt kale et un nouveau départ pour le pays ? Cette équipe de voyageurs, autant prodigues qu'impénitents, ne convainc toujours pas dans sa capacité d'atterrir dans des délais raisonnables. Ils promettent au même rythme qu'ils respirent. L'air est empli de promesses roses non tenues et d'attentes cendrées d'une population angoissée. L'Haïtien n'en finit pas d'attendre Godot !
M. Lamothe a réussi un coup politique avec ce replâtrage gouvernemental. Il n'a pas pour autant les coudées franches. S'il garde un certain contrôle sur un ou deux ministères clés, il demeure barricadé par les fidèles du président Martelly qui le tiennent à l'œil et entravent son action. Au fond, le grand timonier de la barque demeure Michel Martelly. Lamothe n'a pas aujourd'hui plus de pouvoir qu'il n'en avait la veille de l'intronisation des sept nouveaux ministres. Les tentacules épais du Palais national s'étendent plus que jamais à la Primature. De l'hyperprésidentialisme. Au grand dam d'un Laurent Lamothe qui, au demeurant, ne doit sa survie, à son poste, qu'à ses liaisons profondes et impénétrables avec son ami Martelly.
Le remaniement n'annonce ni une vision nouvelle ni un changement de direction dans la trajectoire gouvernementale. Cette opération a surtout permis à M. Martelly et à Lamothe de solder des comptes politiques et d'évacuer des indésirables et des disgraciés. Elle a aussi confirmé, dangereusement, l'ancrage fort et poussé du pouvoir dans la droite anti-progressiste haïtienne. Un virage risqué. D'autant que les acteurs politiques haïtiens, les Américains et les Nations Unies ont échoué à amener le président Martelly à tenir des élections législatives et municipales dans les délais prescrits. Et dire que le pouvoir ne cache pas ses intentions d'en arriver à un Parlement frappé de caducité.
La rectification attendue n'aura pas lieu. Les hypothèques sont loin d'être levées sur le devenir politique, social et économique du pays. Au contraire, elles s'accumulent à l'horizon comme d'épais nuages noirs. Cette équipe gouvernementale remodelée, fût-ce en surface, doit s'atteler, sans délai, à tout transformer en profondeur. Il faut conjurer l'hyperprésidentialisme. Rétablir l'ordre constitutionnel. Apaiser le climat social. Redynamiser l'économie. Histoire de redonner confiance.
Daly Valet
Le Matin
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