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Ballon d'Or 2012: Comprendre le « sacre » de Messi

Par Josué Muscadin --- Adulé, détesté, apprécié à sa juste valeur, Messi ne laisse personne indifférent dans le monde du foot. Consacré pour une quatrième fois consécutive Ballon d'Or de l'année, le phénomène Messi s'invite à toutes les conversations des amateurs du ballon rond. Je profite de ce Messimania pour émettre un jugement sur le Ballon d'Or mais aussi sur celui qui désormais fait son entrée magistrale dans le panthéon du football mondial.

Messi, le moins bon des « meilleurs »

Messi mérite-t-il le ballon d'or ? Au-delà du fait que le Ballon d'Or en lui-même est contre-productif pour le football, parce qu'il individualise un jeu qui devrait être collectif, on peut s'interroger sur la pertinence de son attribution à tel ou tel joueur. Je sais que c'est osé et que cela peut paraitre ridicule de se poser une question dont la réponse parait plus qu'évidente pour plus d'un. Mais osons oser, osons le ridicule. Je vous invite à faire économie de toute tendance fanatique (ce qui est, je l'avoue, très difficile, car la tentation est très forte et omniprésente) et de vous demander si le choix de Messi comme Ballon d'Or 2012 vous semble objectif. Pour cela, rien ne vaut une considération, ne serait-ce que brève, sur le profil des finalistes.

D'abord, je tiens à dire que l'absence de certains joueurs comme Pirlo et Casillas sur la liste des finalistes délégitime la compétition et prouve encore une fois son caractère éminemment subjectif et que la performance d'un joueur ne détermine pas forcément sa sélection ; d'autres critères comme le poste occupé, la visibilité médiatique semblent beaucoup plus déterminants. Fermons cette parenthèse.
Les trois finalistes retenus dans la course pour le prix, Messi, CR7, Iniesta, sont censés être les « meilleurs » parmi lesquels sera fait le choix du « meilleur ». Quand on regarde le palmarès des trois « meilleurs », le moins bon n'est autre que Messi avec à son actif la seule coupe d'Espagne remportée avec le FC Barcelone.

Bien évidemment, je sais que certains vont recourir à l'argument des records de but, mais s'il ne fallait que marquer des buts pour se voir attribuer le Ballon d'Or, pourquoi existerait-il le Soulier d'Or qui est le prix réservé au meilleur buteur? Vous suivez? Le record de but de Messi, 91 en une année civile, a sa récompense spécifique : le Soulier d'Or. Point. Objectivement, le « meilleur des meilleurs » est indiscutablement Iniesta. Le champion du monde 2010 avec une touche de balle fantastique et des passes millimétrées est sans conteste l'un des meilleurs milieux de terrain de sa génération, il s'est encore illustré en remportant l'Euro 2012 avec la Roja. CR7 qui a pu conduire son équipe jusqu'en demi-finale de l'Euro et remporter la Liga viendrait en deuxième position. Donc, remportant comme unique titre la modeste coupe du Roi, Lionel Messi n'a pas fait mieux que Valdes en 2012. Il est vrai que son record de but est incroyable, mais ces buts sont marqués avec un style que certains observateurs peuvent qualifier de répétitif avec une finesse qui laisse à désirer.

Trouvez-vous normal que le joueur récompensé par le prix qui est censé être le plus prestigieux de la Fifa ait un palmarès aussi pauvre, donc le moins bon des meilleurs ? L'explication qui me parait être la plus sensée est qu'aujourd'hui le football est dénaturé, extrêmement libéralisé, où le collectif, le vivre-ensemble comme idéal est remplacé par une féroce compétition interindividuelle.

Lionel Messi ou comment remporter le Ballon d'Or avec une coupe du Roi

Par quel miracle est-il possible de gagner le Ballon d'Or sans un titre majeur dans son palmarès? Il faut s'appeler Lionel Messi tout simplement. Dans le duel Ronaldo-Messi le plus grand avantage de l'Argentin n'est pas à mon avis le talent extraordinaire qu'on lui reconnait tous, mais le fait qu'il décide de se soumettre à la bien-pensance des médias, contrairement à son concurrent qui se montre plutôt rebelle. Les médias, dans le sport ou dans n'importe quel domaine de la société, imposent une dictature d'une manière d'être unique.

Un bon sportif, footballeur en l'occurrence, est quelqu'un qui sait se montrer extrêmement humble dans ses déclarations, même si en réalité il n'a pas l'ombre de l'humilité. Messi dont le caractère orgueilleux et despotique est maintes fois révélé, notamment à travers son conflit ouvert avec Villa, − ce dernier aurait exigé son transfert à Arsenal à cause de « l'égoïsme » de Messi −, est aujourd'hui le chouchou des médias, parce qu'il arrive à incarner l'hypocrisie que requiert le système.

Il s'agit là d'un constat très paradoxal : l'extrême individualisation du football détruit le collectif, met en avant l'individu, mais en même temps, le joueur doit nécessairement se montrer d'une certaine « humilité », définit par les médias. C'est le plus grand problème de CR7 qui n'est pas du tout dans ce politiquement correct imposé, il dit ce qu'il pense comme il le pense. Un exemple parmi d'autres : il aimerait gagner le Ballon d'Or – qui n'aimerait pas le gagner d'ailleurs ? − il le dit. Une croisade médiatique est organisée contre le Portugais parce qu'il dit ce que les autres pensent mais n'osent pas dire. Mais, que peut-on faire ? C'est la nature. Certains sont prêts à se courber l'échine pour rentrer dans le moule, d'autres se montrent plus réticents, d'autres encore préfèrent la marginalité. Et, parmi les mérites que je reconnais à Lionel Messi, sa capacité à utiliser le système médiatique a son avantage, est en un. Ce ne sont pas les médias qui donnent le Ballon d'Or, vous avez raison. Mais l'image d'un sportif, comme tout personnage public, est totalement dépendante de ce qu'en disent les médias. Ils construisent, ils détruisent.

Messi, en dépit de ses capacités footballistiques dont il fait montre et par lesquelles il s'est remarquablement tiré du lot, n'est pas objectivement le meilleur joueur de l'année, encore moins du monde. Très moyen en terme de performance avec son équipe nationale, il n'a pas remporté le championnat d'Espagne ni la Ligue des Champions, d'ailleurs c'est lui qui a raté le penalty qui pourrait qualifier le FC Barcelone face a Chelsea. Il serait le meilleur attaquant s'il n'était pas aussi dépendant du système de jeu barcelonais qu'on a l'impression qui est construit pour lui et dont il a profité pour voler la vedette aux meilleurs joueurs de sa formation en les éclipsant peut-être involontairement. Le grand joueur est celui qui prouve ses qualités dans des structures de jeu différentes tel un R9, un Zidane, et co. Messi peut faire autant ? On ne peut pas répondre par l'affirmative.

Terminons cette petite réflexion en se posant des questions qui, vous allez voir, feront ressortir encore une fois l'incongruité du Ballon d'Or, ce prix qui récompense le meilleur footballeur de l'année. Que veut dire « meilleur joueur » en football ? Peut-on attribuer le titre de meilleur à un seul joueur dans une équipe ? Que serait Messi sans un Sergio Busquest, l'excellent milieu défensif du FC Barcelone, un Xavi, un Jordi Alba, un Iniesta ? CR7 peut se targuer d'être le 7e meilleur buteur de l'histoire de l'équipe madrilène, mais pourrait-il marquer autant de but sans ses coéquipiers ? Par ailleurs, Messi peut-il jouer au poste de défenseur ? Peut-on se permettre de mettre CR7 à la place de Casillas lors d'un match? Ne serait-il pas plus sensé d'instaurer un Ballon d'Or du meilleur gardien, du meilleur défenseur, du meilleur milieu, du meilleur attaquant ? Finalement, ne voyez-vous pas que le Ballon d'Or tel qu'il est défini aujourd'hui est un non-sens pour le football et une injustice faite aux joueurs ? Jugez-en par vous-même.

Josué Muscadin

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