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Les partenaires d’Haïti ont-ils baissé les bras ?
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- Catégorie : Opinions
- Publié le mercredi 19 décembre 2012 14:13
Cette photo de Jacmelis courtesy of TripAdvisor
Soumis à Tout Haiti le 19 Decembre 2012
Par Pierre Michel Joassaint
Trois mois après son installation à la tête de la mairie de Jacmel en Haïti comme agent exécutif intérimaire par le gouvernement pour remplacer les maires élus, Hugues Paul a présenté à la presse ses actions positives dans un délai très court : relance de l'assainissement de la ville, réparation de la clôture du cimetière de Jacmel, reconstruction de l'abattoir. Il répond ainsi à des besoins de la ville et on ne saurait lui reprocher de satisfaire les attentes de la population.
Cependant la source de financement et la manière de procéder nous invitent à nous poser des questions qui dépassent le cas de Jacmel.
La mairie de Jacmel indique avoir bénéficié pour ce faire de fonds européens. Il est de notoriété publique que ces fonds avaient été alloués à la ville de Jacmel pour poursuivre l'effort précédemment réalisé en collaboration avec d'autres bailleurs internationaux afin de collecter et de traiter les déchets de la Ville.
Si l'agent exécutif peut décider de réorienter les priorités de l'administration communale pour la ville, il ne peut pas disposer du fonds européen selon son gré et sans avoir préalablement demandé à ses partenaires internationaux de modifier les termes des conventions que ses prédécesseurs élus ont signées.
Soit il a sollicité et obtenu cet accord et on regrettera qu'une fois de plus, un investissement chasse l'autre sans aucune mise en œuvre ultérieure ni service rendu aux habitants.
Soit il ne l'a pas fait et face à un tel cas de détournement des objectifs de l'aide, il serait naturel et même bienvenu de la part de l'Union Européenne de rappeler à la Mairie de Jacmel les règles élémentaires en matière de gestion de fonds de la coopération. Ce serait une belle occasion d'apprentissage pour les partenaires haïtiens et une opportunité de montrer que les règles ne sont pas faites uniquement pour être transgressées dans un pays où on considère trop souvent les lois et les règles comme quantité négligeable et où la signature des autorités publiques est rarement honorée.
Accepter de « régulariser a postériori » supposerait que ce qui est inacceptable partout ailleurs serait inévitable en Haïti. Cela signifierait au choix :
- laissons-les faire, après tout, on ne pourra jamais transmettre de bonnes pratiques à ces gens et rien de sérieux ne peut être entrepris en Haïti. Dans ce cas, ce serait à la fois désespérant et méprisant pour les Haïtiens.
- Ou alors, tant pis, c'est l'occasion d'inaugurer une réalisation concrète pour marquer l'implication et la présence de l'institution européenne en Haïti, quitte à mettre les règles de gestion de côté. Dans ce cas ce serait cynique et irresponsable.
Quels qu'en soient les motivations latentes, nos partenaires internationaux enverraient un très mauvais signal en récompensant ceux qui refusent de respecter les règles. Ils illustreraient l'idée bien répandue en Haïti que le bailleur a beaucoup plus intérêt à dépenser que les Haïtiens dans la réalisation des projets.
En acceptant de se soumettre à ces types de dérives, nos partenaires étrangers apportent leur contribution à la dérive générale.
Confronter à la même de situation dans le cadre d'un projet géré par un groupement paysan, j'ai exigé du comité d'adresser une lettre au bailleur expliquant pourquoi il veut mettre fin au projet et de solliciter par la même occasion une réaffectation des fonds. Le président du groupement m'avait fait remarquer que j'étais plus dur que les « blancs ». Eux au moins, ils savent que l'argent du projet est fait pour être dépensé et après ils en amèneront encore. Avec le recul, ce paysan avait-il raison ? En tout cas, il savait visiblement de quoi il parlait.
Dans l'état où se trouve Haïti aujourd'hui, ce dont nous devrions attendre de nos partenaires c'est la capacité de nous dire la vérité en face, de rappeler les règles quand il faut sans condescendance et dans le respect et la dignité et non de cautionner nos dérives.
Pierre-Michel JOASSAINT
Consultant en Evaluation et Développement institutionnel
Ancien Conseiller du Premier Ministre de la République d'Haïti de 2009 à 2010 pour la réforme de l'Etat et la décentralisation
Ancien président de l'association des Haïtiens de Strasbourg, a contribué à la mise en place de la coopération décentralisée entre Jacmel et Strasbourg
Ancien élève de l'ENA
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