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L'odeur du souffre : le pouvoir se ronge les pouces

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La République bout au rythme des manifestations anti-gouvernementales. Le pouvoir Tèt Kale, sur la défensive, vacille. Distribution d'argent. Révocation de fonctionnaires. Nominations. Les contestataires n'en démordent pas. Ils poursuivent leurs offensives. Ils réclament pour la plupart la démission du chef de l'État. L'image du changement symbolisée par Michel Martelly se pâlit. La politique antipolitique menée depuis le début de son quinquennat, se retourne au fur et à mesure contre lui.

Pourtant, les signes avant-coureurs furent nombreux. La grogne qui montait des quartiers populaires et dans certaines métropoles de la province, annonçaient la tempête. Les promesses non tenues, la mauvaise répartition du budget, les provocations et maladresses politiques des proches de l'équipe au pouvoir, ont alimenté les foyers de contestations. Les masques sont tombés. L'atmosphère de propagande se dissipe peu à peu. Les limites de l'administration Martelly/Lamothe à adresser les problèmes réels de la population, sont mises à nu.

Les grands dossiers sont encore pendants. La reconstruction du pays stagne. Pourtant, le Président avait promis de mettre le pays en chantier. Ce fut l'un des slogans de campagne qui lui a permis de se hisser au sommet de l'État. La population attend encore. La reconstruction de quelques bâtiments publics à peine lancée, de quelques maisonnettes à morne à cabri et autres, sont loin d'assouvir la volonté de changement qui animait les citoyens lors de la période de campagne.

Les séquelles du séisme sont encore présentes dans tous les esprits. Dans différents coins de la Capitale, les camps de rescapés et les maisons éventrées qui attendent encore d'être démolies, rappellent l'échec de l'État à adresser les problèmes sociaux de base. De plus, les trois cent mille maisons préfabriquées promises pour reloger les victimes ne sont jamais arrivées.

La crise inutile soulevée par un CSPJ servile, à la botte du chef de l'État a également attisé la flamme de la révolte. Le Conseil électoral permanent divise l'Exécutif et certains éléments du Législatif. Provocation. Dérapage. Le chef de l'État s'embourbe dans la formation de l'institution électorale. Il n'a pas voulu entendre raison. Il a foncé tête baissée dans son initiative : « Dialogue permanent, conseil permanent.» Il minimisait, peut-être, la capacité de nuisance de ses adversaires.

Entre-temps, les conditions de vie de la population ne cessent de se dégrader. Les emplois promis peinent à atterrir. L'inflation bat son plein. Les prix des produits de première nécessité grimpent à une vitesse vertigineuse. Manger devient pour certains un défi au quotidien. Pourtant, d'autres vivent dans un luxe presqu'indécent.

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Les questions de classe et de couleur ont également refait surface. Elles sont alimentées par les dérapages des proches du pouvoir dont Edo Zenny en mode de « serpent cracheur de venin » qui nourrit la polémique en s'élevant au rang d'aristocrate et de prince héritier du royaume de Jacmel. Humiliation, justement, marque de fabrique de l'équipe rose frustre certains alliés naturels du pouvoir. Ce fut le cas pour certains hommes d'affaires à qui une interdiction de départ sur base de TCA non reversée à la DGI, a été imposée. Le pouvoir réglait ses comptes, dit-on, dans ce dossier.

Comme un symbole, c'est par les Cayes qu'est venue la tempête. Une ville qui avait grandement contribué à l'accession au pouvoir du président Martelly. Les transferts du doyen du Tribunal de première instance de ladite ville ainsi que le commissaire du gouvernement ont été la cause occasionnelle qui lança les mobilisations anti-gouvernementales. La grève qui a suivi, a fait vibrer le pouvoir qui a réagi en soudoyant certains acteurs et bases populaires de la ville si nous devions croire l'ancien délégué du Sud, Étienne France.

Oubliés, les Cayens continuent leur mobilisation et réclament plus d'intégration et de participation dans les grands projets nationaux. 40 millions de dollars américains ont été investis dans le Sud-Est ainsi que dans le Nord. Ils réclament, pour leur part, une participation à la hauteur de leur contribution dans la prise du pouvoir par le chef de l'État. En effet, ils avaient mis à feu et à sang leur ville pour propulser Michel Martelly au sommet de l'État.

En même temps, le Nord s'embrase mais sur la base d'une simple rumeur, faisait remarquer le président Martelly. Des familles informées d'une éventuelle opération de déguerpissement, ont gagné les rues pour la dénoncer. La manifestation s'est rapidement transformée en mouvement anti-Martelly. Depuis, plusieurs milliers de personnes gagnent les rues chaque semaine et protestent contre la cherté de la vie, la corruption et l'arbitraire.

Le Président minimise. Son voyage à l'Onu en est un témoignage probant. Sa popularité s'effrite ainsi que la période de grâce observée au début de son mandat. Conseillée par de piètres stratèges, l'équipe rose déçoit et la conjoncture est en train de se retourner contre elle. Les opérations de camouflage orchestrées via quelques programmes aux effets douteux, ne suffisent pas pour cacher la réalité. Tôt ou tard, le chef de l'État devra y faire face, car la population attend encore une solution à la misère qui la ronge au quotidien.

Lionel Edouard
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Source: Le Matin