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Plusieurs milliers d’opposants réclament le départ de Michel Martelly, dans les rues du Cap

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Dopé par le radicalisme ambiant et le succès de cette mobilisation qui a particulièrement ciblé la famille présidentielle accusée de corruption, le Sénateur Moïse Jean-Charles, l'un des fers de lance du mouvement, annonce, pour lundi prochain, une grève générale dans la métropole du nord qui visera directement le chef de l'Etat ; Fanmi Lavalas de Jean-Bertrand Aristide se dit favorable aux manifestations pacifiques et estime que la démocratie est menacée

Plusieurs milliers de manifestants ont défilé jeudi dans les rues du Cap-Haïtien (environ 275 km au nord de Port-au-Prince) où ils ont, pour la première fois, exigé la démission du Président Michel Martelly tout en continuant à soutenir des revendications sociales portant sur la hausse galopante des prix des produits de première nécessité et les risques de famine en Haïti.

Troisième grande mobilisation antigouvernementale enregistrée dans le nord en deux semaines, la marche de protestation s'est déroulée sans incidents majeurs avec, comme l'un des principaux chefs de file, le Sénateur Moïse Jean-Charles qui a lancé pour lundi prochain un mot d'ordre de grève de 24 heures, dans la deuxième ville du pays.

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Appuyés par plusieurs personnalités de la classe politique et de la société civile à l'échelle régionale, les manifestants ont sillonné la Cité cristophienne sur fond de slogans hostiles au chef de l'Etat et à son régime. Ils ont accusé l'ancien chanteur « Sweet Micky », au pouvoir depuis mai 2011, de pratiquer une politique d'exclusion, l'autoritarisme, la corruption et de conduire le pays à la ruine en encourageant le népotisme.

Sophia et Olivier Martelly, l'épouse et le fils du dirigeant haïtien, responsables chacun d'une commission présidentielle disposant d'énormes ressources, ont été pointés du doigt pour leur implication présumée dans des détournements de fonds au détriment du trésor public. « Madame Martelly veut de l'argent, le fils de Martelly veut de l'argent alors que le peuple crève de faim et ne peut pas envoyer ses enfants à l'école », scandait une foule en colère, au milieu d'un imposant dispositif de sécurité.

Cette manif a également favorisé de grandes réconciliations entre, d'une part, Moïse Jean-Charles et le représentant départemental de l'Organisation du peuple en lutte (OPL), Elusca Charles, à couteaux tirés depuis des années, et de l'autre, entre le parlementaire et l'ex-Député Hugue Célestin qui l'avait accusé dans l'assassinat de son frère.

Seul incident à signaler, des jets de bouteilles contre les manifestants qui ont conduit à l'arrestation de quatre individus.

Présente sur le parcours, Kettly Julien, la responsable de l'Institut mobile d'éducation démocratique (IMED) s'est félicitée de l'attitude professionnelle de la police vis-à-vis des protestataires qui, souligne-t-elle, sont des citoyens qui dénoncent à bon droit la détérioration de leurs conditions de vie. Toutefois, la dirigeante de l'organisation des droits humains a regretté la détention prolongée de plusieurs personnes appréhendées lors d'une précédente manifestation, la semaine dernière.

A l'issue de cette mobilisation qui a davantage galvanisé les anti-Martelly et poussé beaucoup de manifestants vers la radicalisation, le Sénateur Jean-Charles -devenu une figure incontournable de l'opposition au Parlement- a annoncé pour lundi une journée de grève locale visant à obtenir le départ du chef de l'Etat.

L'élu de Inite aux origines lavalassiennes, dont le mandat court jusqu'en 2015, affirme avoir décidé de troquer l'habit du parlementaire pour celui de « militant du béton » afin de se consacrer à toute forme de mobilisation pacifique pouvant entraîner la chute de M. Martelly.

Parallèlement à ces propos, à Port-au-Prince, le Dr Maryse Narcisse, porte-parole de Fanmi Lavalas, a annoncé jeudi que le parti de l'ex-Président Jean-Bertrand Aristide apportait son soutien à « tout mouvement pacifique dont l'objectif est de changer les conditions de vie de la population ».

Appelant tous les démocrates à l'unité en vue de défendre les acquis démocratiques jugés aujourd'hui en péril, comme en 1991, la responsable politique dit relever que le gouvernement colle l'étiquette de « mercenaire » à tous ceux qui manifestent contre la vie chère, l'insécurité et la corruption.

Intervenant à la veille d'une marche prévue dimanche à l'occasion du 21e anniversaire du sanglant coup d'état militaire qui renversa Jean-Bertrand Aristide, le 30 septembre 1991, cette prise position ressemble fortement à une nouvelle posture de Fanmi Lavalas, qui avait gardé un profil bas depuis le retour d'exil de son leader, en mars 2011.

De l'avis de divers observateurs, la dynamique de la mobilisation contre la gestion politique du régime, en deçà des enjeux et défis actuels, tend à gagner du terrain. Parallèlement à la situation au Cap, plusieurs dizaines de personnes ont manifesté jeudi à Jérémie (Grand'Anse, sud-ouest) contre la hausse du coût de la vie, le rationnement du courant électrique et la rareté de l'eau potable.

Les villes des Cayes (sud) et de Miragoâne (Nippes, sud-ouest) comptent également parmi les foyers d'un mouvement de protestation aux contours encore indéfinis, mais que les autorités ont toutes les peines du monde à contenir dans un environnement social qui sent le soufre.

Source: Radio Kiskeya
Publié le jeudi 27 septembre 2012