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CARNAVAL DES FLEURS : UN VASTE SCANDALE FINANCIER: Des centaines de millions de gourdes détournés des ministères

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Haïti-observateur 1-8 aout, 2012 --- La grande liesse offerte aux Haitiens par le président Martelly, au beau milieu de l’été 2012, n’aura été qu’un leurre pour détourner des centaines de millions de gourdes du trésor public. Voilà ce qui ressort d’un mémorandum secret acheminé à différents mi nis tères du gouvernement du Premier ministre Laurent Lamothe. Cette note interne leur ordonne pratiquement de « con tribuer » pour la bagatelle de 25 millions de gourdes au Comité du carnaval des fleurs nommé par le président de la république. Ainsi, chaque minis tère se retrouvait dans l’obligation d’honorer ladite demande, d’autant qu’elle assurerait le succès de la promesse présidentielle quant à la réalisation du dit carnaval.

L’État paye, les amis récoltent

En nommant ses compagnons de beuverie et amis intimes au Comité du carnaval des fleurs, Michel Joseph Martelly a suivi à la lettre le même schéma utilisé au Carnaval national qui se déroulait à la ville des Cayes en début d’année. On n’a qu’à se rappeler de l’intendant du Palais, Albert Chancy, siégeant comme trésorier du Comité bidon du président Martelly. D’autre part, aux Cayes comme à Port-au-Prince, les mairies des deux villes ont été écartées des tractations. Du même coup, le comité imposé à la capitale, à l’instar de celui infligé aux Cayens, bénéficiait de la « bienveillante protection du président de la république » afin d’opérer en toute quiétude.

Alors que l’État haïtien, via le gouvernement de Laurent Lamothe, est le principal bailleur de fonds de l’événement, les vrais bénéficiaires des largesses présidentielles se retrouvent dans l’entourage du président et de son associé en affaires installé à la primature.
L’argent du contribuable a coulé à gogo pour la construction de plusieurs dizaines de stands attribués à différents ministères. Ceux-ci s’étendent du Monument 2004 à l’angle des rues Capois et Sain-Cyr. Le secteur privé, traditionnellement actif dans ce genre d’événements, a préféré garder un profil très bas en s’abstenant d’y participer. On ne remarque que six grands noms, s’il faut inclu re deux stations de télévisions privées proches du pouvoir.

Selon des documents confidentiels qui nous sont tombés entre les mains, cinq compagnies bidons, ou nouvellement crées, ont obtenu des contrats pour la fabrication des stands, sans qu’aucun appel d’offre n’ait été lancé.

D’après ces documents, il s’agit de « SOGEC », qui a eu le lucratif contrat du stand de la Primature, de « Parc Construction » de Danilo Lainé, qui a remporté le gros lot avec le stand de la présidence. Pressenti en tant que nouveau maire de la capitale, Lainé est de plus en plus visible depuis quelques semaines dans l’emtourage du président. Quant aux autres compagnies bénéficiant des faveurs du tandem Martelly-Lamothe, on retrouve « CAA Constructions », où siègent principalement une certaine Mme Alexandre et Mme Tania Chimie plutôt connue dans le public pour avoir été la petite amie de Jude Celestin, candidat évincé lors des dernières élections présidentielles. Sans détenir les qualifications necessaires pour verser dans le domaine de la construction, « Caribbean Sound», qui est dans le giron d’un ancien guitariste solo de Sweet Micky, a obtenu plus d’une dizaine de stands. Alex Tropnaz, avons-nous appris, serait le prête nom de Ronald « Roro » Nelson, ami intime du président de la république. Un grand mystère plane autour de deux entités inscrites au département du Commerce au nom d’un seul et même propriétaire. Cette astuce a permis à « AC Construction et Général Construction » de doubler le nombre de stands installés au Champs-de-Mars.

Face à tant d’irrégularité dans la gestion de la construction de simples stands pour un carnaval, les instances gouvernementales au raient intérêt à faire le point sur ces allégations. Surtout quant le gouvernement, en la personne de son Premier ministre, réclame une participation prépondérante dans la gestion des fonds alloués à Haïti par la communauté internationale. Des ingénieurs évincés des travaux Le copinage qui guide l’action gouvernementale dans l’octroi des contrats de tous ordres s’est manifesté de manière plus cinglante dès que le président annonçait l’or ganisation du Carnaval des fleurs. Celui-ci doit gérer la foule innombrable de jouisseurs et suceurs qui l’entourent. Ceux-ci ne se contentent pas seulement de trimbaler, de Port-Salut à Sautd’Eau, en quête d’aventures, de femmes et d’alcool. Être dans l’épicentre du pouvoir leur confère aussi des avantages pécuniers qu ils veulent attraper au vol.

Symbole par excellence de la bamboche populaire, la manne carnavalesque est tombée comme par miracle pour assouvir leur instinct. Ainsi, des compagnies ayant une expertise s’étendant sur plus d’une vingtaine d’années dans la construction de stands ont été systématiquement écartées des travaux avec une quarantaine d’ingénieurs jetés sur le pavé. Du revers de la main, le tandem Martelly Lamothe a chambardé le champ de la construction et implanté un amateurisme qui se réflète dans ces stands qui apparaissent co me des boîtes sans créativité.

Quoi que multicolores, on ne voit aucune innovation, aucune touche experte, contrairement à la propagande orchestrée par le Comité du Carnaval des Fleurs. Selon une source proche du Comité des festivités carnavalesques des f leurs, chaque espace que les ministères ont loué via le fameux Comité carnavalesque a été facturé à USD 7 000 $, alors que, en réalité, il ne s’agirait que de USD 5.000 US $. Le Comité installé par le président de la république aurait empoché la différence pour chaque espace.

En l’absence de quorum à la Chambre Haute, on présume qu’ au cune autre instance légale ne sommera à comparaître, pour des
explications, le Premier ministre Laurent Salvador Lamothe, les membres de son gouvernement impliqués dans cette gabegie tout comme le fameux Comité du Carnaval des fleurs. Des explications claires s’imposent rapidement, car à l’heure où nous écrivons ces lignes, des pères et mères de familles attendent impatiemment des arriérés de salaire, des professeurs n’ont pas encore touchés leurs émoluments… La vie n’est pas toujours une fête pour la majorité des citoyens.

Une villa de deux étages représente le stand de la présidence. Alors que le gouvernement Mar telly a été forcé de réviser à la baisse le budget du Carnaval des fleurs, cela ne l’a pas empêché de faire ériger l’équivalent d’un pa lais temporaire pour loger le stand de la présidence. D’un montant de 65 millions de gourdes précédemment annoncé pour financer les festivités, le pouvoir a déclaré avoir ramené le coût à 35 millions de gourdes, soit environ la moitié du budget original.

En effet, il a fallu moins d’une semaine pour construire le stand de la présidence, car celui qui avait été assemblé auparavant fut démoli sans autre forme de procès. On a été bien étonné de cons - tater, la semaine dernière, que l’espace réservé à la présidence pour le Carnaval des fleurs avait été démoli. La surprise fut encore plus grande quand on a constaté l’énormité du stand de remplacement bâti pour la présidence dans l’espace d’une semaine, une villa que les résidents des tentes souhaiteraient avoir comme résidence. Comme on dit dans le savoureux vernaculaire haïtien : « kapab pa soufri ». Le manque de ressources c’est pour les autres. Tant pis pour les personnes malchanceuse, « fòk presidans la jwenn kan menm ».m

Haïti-observateur 1-8 aout, 2012